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Littérature
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Le demon de la theorie. litterature et sens commun
Antoine Compagnon
- Seuil
- La Couleur des idées
- 25 Décembre 2014
- 9782021228083
Après le temps de la critique et de l'histoire littéraire, vint le temps de la théorie littéraire, ou plutôt des théories littéraires, qui se sont relayées et affrontées durant ces quarante dernières années. Elles s'accordent néanmoins sur le refus de toute psychologie, sur un certain formalisme, et d'abord sur la volonté de réfuter le sens commun, les idées " populaires " sur la littérature : l'auteur comme autorité donnant son sens au texte ; le monde comme sujet et matière de l'œuvre ; la lecture comprise comme conversation entre l'auteur et le lecteur ; le style comme choix d'une manière d'écrire ; l'histoire littéraire comme majestueuse procession des grands écrivains ; la valeur comme propriété objective du canon littéraire.
La théorie a ébranlé ces repères du sens commun, mais le sens commun a résisté à la théorie. Et celle-ci a souvent dû forcer la note pour réduire son adversaire au silence, au risque de s'enfermer dans des paradoxes. C'est le combat de la théorie et du sens commun que ce livre retrace, sans se limiter au domaine français. Le temps est en effet venu d'évaluer nos bonnes années de théorie littéraire afin d'en suggérer un premier bilan.
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Chat en poche ; Montaigne et l'allégorie
Antoine Compagnon
- Seuil
- La Librairie du XXIe siècle
- 31 Janvier 2014
- 9782021157598
On n'a pas fini de déchiffrer des sens cachés dans les Essais de Montaigne. L'allégorie suppose qu'un autre sens se terre sous la lettre. Le texte ne veut pas dire ce qu'il dit : il veut dire ce qu'il ne dit pas. Dès qu'on entre dans le champ du non-dit, de l'esprit, de la figure, s'ouvrent toutes grandes les écluses de l'interprétation. Et une allégorie peut toujours en cacher une autre.
En 1992, on a célébré le quatrième centenaire de la mort de Montaigne en acclamant sa vision de l'Autre : à eux seuls, les Essais nous rachètent de cinq siècles de colonialisme.
L'anachronisme triomphe lors des commémorations : en 1892, la Troisième République, ne sachant encore bien que faire de l'auteur des Essais, l'opposait à La Boétie et l'accouplait à Renan.
La tradition de l'allégorie semble pourtant se dissoudre dans les Essais. Mais peut-elle disparaître pour de bon ? C'est dans la seule page où Montagne fait allusion à l'allégorie biblique que Pascal trouve l'ébauche de la gradation, cette dialectique des contraires qui légitime l'ordre politique et social.
La pensée politique de Pascal est aussi scandaleuse que celle de La Boétie. C'est la place de Montaigne, entre La Boétie et Pascal, qu'on ne cesse d'interpréter. La tentation de l'allégorie n'est-elle pas aussi grande que l'amour de la littérature ?
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Le deuil antérieur. Un narrateur, que l'on suppose se prénommer Marcel - artifice dont l'auteur, parlant lui-même à la première personne, s'explique non sans rouerie -, porte le deuil, à tous les modes et temps de la conjugaison : antérieur, parce que le héros a toujours hanté les chemins où la mort, celle des autres, et la sienne qu'il s'entête à vouloir incarner de manière acceptable, forme le stratagème qui engage à l'écriture et, de ce fait, à la fiction ; présent et douloureusement stupéfait, quand Marcel - l'auteur - est confronté à la mort d'une femme aimée, qui se tue aussitôt après qu'il lui a fait cadeau de la Mort de Cléopâtre, la cantate de Berlioz, ce qui justifie si brutalement aux yeux des lecteurs habituels de romans qu'elle s'appelle ici, simplement, Cléopâtre ; d'où un éblouissement, un miroitement qui déroute soudain le narcissisme de la tentative autobiographique initiale ; et enfin, un deuil, oui, antérieur, mais qui se retourne contre lui-même, jusqu'à provoquer les pages finales, quand elles jettent après coup sur l'ensemble une lueur tout à la fois perfide et souveraine, et qu'il est délicat d'entendre autrement que sous les auspices d'un immoralisme qui se veut - et qui se savait dès l'ouverture du livre - "mortel".
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Nous, Michel de Montaigne
Antoine Compagnon
- Seuil
- Essais littéraires (H.C.)
- 29 Janvier 2016
- 9782021315486
Montaigne prononce à trois reprises son prénom dans les Essais. Une première fois, dans l'un des plus anciens chapitres du livre I, où il dénonce l'inconsistance du nom. Les deux autres, près de vingt ans plus tard, lors des additions de l'exemplaire de Bordeaux – à même la page imprimée, ce sont désormais des signatures autorisées : du nom impropre au nom d'auteur, ce livre va tenter de retracer la fantasme, de découvrir la logique.
Celle-ci rencontre d'abord un nominalisme extrême, où le nom – propre aussi bien que commun – est un universel sans du tout de réalité. Mais elle bronche sur le nom du père, véritable pierre d'achoppement qui contraint à verser dans le réalisme, puisqu'un universel du moins subsiste, la "maison", à la fois la terre et le nom. Cet universel, on le verra, s'incarne dans la semence. Mais Montaigne, premier du nom, est aussi le dernier, et le dilemme ne sera dépassé que lorsque le livre aura suppléé l'enfant. Du coup un autre nom sera propre à côté du nom du père : celui d'auteur.
Une écriture comme celle de Montaigne, qui refusa en principe toutes légitimités disponibles, ne peut se reconnaître un nom d'auteur qu'au terme du livre, ou après coup. Nous, Michel de Montaigne est ainsi une analyse rétrospective de l'appropriation du nom et de l'invention de l'auteur à travers l'écriture des Essais.
Antoine Compagnon est professeur au Collège de France et à Columbia University, New York, Antoine Compagnon est notamment l'auteur de Le Démon de la théorie (Seuil, 1998), Les Antimodernes
(Gallimard, 2005), et très récemment La Classe de rhéto (Gallimard, 2012).
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Proust entre deux siècles
Antoine Compagnon
- Seuil
- Sciences humaines (H.C.)
- 31 Janvier 2014
- 9782021111149
Marcel Proust a trente ans en 1901. Il meurt en 1922. C'est dire qu'il a plus vécu au XIXe qu'au XXe siècle. Son œuvre puise ses affinités esthétiques dans le siècle de Baudelaire, de Wagner et de Ruskin, mais lui échappe cependant. Comme elle échappe au XXe siècle. Sans doute ce partage n'a-t-il pas de sens en soi ; mais toute grande œuvre manque d'aplomb : les œuvres assurées passent de mode, celles qui deviennent classiques sont ambiguës. C'est parce que la Recherche du temps perdu est irréductible aux deux siècles, qu'elle continue de fasciner.
Ce livre essaie de comprendre la puissance paradoxale du roman de Proust en le confrontant à quelques lieux communs fin de siècle : le débat entre les conceptions organique ou fragmentaire de l'œuvre d'art, la sexualité décadente, la science psychiatrique ou étymologique, l'idée de progrès en art, la naissance du mythe de l'avant-garde, etc. Comment Proust les a-t-il côtoyés et de quelle façon les a-t-il transformés ? Par quels retours à d'autres siècles aussi ?
Deux ombres ne quittent jamais Proust : Racine et Baudelaire, dont les destins critiques se croisent étrangement avant 1900. On découvre alors la violence chez le dramaturge et le classicisme chez le poète maudit. Ils deviennent frères, et Proust entre deux siècles, c'est aussi Proust entre ces deux poètes.
Antoine Compagnon
Professeur au Collège de France et à Columbia University, New York. A établi l'édition de Sodome et Gomorrhe dans la " Pléiade " (Gallimard, 1988).