Qu'est-ce que la philosophie médiévale ? Évoquant soit l'âge idéal du magistère intellectuel de l'Église, soit l'époque malheureuse d'un long et laborieux sacrifice de la pensée, rappelant pour les uns les fastes équivoques d'une clarté à jamais perdue, ou pour les autres la manifestation la plus évidente des ténèbres, de l'obscurantisme, mille ans de réflexion, d'innovations et de travail dorment dans le silencieux interrègne qui sépare l'Antiquité de la Renaissance.
Autrement dit, c'est une transition de dix siècles, interminable parenthèse entre Aristote et Descartes, au cours de laquelle l'« autorité » des « Pères » et des « Docteurs » règne sans partage, où la foi l'emporte sur la raison, le langage sur l'expérience, l'abstrait sur le concret, les mots sur les choses.
L'objet de ce livre est " l'expérience de la pensée ", telle que l'a vécue un type d'homme - l'intellectuel - et telle que l'ont reproduite des groupes d'hommes et de femmes, plus ou moins hétérodoxes, aux xiiie et xive siècles.
L'enquête menée par alain de libera se veut indépendante de la sociologie historique (perspective illustrée par " les intellectuels au moyen age " de j. le goff) et porte volontairement sur des discours. ainsi la censure (en particulier les condamnations parisiennes de 1277 : 219 idées interdites !) est considérée non comme révélatrice de ce qui fut, mais comme fabriquant, en l'énonçant et en la dénonçant, une réalité à venir.
Réflexion sur la place du médiévisme dans l'institution du savoir et le rôle équivoque du moyen age dans la culture politique contemporaine, ce livre entend aussi déplacer le dialogue de l'islam et de l'occident sur le terrain de la tradition intellectuelle, ou plutôt de la transmission de l'idéal intellectuel de l'orient à l'occident : la crise de la scolastique, le conflit de la foi et de la raison, de la théologie et de philosophie, ont commencé en islam, avant d'être importés (avec le modèle de l'intellectuel lui-même) en occident.
De maître Eckhart, et de la force spirituelle de son oeuvre, on connaît moins l'inscription historique. Alain de Libera, grand médiéviste, professeur émérite au Collège de France, retrace le contexte dans lequel le grand mystique rhénan prononça et écrivit ses sermons et traités. On saisit ainsi l'importance et la subversion de son oeuvre dans une première partie historique.
L'exploration des plus grands textes de maître Eckhart se déploie dans une seconde partie qui est une anthologie construite autour des grands thèmes de sa mystique : l'humilité, le détachement, le délaissement et la pauvreté, l'âme, la grâce et la déification.
Première édition : Seuil, « Des Travaux » (1996) Nouvelle édition La célèbre querelle médiévale des universaux est une figure du débat qui oppose et rassemble le platonisme et l'aristotélisme depuis l'Antiquité tardive jusqu'à nos jours. En replaçant le problème des universaux dans l'histoire longue, du Ve au XVe siècle, Alain de Libera montre qu'il est un « condensateur d'innovations » unique. Nul autre ne permet de voir se former, s'échanger et se codifier autant de langages théoriques, de modèles ou d'instruments analytiques nouveaux : invention de l'intentionnalité, refonte des concepts d'essence et d'existence. Ces « percées » typiquement médiévales trouvent à partir de cet observatoire l'horizon qui a fait d'elles autant de points de frayage de la modernité. Le vrai Moyen Âge serait alors l'Âge classique, qui espace, sépare et surtout interrompt.
La mystique rhénane d'Albert le Grand à Maître Eckhart La mystique rhénane est le fruit d'une théologie spécifique inaugurée par l'enseignement d'Albert le Grand à Cologne dans les années 1250. Grâce à lui, l'école dominicaine allemande, dont on commence à peine à mesurer l'importance, a bénéficié de larges apports grecs et arabes, que les dissociations modernes entre "scolastique", "mystique" et "philosophie" ont, le plus souvent, occultés. Le but de ce livre est de redécouvrir les catégories médiévales et de donner dans cet esprit une première vue d'ensemble des hommes, des doctrines et des concepts qui ont fait de la théologie rhénane un moment fondateur dans l'histoire de la philosophie.
Après L'invention du sujet moderne (2014), et La Volonté et l'action (2015), le cours du semestre d'hiver 2016 abordait la question du sujet de la passion pour tester sur la « durée longue », la thèse principale de l'archéologie du sujet, faisant de la christologie le laboratoire ontologique et éthique de l'anthropologie occidentale. En suivant des dossiers aussi différents que la querelle du monothélisme dans l'Antiquité tardive ou celle de l'Eucharistie dans la « prémodernité », on poursuivait un double objectif : arracher la théologie et son histoire à l'enfer des « études subalternes », rapatrier la théologie « grecque » dite « orientale » dans l'histoire de la pensée « européenne » - autrement dit : remettre l'Église au milieu du village, et la Grèce en Europe. La question du sujet de la souffrance du Christ sur la Croix, celle du statut de la douleur dans la stigmatisation de François d'Assise ou les pratiques ascétiques du « mystique » rhénan Henri Suso, ont été l'occasion d'examiner sur une base nouvelle la genèse des notions de contagion et de compassion, censées rendre compte de la possibilité d'un « partage de la souffrance » entre l'homme, les hommes et Dieu, ainsi que les complexes de problèmes déployés depuis les Problemata du Pseudo-Aristote jusqu'à la théorie luthérienne de la communication des idiomes et les controverses christologiques du XVIe siècle (comme le « colloque » de Montbéliard de 1586 opposant luthériens et calvinistes), pour penser ensemble, à partir du couple passion-Passion, dans l'horizon d'une métaphysique de l'Incarnation, l'élaboration croisée - ce qu'on appelle ici le « chiasme » - de la souffrance humaine et de la souffrance de Dieu.
Le premier cours prononcé en 2013-2014 par le nouveau titulaire de la chaire d'histoire de la philosophie médiévale, recréée au Collège de France cinquante ans après le départ d'Étienne Gilson, inaugure une enquête sur l'histoire de trois questions : « Question de l'homme », « Question du sujet », « Question du soi », où, sur fond de tension entre métaphysique et anthropologie, s'invente la notion moderne de sujet. Dans l'horizon du « long Moyen Âge », le cours propose une relecture de la critique nietzschéenne du sujet « cartésien » dans les fragments posthumes rassemblés sous le titre de Volonté de puissance; les premiers éléments d'une « déconstruction » de la thèse de Heidegger sur la rencontre du subiectum médiéval et de l'ego chez Descartes, telle que la formule le cours de 1934 sur La Logique; une discussion de l'interprétation foucaldienne du soi-même dans l'Alcibiade de Platon, lancée par le cours de 1981-1982 sur L'Herméneutique du sujet. Les textes antiques et médiévaux abordés dans le cours permettent de montrer que dès le Moyen Âge central (XIIIe -XIVe siècle), avec Guillaume d'Auvergne († 1249) ou Pierre de Jean-Olieu († 1298), les conditions nécessaires à l'émergence d'une notion dite « moderne » de sujet étaient réunies, dont l'introduction du subiectum dans la psychologie augustinienne, avec la notion de « sujet spirituel » ou psychique, par opposition à physique ou matériel, et une définition de la « personne » comme sujet d'activité mentale capable de reconnaître à autrui la même capacité d'imputation subjective, soit par « inférence » (arguitio) soit par « sympathie » (conspiratio). Le parcours médiéval effectué dans le cours entame un retour critique sur trois fétiches postmodernes, qui sidèrent indûment la pensée : la « mort de l'homme », la « fin de l'humanisme », la « mort du sujet ».
« Je n'ai pas voulu cela. » La phrase de Guillaume II reprise par Karl Kraus dans Les Derniers jours de l'humanité sert de fil conducteur à une archéologie du sujet de l'action, entendu comme sujet d'un libre « usage » (khrêsis) du vouloir et du faire. Le fond du débat est d'ordre logique. Il passe par une distinction entre volonté (voluntas) et nolonté (noluntas), vouloir faire (velle facere), ne pas vouloir faire (non velle facere) et vouloir ne pas faire (nolle facere) dont l'histoire est retracée d'Anselme de Cantorbéry à Roderick Chisholm. Tout est mobilisé pour faire comprendre comment c'est en théologie que s'est nouée la question philosophique du rapport entre vouloir, nouloir et principe de non-contradiction. Deux modèles, en effet, s'affrontent depuis que la tradition chrétienne a élaboré les bases logiques de la théorie de la volonté et de l'action : le modèle aristotélicien et le modèle augustinien. Pour le reste : Spectemur agendo !
« Voyez-nous faire ! » Nos actes sont nos juges. Une réponse à toutes les dénégations.
Cours du Collège de France 2015.
Le « sujet » n'est pas une création moderne. Ce n'est pas davantage un concept psychologique. Moins encore l'invention de Descartes. C'est le produit d'une série de déplacements, de transformations et de refontes d'un réseau de notions (sujet, agent, acteur, auteur, acte, action, passion, suppôt, hypostase, individu, conscience, personne, « je », moi, Self, égoïté), de principes (attribution, imputation, appropriation) et de schèmes théoriques mis en place dans l'Antiquité tardive (Plotin, Porphyre, Augustin), élaboré au Moyen Âge (Bonaventure, Thomas d'Aquin), puis mis en crise à l'Âge classique par l'invention de la « conscience » (Locke). Une histoire de la subjectivité ne peut donc être qu'une archéologie du sujet, travaillant la « longue durée » philosophique, une histoire de la philosophie du sujet entendue comme histoire du sujet de la philosophie, une « archéologie du savoir » pensée dans l'horizon de « l'histoire de l'Être ». Placé sous le double patronage de Heidegger et de Foucault, ce premier volume expose une méthode, introduit les concepts (périchorèse, immanence psychique, intentionnalité), présente les schèmes (sujet, suppôt, hypostase, personne; attribution, action, inhérence, dénomination) et forge les outils historiques (attributivisme, subjectité) nécessaires pour construire un premier parcours philosophique et théologique dans les quatre domaines où s'articule la figure inaugurale de l'histoire de la subjectivité : Qui penseoe Quel est le sujet de la penséeoe Qui sommes-nousoe Qu'est-ce que l'hommeoe
Qu'est-ce qui constitue le Moioe Ce qui dit « Je » à présent est-il le même qu'à l'instant passé ou à veniroe Depuis l'Âge classique, la philosophie s'interroge sur la permanence du moi individuel. Dans cette quête de l'identité, le sujet semble s'être décisivement effacé devant le Self et la Person. Il subsiste pourtant sous le masque de personne, à la rencontre de deux schèmes théoriques forgés dans la pensée antique et médiévale : la subjectité et l'attributivisme. Prenant pour fil conducteur les questionnaires sur l'identité personnelle de la philosophie contemporaine (Strawson, Rorty), on étudie ici sur la longue durée, avec les outils de Naissance du sujet, quelques figures remarquables du double parasitage du sujet et de la personne, d'où est issue la notion moderne de sujet personnel. Du problème médiéval du baptême des siamois à celui, lockéen, des personnalités multiples ou des corps en multipropriété, en passant par ceux du bateau de Thésée et des Jumelles de Bohème, cette archéologie du sujet non cartésien emprunte une série d'itinéraires imprévus où la théologie des sacrements croise la satire philosophique; la philosophie de l'esprit côtoie la métempsycose; les quodlibets médiévaux, Martin Scribbler et les gazettes londoniennes du XVIIIe siècle; l'être objectif des scolastiques, la dénomination externe des critiques de Locke. De Thomas d'Aquin, Henri de Gand et Duns Scot à Leibniz, Clarke, Butler et Reid, de la Seconde Scolastique à Catharine Trotter, Swift et Pope, de Suárez et Cajétan à Brentano et Heidegger, une série d'intrigues (Paul Veyne) se tisse, où le sujet, d'abord simple récepteur passif, accède à la condition personnelle d'agent, comptable de ses pensées tout comme de ses actions.
Alain de Libera, né en 1948, est professeur d'histoire de la philosophie médiévale à l'université de Genève et directeur d'études à l'École pratique des hautes études, où il enseigne l'histoire des théologies chrétiennes dans l'Occident médiéval.
On doit à Kant l'idée d'archéologie philosophique, et à Foucault sa définition : l'histoire de « ce qui rend nécessaire une certaine forme de pensée ». Les dix leçons de chose ici éditées veulent définir et illustrer par l'exemple le sens de la démarche « archéologique » en histoire de la philosophie. On y fouille trois archives logiques et métaphysiques majeures dont on montre l'interconnexion, de l'Antiquité et du Moyen Âge à l'Âge classique et à la modernité : le dossier de la querelle des universaux, celui du statut ontologique du mal, celui du mode d'existence des fictions, en suivant pas à pas le travail des grandes figures de l'histoire philosophique de la philosophie, de Morhof († 1691) et Brucker († 1770) à Cousin († 1867), Reid († 1796) et Stewart († 1828). On plaide pour cette archéologie du texte et des concepts, primitivement exclue par Foucault du domaine de l'archéologie du savoir.
Deux conceptions de la métaphysique se sont affrontées à l'automne du Moyen Âge : l'une a donné naissance à la métaphysique de l'esprit, culminant dans l'idéalisme allemand ; l'autre, à la métaphysique de l'être décrite par Martin Heidegger comme onto-théo-logie.
Albert le Grand (ca. 1200-1280) est le premier à avoir tenté d'harmoniser une réflexion sur l'être, l'esse ou yens, et une théorie de l'intellect, bref d'articuler une ontologie et une psychologie philosophique - une noétique. On trouvera ici à la fois l'étude de ses thèses et celles de ceux qu'il a influencés : des philosophes " teutoniques " (Ulrich de Strasbourg, Dietrich de Freiberg, Maître Eckhart, Berthold de Moosburg) aux averroïstes " latins " (Jean de Jandun).
Enracinée dans la tradition du péripatétisme gréco-arabe, mais tout aussi imprégnée par le médio-platonisme et le néoplatonisme, la métaphysique albertinienne offre une vue d'ensemble tant des problèmes discutés au Moyen Âge - objet de la métaphysique, analogie de l'être, statut des universaux, sujet de la pensée - que de leurs sources philosophiques et littéraires antiques, arabes, chrétiennes et juives, d'Apulée à Maimonide, en passant par Alexandre d'Aphrodise, Boèce, Farabi, Avicenne et Averroès.
C'est tout ce réseau que l'on tente de restituer. Un choix de textes en traduction française, illustrant la méthode et le style du Doctor Uni versalis, complète l'analyse historique et thématique.
Va d'Averroès à Descartes, en passant par Thomas d'Aquin, Buridan, Ockham, Grégoire de Rimini... Le chemin est long, et on ne peut s'excepter soi-même de l'intrigue, laisser de côté l'aftermath cartésien, en tant qu'il a conditionné et continue de conditionner notre propre vision du Moyen Âge. Il nous faut donc à la fois monter vers Descartes en historiens du Moyen Âge et redescendre vers lui en archéologue de la modernité, d'où l'image de la Double révolution. La partie médiévale du tome III jette les bases de l'enquête qui sera continuée dans les tomes V et VI. La partie moderne du tome III nous conduira, rétrospectivement, aux polémiques des XIIIe et XIVe siècles du tome IV. Au terme de ces divers parcours, nous serons prêts à aborder Descartes dans le dernier tome, le septième en l'occurrence.
De nombreuses études ont déjà été consacrées à ceux que l'on nomme les mystiques rhénans, les dominicains Maître Eckhart, Henri Suso et Jean Tauler.
Les premières analyses modernes sur Maître Eckhart sont surtout le fait de philosophes, notamment Hegel et Schopenhauer ; ce dernier rapproche la mystique eckhartienne de la mystique orientale (soufisme et surtout bouddhisme).
Dans les études réalisées au XXe siècle, on voit s'affronter les interprétations les plus diverses du terme " mystique ".
Dans cet ouvrage, l'auteur, fuyant les controverses et les étiquettes, s'attache aux faits en replaçant l'oeuvre d'Eckhart dans son contexte : le mouvement des idées au XIVe siècle. Maître Eckhart apparaît alors avant tout comme un théologien, enseignant et prédicateur. C'est donc la théologie de Maître Eckhart qui nous est ici présentée, dans ses aspects systématiques et exégétiques.
Henri Suso et Jean Tauler sont les deux principaux disciples de Maître Eckhart.
En commentant ou en reprenant la pensée eckhartienne à leurs risques et périls (Maître Eckhart fut condamné en 1329 par le pape Jean XXII), ils permirent sa diffusion, voire sa réhabilitation, à l'époque moderne.
" Les générations se succèdent : les pauvres " maîtres et étudiants ès arts de l'université de Paris ", jadis accablés par Tempier et sa commission de seize théologiens, ont cédé la place aux enfants de Billy Graham et de Mecca-Cola.
C'est contre la laïcité qu'à présent l'on proteste. À l'affrontement gigantomachique de foi et raison rêvé par le " pape du troisième millénaire " a succédé le choc des communautarismes. Chacun connaît l'absurde formule attribuée à Malraux : " Le XXIe siècle sera religieux ou ne sera pas. Il est bien plus à craindre qu'il n'aille pas à son terme ou, plutôt, qu'il marche, somnambule, vers une censure pire que toutes celles qu'a connues le Moyen Âge, si, recyclée par la fièvre de réenchantement du monde, qui partout s'attaque à la courte parenthèse qu'aura été son supposé désenchantement, l'Université échoue à laisser à sa porte les tensions communautaires, les identités contraintes et les délices de l'anathème.
Il est encore temps. (Alain de Libera)
Qu'est-ce que la philosophie médiévale ? Évoquant soit l'âge idéal du magistère intellectuel de l'Église, soit l'époque malheureuse d'un long et laborieux sacrifice de la pensée, rappelant pour les uns les fastes équivoques d'une clarté à jamais perdue, ou pour les autres la manifestation la plus évidente des ténèbres, de l'obscurantisme, mille ans de pensée, de réflexion, d'innovations et de travail dorment dans le silencieux interrègne qui sépare l'Antiquité de la Renaissance.
Autrement dit, c'est une transition de dix siècles, interminable parenthèse entre Aristote et Descartes, au cours de laquelle l'« autorité » des « Pères » et des « Docteurs » règne sans partage, où la foi l'emporte sur la raison, le langage sur l'expérience, l'abstrait sur le concret, les mots sur les choses.
Contrairement à ce que les humanistes de la Renaissance présentaient comme une « barbarie médiévale », la philosophie du Moyen Âge était autre chose qu'une théologie scolastique et elle a apporté une contribution significative, distincte de la philosophie antique, à l'histoire générale de la philosophie. Ce manuel, met l'accent sur les différents aspects de la philosophie d'Orient et d'Occident durant dix siècles. Il montre les rencontres créatrices, les influences, les exclusions ainsi que la pluralité des rationalités religieuses, philosophiques et culturelles, la richesse de la philosophie médiévale.
Qu'est-ce qu'une idée abstraite ? Un être mathématique ? Un objet universel ? Une classe ? Une collection ? A quelle partie de la philosophie l'enquête incombe-t-elle ? La métaphysique, la logique ou la psychologie ? Essai d'archéologie philosophique des théories de l'abstraction. L'Art des généralités propose, en guise de réponse, un parcours dans la <> de l'aristotélisme grec (Alexandre d'Aphrodise), latin (Boèce. Abélard) et arabe (Avicenne). Manifeste d'un relativisme placé sous le double patronage de R.G. Collingwood et de M. Foucault, le travail d'Alain de Libera dégage, par-delà la discontinuité des épistémè, les complexes de problèmes, les réseaux d'arguments, les schèmes et les invariants structurels permettant, par leurs retours et leurs déplacements, d'Inscrire dans un même espace conceptuel philosophie médiévale et philosophie moderne. En ressort une vaste confrontation théorique du Moyen Age et de la modernité (de Locke et Berkeley à Bolzano et Meinong) sur les questions centrales de la philosophie première. Rejetant à la fois la critique sommaire et l'apologie frileuse de l'exception philosophique française, imposées par la mondialisation, l'auteur s'efforce, dans sa réflexion sur la méthode et l'intelligibilité en histoire comme dans sa pratique effective, de nouer, au nom de la <>, un dialogue enfin constructif avec la philosophie <>. Des textes d'Alexandre et d'Avicenne, traduits de l'arabe par Marc Geoffroy, parachévent l'ensemble.