Filtrer
Support
Prix
Alain Bosquet
-
Un jour après la vie ; maître objet
Alain Bosquet
- GALLIMARD
- Poesie Gallimard
- 2 Février 1988
- 9782070324569
«Je publie des poèmes depuis quarante ans. Ils correspondent à un besoin que, loin des métaphysiques, je dois qualifier de corporel. Les sens, les nerfs et l'illusion de me libérer de ma peau y participent. Je les nourris de concepts ou d'images, d'idées transmissibles ou de rapports qui demeurent, même pour moi, des énigmes. S'ils suivent un élan, ils naissent aussi d'une volonté à combattre la volonté : on aime s'investir d'un pouvoir extérieur à soi. Je discerne dans cette longue pratique deux sollicitations, ou complémentaires ou contradictoires. L'isolement et l'orgueil exigent du poète une écriture sans compromis : tout y est réinvention, du mot à l'économie de l'espace, en passant par le rythme inouï et la désobéissance souveraine. Le poème devient une forme de l'absolu, proféré mais secret. Je m'y recrée et espère vous y recréer, par une contagion dont je suis le maître et la victime. Je m'y donne ; je vous y prends. Quelquefois, à cette ascèse je préfère un chant qui en rappelle d'autres. Je ne bannis pas la rime qui me rapproche des hommes, sans avoir à les malmener. Alors, une solidarité séculaire me console de tout ce qui dans mon anatomie - j'y tiens - m'apparaît comme fragile. Le bouvreuil emprunte les ailes du passereau pour mieux organiser, non plus son vol, mais le leur, soudain double. La rime me porte et me confère une étrange liberté. [...]» Alain Bosquet, juin 1983.
-
«William Shakespeare a réinventé Jules César et les rois d'Angleterre. Edmond Rostand a prêté à l'Aiglon des sentiments invérifiables. Paul Claudel a donné de Christophe Colomb un portrait idéalisé. George Bernard Shaw a déformé les paroles de Jeanne d'Arc. Aujourd'hui, Franz Kafka est devenu un mythe, et tout auteur dramatique a le droit de se l'approprier comme il l'entend. Admettons que Kafka ne soit pas mort en 1924 : il a vécu caché jusqu'en 1944. Il n' aurait eu que soixante ans s'il était mort à Auschwitz. Face à son bourreau, qu'aurait-il dit ? Demeurer lui-même, se montrer inflexible, refuser la moindre pitié, souligner la culpabilité de l'autre : tel eût été son choix, odieux mais digne. Il aurait eu le pouvoir, aussi, de glorifier le bourreau.» Alain Bosquet.
-
Né Anatole de Bisk à Odessa (URSS) le 28 mars 1919, Alain Bosquet fait ses études à l'Université de Bruxelles et, après la guerre, à la Sorbonne. Secrétaire de rédaction du journal La Voix de France à New York (1942-1943). Chargé de mission au Conseil de contrôle quadripartite à Berlin (1945-1951), professeur de littérature française à l'université Brandeis aux Etats-Unis (1958-1959) professeur de littérature américaine à la faculté de lettres de Lyon (1959-1960), directeur littéraire des éditions Calmann-Lévy (1961-1971), critique littéraire à Combat et au Monde. Membre du Jury du Prix Max Jacob et du Jury du Prix Théophraste-Renaudot, vice-Président de l'Académie Mallarmé, romancier, poète.
Alain Bosquet est décédé à Paris le 17 mars 1998.
Le Livre:
Berthe Turiansky est née à Odessa en 1889, d'un père juif, négociant en peaux et cuirs. Elle étudie le violon avec Léopold Auer, professeur du fameux Jacha Heifetz. Après un premier mariage malheureux et bref, elle épouse, en 1918, en pleine guerre civile, alors que la cité change de mains plusieurs fois, un velléitaire riche et désinvolte, poète à ses heures, Alexandre Bisk, descendant d'une famille alsacienne et belge venue construire les chemins de fer d'Ukraine, au milieu du 19ème siècle.
Berthe Bisk réussit à sauver son mari de la Guépéou : elle quitte aussitôt la Russie, pour la Bulgarie d'abord, pour la Belgique ensuite. En 1940, elle reprend le chemin de l'exil, s'installe un moment dans le sud de la France, et gagne bientôt les Etats-Unis, où Alexandre Bisk, très détaché de son temps, se contente d'acheter et de vendre des timbres-postes rares. Elève, sur le tard, du sculpteur Alexandre Archipenko, elle n'est plus qu'une épouse dévouée et une mère qui attend l'hypothétique visite de son fils - l'auteur de ce livre. A la mort tragique de son mari, elle vient finir ses jours à Paris, où elle meurt en 1977.
Que peuvent être les relations entre une mère et un fils, pendant cinquante ans ? Pour un écrivain, une mère ne devient-elle pas fatalement un personnage de roman ? Quand ce qu'on ressent passe par les mots, tout n'est-il pas remis en cause ? L'expression de la sincérité est-elle déjà un démenti à celle-ci ? Alain Bosquet, dans son roman le plus original et le plus puissant, explore ainsi ce qu'il appelle « l'enfer de la tendresse ». -
De la poésie Je vous présente ma poésie : c'est une île qui vole de livre en livre à la recherche de sa page natale, puis s'arrête chez moi, les deux ailes blessées, pour ses repas de chair et de paroles froides. J'ai payé cher le voisinage du poème ! Mes meilleurs mots se couchent dans l'ortie ; mes plus vertes syllabes rêvent, et c'est d'un silence jeune comme elles. Offrez-moi l'horizon qui n'ose plus traverser un seul livre à la nage. Je vous donne en retour ce sonnet : c'est là que vivent les oiseaux signés par l'océan ; puis ces hautes consonnes d'où l'on observe les tumeurs au cerveau des étoiles. [...]
-
«La solitude est un abîme. Un homme, pour en émerger, trouve d'autres solitaires, auxquels il s'accroche : n'importe qui. Vivre avec eux lui paraît plus acceptable que de vivre avec soi.La solitude résulte d'un surpeuplement : il faut quitter ses proches, et se quitter. Un homme va de rupture en rupture, comme pour n'avoir ni passé ni présent. Faire le vide : quelle hygiène !La solitude est une tyrannie de l'identité. Si elle était quelqu'un d'autre - le hasard décidera -, une femme connaîtrait un peu de paix, un peu d'équilibre. On éprouve toujours de l'ivresse à devenir qui l'on n'est pas.»Alain Bosquet.
-
Alain Bosquet va à la recherche de son père, Alexandre Bisk, né à Kiev en 1884. Il conte d'abord les moments qu'ils ont vécus ensemble : la vie à Bruxelles, dans les années trente, les rencontres à New York deux décennies plus tard, l'affection, les affrontements, l'exil, l'âge mûr.Après le témoignage direct, les scènes reconstituées : une réalité ancienne, faite de fragments, à la Belle Époque, en compagnie de Rainer Maria Rilke, puis la Révolution d'Octobre, la condamnation à mort, la fuite de Russie...Retrouver son père est banal. Il faut savoir le reperdre et en faire son double. Alain Bosquet le réinvente, dans une troisième partie. Les deux hommes seront contemporains et intemporels.
-
Ce récit - qui est aussi une satire et une sorte de pamphlet - commence par ces phrases:«Deux centième jour de ma captivité! Je compte, je recompte. Je ne peux pas me tromper. Je me trompe. Je suis normal, je suis équilibré:je me le redis. Je dois me le redire sans cesse. En six mois, j'ai vécu plusieurs vies. Je distingue entre le réel et le flou. Mon esprit est intact:non, il s'est dilaté, au point que mon crâne en éclate.»À la fin du récit on trouve ces phrases-ci:«Je ne garde aucune tendresse pour ma patrie:démocratie de la lâcheté, spectacle permanent, décadence de luxe. Il n'est pas raisonnable de penser ainsi, mais qui oserait exiger un autre comportement de moi? J'ai été un prisonnier convenable:pourquoi serais-je un homme libre comme les autres? Je m'arroge le droit de remettre en cause mon être le plus profond, et en même temps, l'ensemble de mes contemporains. J'ai mal à ma planète, ce qui est trop vaste:j'ai mal avant tout à mon Europe et à ma France.»La confession de cet otage - héros lamentable d'aujourd'hui - s'achève ainsi:«Très calme, je voudrais appartenir à une autre civilisation que la mienne.»
-
La trompe de l'éléphant
Claire Franek
- Rue du monde
- Petits Geants Du Monde
- 26 Février 2004
- 9782912084910
-
Après quelques pages de réflexions sur les significations contradictoires du sacré dans la poésie moderne où le poète affirme que l'athéisme reste sa seule arme contre l'idolâtrie, Alain Bosquet offre une série de poèmes qui frôlent tous, de façons diverses, les frontières de la mystique ou de son refus. Il s'agit de vers libres, d'une langue directe. Le poète trouve un équivalent du sacré antique dans la moderne confusion de l'imagination. Et il se souvient sans doute tout autant des formes litaniques des vieux livres que des feux d'artifice surréalistes. Par son inspiration, ce recueil montre un renouvellement complet de la poésie d'Alain Bosquet.
-
Un ensemble de trois recueils. Le tourment de Dieu : Sur le ton familier qui convient aux sujets graves, le poète parle de l'agnosticisme, des imageries de la foi traditionnelle et d'une sorte d'expérience spirituelle préchrétienne. L'humour y voile un mélange d'interrogation et de désarroi, sous un climat de paradis terrestre ou de création inachevée. D'un désarroi heureux : Le poète redescend dans sa propre histoire. Pour une identité : Replié sur ses souvenirs, le poète ycherche un sol plus stable.
-
Les cahiers de la NRF : Alain Bosquet correspondance avec Saint-John Perse
Saint John Perse
- GALLIMARD
- Les Cahiers De La Nrf
- 21 Octobre 2004
- 9782070753840
De 1942 jusqu'à la mort de Saint-John Perse en 1975, Alain Bosquet et Saint-John Perse n'ont pas cessé de correspondre. C'est à peu près la totalité de cette correspondance (117 lettres retranscrites) qui est publiée dans le présent ouvrage. Saint-John Perse «travaille», crayon en main, sur les lettres qui lui sont adressées, avant d'y répondre, anxieux pour la vie publique de son oeuvre, préoccupé par la question de ses manuscrits perdus. La mise au point du volume Seghers est au coeur de l'intérêt que présente cette correspondance. Pour Saint-John Perse, l'essai d'Alain Bosquet sera chargé de représenter une orthodoxie dans la lecture de ses oeuvres, et cette correspondance le montre clairement. Le Paris littéraire d'après-guerre est en arrière-fond. Il est question de Valery Larbaud, de Jean Paulhan, de Marcel Arland, de Roger Caillois, de Cioran. Mais ce qui caractérise le plus ces lettres, c'est la fidélité absolue qu'a eue Alain Bosquet à son admiration pour le poète qu'est Saint-John Perse et pour sa poésie. La notoriété de Saint-John Perse est en partie redevable à Alain Bosquet qui, à sa génération, a été, avec Roger Caillois et Pierre Guerre, son premier soutien.
-
Pour sauver l'honneur de son père qui travaille avec les Allemands, Antoine Corbin doit rejoindre de Gaulle. Oucher Topolsky, dont le fils a épousé une Aryenne, fait tout pour se faire déporter. Maria Diroz, qui se sait condamnée, s'emploie à se faire détester de son fils. Un homme qui doit en tuer un autre, sous contrat, lui propose d'intervertir leurs rôles.Tous les personnages de ces récits d'Alain Bosquet ne sont pas ce qu'ils semblent être. Campés avec un humour décapant, ils sont imprévisibles, ils se métamorphosent, surprennent, à jamais insaisissables. La notion même d'identité peut être désormais dénoncée...
-
-
Deux sollicitations se partagent l'oeuvre poétique d'Alain Bosquet, depuis plus de trente ans. L'une marque sa fidélité à l'écriture classique : rime, clarté, images analysables. L'autre est l'expression, plus libre en apparence, de sa lucidité ; l'absurde et la fable s'y conjuguent, en des notes inextricables. Le présent volume appartient aux deux guerres. Dans la première moitié, Bourreaux et acrobates, le poète veut succéder à Mallarmé et à Valéry, par un exercice de perpétuelle élucidation : la trinité femme-poète-poème est indissoluble, la femme naissant du texte et discutant dans celui-ci de l'homme. Tous trois doivent se fondre pour mieux se comprendre. La femme est manuscrite, le poème est de chair, le poète devient ce que l'un et l'autre lui imposent d'être. La seconde moitié du livre, Poèmes sans chauffeur, de préhension immédiate, est comme la banalisation de la présence poétique, considérée comme un témoignage de l'actualité, où réel et irréel ne doivent plus s'opposer. D'un état sans lieu on aboutit à un état des lieux, dont le lecteur aussi doit être responsable.
-
«De Montaigne à Cioran et de La Bruyère à Bachelard, nos penseurs ont multiplié les sentences, pour les rendre utiles à la morale, à l'absurde ou à la révolte. Ces aphorismes-là ne sont que les instruments d'une conscience, tantôt sereine, tantôt inquiète.D'autres littératures, en particulier l'allemande, avec Lichtenberg et Schopenhauer, ont donné de l'aphorisme une conception plus affolée. Libre, il s'épanche, fustige ou caresse : il est par lui-même, aigu et souverain.Pendant plusieurs années, jour après jour, je me suis astreint à ce genre littéraire, qu'il serait injuste de tenir pour subalterne. L'aphorisme est nu, sans l'appui d'un personnage, d'un chant, d'un quelconque appareil. On l'accepte ou on le refuse, tout net. Je livre ici le quart, à peu près, de ce que j'ai pu rédiger. On lira, réalistes ou délirants, des définitions, des fables, des paradoxes, des faits divers, des énoncés succincts, des adages, des apophtegmes, des maximes, des proverbes, mais aussi des projets de contes, des télégrammes, des scènes de vaudeville.Parmi mes hantises, on trouvera la vieillesse, la luxure, la santé de l'âme, le besoin de bousculer les habitudes - et quelques explosions poétiques. Je monologue avec moi-même, face à Dieu, au président de la République ou à quelque bidet encore chaud, qu'une inconnue vient de quitter. L'absolu et le trivial ne me paraissent pas plus incompatibles que le pissenlit et l'orchidée, la mouche et l'oiseau-lyre. [...]»Alain Bosquet.
-
Alain Bosquet s'est efforcé de situer Marcel Arland dans le siècle contemporain en traçant un paysage autour de lui formé par les auteurs, peintres et lieux qui l'ont marqué. Il distingue les thèmes dominants de son oeuvre, consacre un chapitre spécial à son écriture limpide et musicale. Cet essai simple et savant à la fois, proche de son modèle par un phénomène de mimétisme, permet d'accéder à une oeuvre d'une extrême variété et de mieux participer à sa grandeur.
-
Le livre précédent d'Alain Bosquet, Cent notes pour une solitude, exploitait le « il » : un symbole de la distance, et un moyen de redéfinir les rapports entre l'homme et l'univers, l'homme et le langage, l'homme et lui-même. Notes pour un amour exploite les possibilités du « tu », sans la présence du « je » : apostrophe, familiarité, dialogue à une inconnue. Bien sûr, il s'agit de poèmes d'amour.
-
-
« Ses sculptures ne cessent de bouger et d'évoluer, sans pour autant faire usage de la moindre tricherie technique. Il suffit de contempler l'une de ses ..oeuvres pour tout de suite être frappé par une incessante invitation au mouvement. Une forme est-elle offerte ? Un profil se dessine-t-il ? Aussitôt, ils se mettent à évoluer. » Ouvrage publié à l'occasion de l'exposition « Un homme libre », au Silo à Château-Thierry (2011).
-
-
-
-
«L'aphorisme est le genre littéraire le plus ingrat. Il ne se pare pas de musique ou de rêve, comme le poème. Il n'a pas de personnage pour le soutenir, comme le récit. Il est nu, bref, péremptoire. Ou bien, il va à l'évidence insoupçonnée, avec une précision de mitrailleuse. Ou bien, il assène des contre-vérités vénéneuses mais aguichantes : quelques mots lui suffisent. Il faut en écrire mille pour en garder dix. Paul Valéry en faisait graver au fronton des édifices publics : vrais, terribles, sans preuves. L'aphorisme fait réfléchir, mais parfois de travers. Par exemple, dans ce recueil : Un pas pour vivre, un pas pour regretter la vie, Identité : misérable complot, Ni rose ni raison, etc.» Alain Bosquet.
-
D'une grande perfection formelle et d'une non moins grande variété, ce recueil de poèmes d'Alain Bosquet est précédé de cet avant-propos :
«Cet écrivain a publié deux mille pages de poèmes. À soixante-quinze ans, son souci esthétique lui impose silence : il risquerait la répétition, l'apitoiement, la mollesse. De son déclin il tente, une dernière fois, de faire une fête. Son honneur n'est-il pas de réinventer, de façon ludique, l'existence qui lui échappe ? Tout poème est de demain, sans son poète.»