Tout commence à nuremberg et à tokyo, et s'accélère après la fin de la guerre froide : en mars 1999, l'immunité du général pinochet est levée par les lords britanniques à la demande d'un juge espagnol.
Deux mois plus tard, pour la première fois dans l'histoire, un chef d'état en exercice, slobodan milosevic, est mis en accusation, arrêté puis jugé devant le tribunal pénal international pour l'ex-yougoslavie (tpi). le 1er juillet 2002 naissait la cour pénale internationale.
Cette nouvelle justice pénale internationale est-elle une " justice de vainqueurs " ou bien une utopie moralisatrice, comme le soutiennent ses détracteurs ?
Le moment est venu de confronter ses réalisations à son projet : qu'apporte-t-elle vraiment à la construction de la paix ? les procès qu'elle instruit guérissent-ils les victimes ? la justice peut-elle empêcher la guerre ? les juges vont-ils supplanter la souveraineté des peuples ?.
Maîtrise des coûts, indicateurs de performance, rémunération des juges indexée au mérite, généralisation du traitement en temps réel des affaires pénales, introduction du plaider coupable à la française, généralisation de la transaction, rétention de sûreté, jugement des malades mentaux, etc. : ces innovations n'ont rien d'une lubie autoritaire ou d'une mode passagère. Elles marquent l'avènement d'un nouveau modèle de justice : la justice néolibérale.
Cette évolution doit-elle être diabolisée ?
Alors que rebondit le débat autour de la repentance et de la colonisation, les tribunaux civils sont de plus en plus sommés d'indemniser les "préjudices de l'histoire ". On savait, depuis Nuremberg, que la justice pénale internationale pouvait juger les dirigeants, mais voici que, à présent, le droit privé est convoqué pour solder les comptes de l'histoire: spoliations des Juifs durant la Seconde Guerre mondiale, stérilisation de populations colonisées, occupation des terres des aborigènes, par exemple. Le mal dans l'histoire est-il un préjudice qu'on peut réparer ? L'indemnisation financière peut-elle ouvrir la voie à une réconciliation ? Les victimes y trouvent-elles vraiment la reconnaissance qu'elles cherchentoe Ne s'agit-il pas là d'une marchandisation de la justiceoe Une enquête inédite sur une nouvelle façon de panser les plaies de l'histoire.
Nos démocraties se montrent aujourd'hui très sourcilleuses en matière de morale publique.?Celle-ci a en effet opéré son retour sous la pire des formes : le scandale. Affaires de corruption, malversations financières, faits divers sordides... Parfois, les trois sont réunis, comme en Belgique dernièrement, et l'on ne tarde pas à suspecter l'ensemble de la classe politique. La justice - sans doute la dernière instance d'identification du mal - , est fortement mise à contribution et finit par sortir de son rôle : chaque jour, on lui demande davantage de trancher des conflits moraux. Mais par quoi nos concitoyens sont-ils tant fascinés ? Par la justice en elle-même ou par sa matière : le crime ? Pour le savoir, les participants au séminaire de philosophie du droit de l'Institut des hautes études sur la justice ont choisi d'appuyer leur réflexion sur des cas extrêmes - tueurs en série, délinquants sexuels, détenus dangereux -, montrant notamment que le mal ne peut pas plus se réduire au traitement des criminels qu'à des statistiques : la question qu'il pose est de nature profondément politique... ?Avec : Olivier Abel, Antoine Garapon, Jean-Paul Jean, Paul Ricoeur, Joël Roman, Denis Salas, Daniel Zagury.
"Les victimes suscitent notre pitié. Elles méritent mieux que cela ; mieux que des soutiens politiques enflammés mais toujours suspects d'arrière-pensées, que des diagnostics de leur stress spécifique, que l'accumulation de droits procéduraux, mieux que l'augmentation des indemnisations. Cela revient en effet à les considérer comme des créancières en ignorant le plus profond de leur condition. Or c'est moins dans le registre de l'avoir qu'il faut les comprendre que dans celui de l'être. Leur mal-être provient certes du traumatisme qu'elles ont subi mais encore - aussi paradoxal que cela puisse paraître - du regard social, des institutions censées les protéger, de l'instrumentalisation politique, d'un nouveau victim business. Les victimes aspirent à recouvrer leur être, à vivre sans diminution non pas en niant leur traumatisme - comment le pourraient-elles ? - mais en le dépassant, en refusant de se laisser enfermer par lui... et peut-être par nous." Antoine Garapon, Arthur Dénouveaux.
Que fait le numérique au politique ? À cette question aujourd'hui capitale, ce livre apporte trois contributions originales. Tout d'abord, plutôt que de trouver des remèdes à un mal dont on n'a pas pris le temps de faire le diagnostic, il situe l'origine du malaise dans une crise de l'espace. C'est de l'hétérogénéité constitutive entre l'espace dans lequel nous évoluons et le non-espace du codage informatique, que naît la crise de dépossession que nous subissons. Le codage introduit ainsi dans l'espace public une part cachée, secrète, et qui peut même lui être hostile dans la mesure où il exerce sur lui un contrôle permanent en ciblant les individus, en analysant des tendances générales et en influençant les comportements. La valeur est donc produite à l'insu des consommateurs, des électeurs, des acteurs de marché : ce sont toutes les médiations sociales qui se trouvent affectées, ce que montrent jusqu'à la caricature les réseaux sociaux. Plutôt que de se lamenter sur les nouvelles menaces, au demeurant réelles, qui pèsent sur la démocratie, plutôt que de dénoncer une surveillance généralisée au risque de sombrer dans le complotisme, plutôt que de croire que l'extension toujours plus poussée du numérique engendrera comme par miracle ses propres remèdes, ce livre invite à repenser la condition spatiale de l'humanité à laquelle elle ne peut échapper sans perte de sens commun.
La révolution numérique bouleverse la justice et fait peur à certains autant qu'elle enthousiasme les autres : disparition des avocats ou des notaires, résolution des conflits en ligne, justice prédictive, état civil tenu par la blockchain, généralisation des contrats en bitcoins échappant à tout contrôle (et à toute taxation), etc. Ce livre prend de la distance pour décrire ce nouveau droit numérique, car c'est de cela qu'il s'agit, qui agit très différemment de tout ce que nous avons connu jusqu'à présent.
Il fait donc le détail à la fois des mécanismes de cette nouvelle écriture et du nouveau droit qui lui est intimement lié. Son objectif est un apaisement des angoisses, en éclairant les potentialités et les pièges du rêve qu'il diffuse : organiser la coexistence des hommes sans politique et sans loi.
« Une époque de superstition est celle où les gens imaginent qu'ils en savent plus qu'ils n'en savent en réalité. En ce sens, le XXe siècle aura été certainement exceptionnellement riche en superstitions, et la cause en est une surestimation de ce que la science a accompli - non pas dans le champ des phénomènes relativement simples où elle a certes été extraordinairement efficace, mais dans le domaine des phénomènes complexes ; car dans ces derniers, l'application des techniques qui ont si bien réussi essentiellement dans les phénomènes simples s'est révélée très déroutante. » Lorsqu'on ignore sa propre ignorance, cela fait des dégâts. Chacun pense savoir plus et mieux que les autres ; mieux les connaître qu'eux-mêmes ; pouvoir les conduire à leur place vers leurs véritables intérêts. L'intolérance est le produit de cette prétention aux certitudes, qui n'est rien d'autre qu'une croyance et la pire de toutes. Expression même de l'obscurantisme, elle est le socle commun de tous les totalitarismes, avec toutes les horreurs qui les accompagnent.
Corruption, blanchiment, évasion fiscale, contournement des sanctions internationales... Les autorités de régulation américaines traquent ces pratiques chez les entreprises transnationales qui, si elles sont avérées, peuvent entraîner des sanctions considérables : procès à rallonges, mises en causes personnelles, pénalités as-tronomiques et, plus grave encore, préjudice porté à la réputation de l'entreprise.
Devant ces menaces et la perspective de se voir interdire l'accès au marché américain, mieux vaut souvent coopérer en mettant en oeuvre une nouvelle logique. L'entreprise suspectée doit alors renoncer à se défendre judiciairement, pratiquer elle-même des enquêtes internes poussées, s'acquitter d'amendes colossales et mettre en place des processus de compliance lourds et coûteux ; en bref : acheter la paix avec les autorités américaines. Cette justice sans la Justice n'a-t-elle pas le mérite de l'efficacité ? Ne préfigure-t-elle pas aussi un nouveau mode de régulation globale ? N'annonce-t-elle pas un nouveau régime d'obéissance mondialisée où l'on demande à chacun - sujet ou entreprise - de se faire le juge et le dénonciateur de lui-même ?
Avec une préface inédite pour l'édition « Quadrige ».
Le terrorisme djihadiste révèle les peurs secrètes des sociétés démocratiques : la crainte d'une division de la Cité et d'une dislocation du monde, d'un pouvoir abandonné par l'autorité et d'un droit dépassé par le fait. Parce qu'il ne vise plus seulement à atteindre l'intégrité territoriale d'un État mais l'intégrité morale de la société en niant radicalement ses moeurs, ses manières de vivre et ses principes politiques, il menace la nature même de la démocratie.
Placées ainsi sous pression, nos démocraties se trouvent exposées au couperet d'une double injonction : une réaction sécuritaire excessive au mépris de la liberté qui les fonde, ou la capitulation, que serait une trop grande clémence. Pour dépasser cette alternative, il faut opposer à la dialectique de la guerre et de l'état d'exception le fil rouge d'une épreuve démocratique qui met sous stress la Constitution et les institutions. Car les armes à opposer au terrorisme ne sont pas seulement guerrières, policières ou procédurales : elles reposent sur notre capacité à cultiver les vertus démocratiques de résistance et de sérénité.
Il y a peu de sujets de l'actualité contemporaine qui ne sauraient trouver dans l'oeuvre de Christopher Lasch des explications de fond. De l'atmosphère de maccarthysme féministe dans laquelle dégénère l'affaire MeToo au rejet de plus en plus viscéral des élites technocratiques à mesure des consultations électorales en passant par le transhumanisme, le survivalisme des milliardaires de la Silicon Valley et la vindicte approbatrice aux dimensions orwelliennes qui s'est abattue sur les campus américains, les analyses de Lasch résonnent puissamment près de vingt-cinq ans après sa disparition. L'analyse de Lasch est d'une puissance critique inégalée parce qu'il évite l'écueil de ceux qui critiquent le capitalisme contemporain tout en présentant ses dégâts comme le prix du progrès matériel et moral.
Au travers des grands thèmes qui traversent la pensée de Lasch - l'ascendance du moi narcissique, le mirage d'une « science pure de la société », la construction d'un État thérapeutique, la substitution de la méritocratie à l'idéal d'une société sans classe en tant qu'incarnation du rêve américain - l'ouvrage présente un panorama des diagnostics toujours justes de Lasch sur son temps et sur la catastrophe anthropologique du capitalisme de consommation. Il expose aussi la philosophie de l'espérance que Lasch a articulée au travers de l'exploration d'une tradition civique américaine dont la redécouverte offre des pistes au monde entier afin de faire en sorte que la volonté de construire une société meilleure demeure vivace sur les décombres encore fumants de la social-démocratie.
Ces carnets montrent le devant et l'envers du décor judiciaire.
Croqués sur le vif tout au long de trois années passées dans tous les coins - jusqu'aux plus secrets - du Palais de justice de Paris, ils saisissent les moments, les situations et les ambiances qui donnent au Palais sa densité et en font un lieu de mémoire, un lieu d'émotion, un lieu unique.
Pourquoi l'étude des rapports entre droit et littérature est-elle quasi inexistante en France alors que la tradition littéraire y est si riche ?
Ce livre veut réparer cette incogruité en s'intéressant à la façon dont l'un interfère sur l'autre, le nourrit et le pense.
Lafiction traite sans ménagement les grandes institutions juridiques et réinvente à sa manière le contrat, la personnalité juridique ou la loi.
La littérature, que ce soit dans "Les frères Karamazov" ou "Les Sorcières de Salem", s'empare de la dimension dramatique du procès, qui éclaire l'éternelle confrontation de l'homme et de la loi. Et l'écrivain, de l'affaire Callas à l'affaire Dreyfus, refuse d'assister, impuissant et révérencieux aux injustices de son temps.
La littérature s'approprie le monde du droit, récrée ses personnages, s'efforce d'imaginer la loi.
Cet ouvrage, qui restitue les travaux d'un colloque organisé à la Cour de cassation par l'Institut des hautes études sur la justice, l'Association française pour l'histoire de la justice et l'Ecole nationale de la magistrature vient du droit et de la littérature initié par la collection "Le Bien commun".
La mondialisation, on le sait, ne s'arrête pas aux enjeux commerciaux et financiers. Elle touche aussi et on le sait moins le droit et la justice. Pourtant l'idée d'une « mondialisation du droit » reste à bien des égards une formule vague et peu pertinente. Au-delà des développements du droit international, c'est plutôt de « commerce des juges » qu'il faudrait parler. D'où vient que la Cour suprême des Etats-Unis cite les arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme dans certaines de ses propres décisions ? Comment s'expliquer et accepter que des jugements rendus en Allemagne ou en Italie fassent un jour autorité en France, et réciproquement ? Cette nouvelle sociabilité d es juges qui ne se contentent pas de se lire et de se citer mutuellement, mais se rencontrent dans divers clubs, associations et réseaux transnationaux, échappe en grande partie au contrôle des souverainetés nationales comme à la délibération démocratique. Pourtant, ce qui pourrait bien être le stade ultime d'une émancipation des clercs présente également des aspects absolument décisifs pour bâtir un monde plus juste. C'est ce problème dont il faut prendre conscience aujourd'hui en France et plus largement en Europe.
La justice est en crise. Elle doit aujourd'hui se réformer. Comment en améliorer la qualité, avec des moyens réduits ? Sûrement pas en réduisant ses fonctions ou en se contentant de modifier la carte judiciaire.
Pour bâtir la justice du XXIe siècle, c'est plutôt d'une réflexion en profondeur sur les différentes facettes des missions des juges et des procureurs qu'il faut partir. Une telle réflexion permettrait de distinguer ce qui relève vraiment du procès et ce qui serait mieux traité autrement ' par les associations, les élus, les avocats et bien sûr les parties elles-mêmes ; surtout, elle revitaliserait notre démocratie en associant mieux les justiciables et l'ensemble de la société à l'oeuvre de justice.
C'est ce que propose cet ouvrage, qui ne prétend pas définir ce que l'institution judiciaire devrait être, mais plutôt analyser ce qu'elle est, en s'intéressant aux hommes et aux femmes qui la rendent quotidiennement, à leurs aspirations et à leurs interrogations, en cherchant à saisir au plus près des pratiques concrètes comment s'élabore la décision judiciaire, en rassurant les juges sur le sens de leur office non pas par des solutions techniques, mais en retrouvant le lien perdu avec la justice.
Ce n'est pas la révolte ni sa noblesse qui rayonnent aujourd'hui sur le monde, mais le nihilisme. Dans ces textes d'une troublante actualité, réunis dans Réflexions sur le terrorisme, Albert Camus, écrivain, penseur et combattant aborde avec une fulgurante lucidité les questions posées par l'exercice de cette violence totale, tout en prenant parti : "Quelle que soit la cause que l'on défend, elle restera toujours déshonorée par le massacre aveugle d'une foule innocente [...]." (avec la contribution de Jacqueline Levi-Valensi, Antoine Garapon et Denis Salas)
En 1692, dans le village de Salem (Massachusetts), vingt-cinq notables sont exécutés pour sorcellerie sur la foi du témoignage de fillettes qui se prétendent possédées. Quelques années plus tard, les autorités reconnaissent leur erreur. Commence alors un long cycle de repentance et d'excuses.
En dépit de tout ce qui les sépare, l'affaire des «sorcières de Salem» a de nombreux points communs avec celle qui fascina la France entière voici quelques mois : l'affaire d'Outreau. Dans les deux cas, les mécanismes de la panique morale jettent une lumière crue sur les croyances et les «grandes peurs» du temps.
Antoine Garapon et Denis Salas dressent ici le portrait d'une époque travaillée par l'obsession de la pédophilie, la foi naïve dans la parole des enfants, une quête sans fin de sécurité, la défiance à l'égard des institutions, le culte des victimes et une culture inquisitoire sans cesse renaissante.