Ce texte traite de la question du genre, un sujet encore largement tabou mais qui a fini par s'imposer dans le débat social contemporain. Qui n'a rencontré aujourd'hui, chez ses amis, parmi ses élèves, dans sa famille, primaire ou recomposée, proche ou élargie, un jeune, remettant en cause son genre d'appartenance ? Dans le même temps, relayée par la puissance des réseaux sociaux - véritable accélérateur d'opinion - la littérature autobiographique émanant de sujets racontant leur transition de genre ne manque pas de s'exprimer au grand jour. Ce kont' réunionnais fera voyager le lecteur entre Madagascar, la banlieue lyonnaise et La Réunion des années 60, un kont' tissé dans l'entre-deux d'une culture créole et française. Ce récit permet de repenser notre culture du genre, de déboulonner le statut du Mâle, de revisiter les représentations masculines. Se donner un genre n'est pas pour autant un pousse à trans (apologie).
Par analogie avec la notion de « négritude », Simone de Beauvoir pose celle de « féminitude » : elle veut désigner par là un ensemble de qualités acquises dans l'oppression (Encyclopaedia Universalis).
Daniel LAURET nous livre ici un conte : NOTRE DRAME DES LAVES et un roman : L'ÉPREUVE DE L'AMOUR, des textes qui racontent l'histoire de quatre femmes, de quatre grossesses indésirées. Angèle, Man Toinette, Charlotte, peuvent-elles faire autrement que de les subir ? Sylviane fera, pour sa part, le choix d'une IVG.
Extrait :
Il m'est doux de penser, aujourd'hui, que mon hôte en aura profité pour filer. Comme une étoile. Je ne lui en veux pas. Je ne pouvais pas prendre la responsabilité d'un Petit Prince. L'avion était en panne et le pilote n'était pas là pour lui dessiner un mouton. Il valait mieux, pour nous deux, qu'il retrouve sa planète, son baobab, sa fleur.
Le texte parle de quoi ? Chut ! D'un secret de famille, à une époque où la charité chrétienne engageait les femmes à taire les couillonnades de leurs époux. En avance sur son temps, Madame Gino invente la Gestation Pour Autrui. Deux mamans pour un seul garçon : Maxime, le narrateur, ne sait plus à quel sein se vouer.
Madame Gino levait toujours les yeux au ciel quand elle appelait mon père à la rescousse. Il n'était plus là, mais il continuait à être présent, à épauler son ex pour notre éducation, à assurer de façon posthume sa fonction paternelle. Les yeux d'un père sans visage qui voit tout et partout, les oreilles d'un père sans visage qui entend tout, ça fiche un peu la trouille. J'avais du mal à croire à ces choses-là, mais je devais m'y résoudre : mon père était un invisible. Ce qui explique peut-être que certaines « choses » aient pu passer inaperçues.
Le narrateur devenu grand a choisi La Chaloupe pour une traversée qui ne manque pas d'air. Le survol des paysages lui déroule des pages d'enfance.
Le père manquant reste la pièce centrale de ce recueil où « les nouvelles » se font écho pour reconstituer une tranche de vie, celle des années 1960, avec l'humour tendre d'une écriture malicieuse et la complicité d'une tribu de parapentistes.
Je collectionne les journaux, Kristof.
Je les ai tous. Depuis la grande première de 93. J'ai dévisagé les photos qui font, chaque mois d'octobre, la Une des quotidiens locaux. J'ai disséqué les sourires qui illuminent le visage des demi-dieux d'une joie de ressuscités, au sommet de la douleur, au pinacle du plaisir. Des sourires qui reviennent de loin. De l'autre côté de la conscience, d'un Au-delà peut-être, d'un long tunnel assurément. Pour témoigner de visions d'amour et de partage, d'éblouissements aux couleurs boréales et raconter des rencontres intenses avec des êtres de lumière.
Kristof, pourquoi ne serais-tu pas de ceux qui s'en reviennent ainsi, tout retournés, d'une si belle aventure ?
Monsieur Oscar m'accueillait pour soulager mes parents.
Il a bien vu que j'étais abandonné à la tristesse. Il m'a installé sur ses genoux et il m'a juré que je faisais partie de ce qui lui restait au monde. Il m'a expliqué que la famille c'est d'abord les grands-parents puisqu'ils sont plus grands que les parents. De toute façon, à l'arrière, il ne restait plus que lui. Les autres, le pépé Ti-Jules, la Mémène de son vrai nom Philomène, la mamie Léontine, ils avaient baissé trop vite.
Sauf sur les photos qui les montraient toujours fringants en uniforme de soldat ou robes de dentelles. Une visite à son oncle Rosario à Tahon-les-Vosges, replonge Bastien dans son enfance, à La Réunion, dans le petit village de l'Entre-Deux, chez son grand-père. Un roman qui peut se lire comme une auto fiction ou comme un témoignage, un regard d'enfance sur l'avènement d'une société forcée de se dégager des pesanteurs esclavagistes pour intégrer un autre système de valeurs, des principes égalitaires livrés dans le même colis postal que la départementalisation et les salaires de la fonction publique.
Joseph MORIZOT ne donne pas de nom mais il donne corps, un corps meurtri, aux esclaves qu'il aura sans doute visités dans « l'hôpital » attaché à l'Habitation des DESBASSAYNS, des hommes et des femmes victimes de la violence ordinaire des colons.
L'un et l'autre lèguent à la postérité une immense photographie, en Noir et Blanc, du système esclavagiste. Un système, c'est-à-dire une organisation, des pratiques, un discours. A travers ces deux textes, l'esclavage dépasse l'imagerie pour devenir une réalité concrète et douloureusement sensible.