Les lieux communs ont la vie dure. Ainsi cette idée d'un Moyen Âge dualiste, qui aurait instauré une guerre entre le corps et l'âme : d'un côté, un corps coupable, source du péché, de l'autre, une âme pure tournée vers Dieu. Réfutant cette construction, Baschet montre que le Moyen Âge chrétien a développé une pensée soucieuse de valoriser l'unité psychosomatique de la personne. Ce modèle a permis de penser l'être humain mais aussi l'ordre social dont l'Église est alors l'institution dominante. Décloisonnant sa réflexion et dépassant les limites du Moyen Âge, l'auteur s'attache aux différentes perceptions de la personne dans d'autres cultures, de la Chine impériale aux sociétés amérindiennes en passant par l'Afrique ou la Nouvelle-Guinée. Un voyage comparatiste indispensable pour évaluer la singularité des conceptions occidentales de l'humain et mettre à distance l'idée moderne du moi.
Sombre repoussoir des Lumières et de la modernité, le Moyen Âge peine à se défaire de sa mauvaise réputation. Pourtant, au coeur de ce millénaire se loge une singulière période d'essor et d'élan créateur, déterminante pour la destinée du monde européen.
Réputé anarchique, le système féodal repose en fait sur une organisation sociale efficace. L'Église, colonne vertébrale de la société, assure la cohésion des entités locales tout en conférant à la chrétienté une prétention à l'universalité. Les manières de percevoir et de vivre le temps, l'espace, l'au-delà, l'âme et le corps révèlent les paradoxes d'une civilisation exceptionnellement féconde.
Ainsi, le féodalisme, traditionnellement considéré comme l'âge de la stagnation et de l'obscurantisme, pourrait bien être l'un des ressorts oubliés de la dynamique par laquelle l'Occident a imposé sa domination à l'Amérique d'abord, puis à l'ensemble de la planète. Porté par une thèse originale, La Civilisation féodale s'est imposé dès sa première parution comme une somme incontournable sur l'histoire médiévale.
Nouvelle édition augmentée d'une postface de l'auteur.
Il est temps de rouvrir le futur. Et d'engager résolument la réflexion sur ce que peut être un monde libéré de la tyrannie capitaliste. C'est ce que propose ce livre, en prenant notamment appui sur les expérimentations sociales et politiques accumulées par l'insurrection et les communautés zapatistes, une « utopie réelle » de grande envergure.
Pratiquer une démocratie radicale d'autogouvernement et concevoir un mode de construction du commun libéré de la forme État ; démanteler la logique destructrice de l'expansion de la valeur et soumettre les activités productives à des choix de vie qualitatifs et collectivement assumés ; laisser libre cours au temps disponible, à la dé-spécialisation des activités et au foisonnement créatif des subjectivités ; admettre une pluralité des chemins de l'émancipation et créer les conditions d'un véritable échange interculturel : telles sont quelques-unes des pistes qui dessinent les contours d'un anticapitalisme non étatique, non productiviste et non eurocentrique.
En conjuguant un effort rare de projection théorique avec une connaissance directe de l'une des expériences d'autonomie les plus originales des dernières décennies, Jérôme Baschet s'écarte des vieilles recettes révolutionnaires dont les expériences du XXe siècle ont montré l'échec tragique. Il propose d'autres voies précises d'élaboration pratique d'une nouvelle manière de vivre.
À la notion d'effondrement, qui dépolitise les enjeux en postulant une trajectoire unique et comme jouée d'avance, on opposera celle de basculements, qui permet de faire place à l'imprévisibilité croissante de notre temps et au rôle central de la mobilisation politique. Des basculements se produiront en effet, à relativement court terme, sur fond d'une crise systémique du capitalisme, certes produite par les « contradictions » environnementales qui ravagent la planète, mais aussi par des tensions internes entre un capitalisme fossile et un capitalisme techno-« écologique ». Sur cette base analytique, le livre esquisse plusieurs scénarios, tous parfaitement vraisemblables à ce stade.
Il en est un sur lequel il attire particulièrement notre attention : celui d'une ouverture des possibles synonyme de basculements sociétaux et civilisationnels considérables qui nous engageraient vers des manières de vivre échappant aux logiques du système-monde capitaliste. Et nous placeraient face à des questions fondamentales : que peut être un agencement de la production qui renonce à la centralité des déterminations économiques ? Que peut être une politique qui privilégie l'autogouvernement populaire et assume une relocalisation communale ? Comment nouer de nouvelles relations aux non-humains qui cessent de nous extraire des interdépendances du vivant sans pour autant dissoudre entièrement la notion d'humanité ? Et par quels chemins faire croître de tels possibles ?
Autant de questions auxquelles Jérôme Baschet - avec une érudition, une clarté et une liberté de pensée exceptionnelles - esquisse des réponses aussi plausibles et documentées qu'éminemment désirables.
1er janvier 1994. Dans le Sud du Mexique surgit un mouvement politique absolument neuf. Autour de son porte-parole, le sous-commandant Marcos, émerge une ample dynamique sociale, forte de décennies de luttes menées par les paysans indiens du Chiapas.
La rébellion zapatiste, prenant ses distances à l 'égard des doctrines de Lénine ou de Che Guevara, ouvre la voie à une autre pensée révolutionnaire. Son but n'est pas de prendre le pouvoir, mais de construire un monde où il y ait place pour de nombreux mondes ; son combat pour la justice sociale et la dignité partagée, qui se déploie dans l'expérience de l'autonomie, s'adresse à tous ceux qui résistent à l'ordre néolibéral.
Étude approfondie des idées et des valeurs du zapatisme, ce livre met aussi en perspective les apports et les stratégies d'un mouvement qui continue d'être une source d'inspiration bien au-delà du Mexique, rencontrant un vif écho auprès d'intellectuels et d'activistes du monde entier.
Édition mise à jour et augmentée d'une nouvelle postface (2019).
L'image médiévale n'est pas, comme le veut l'idée commune, la "bible des illettrés"! critiquant les oeuvres fondatrices d'émile mâle et d'erwin panofsky, jérôme baschet reconsidère le concept d'iconographie : il écarte toute dissociation entre le fond et la forme et prône la plus extrême attention aux procédés plastiques par lesquels la pensée figurative dote de sens les images.
à l'heure où l'usage des bases de données en ligne est en passe de modifier notre rapport aux oeuvres, le rappel de leur matérialité est loin d'être inutile car les images médiévales ne peuvent être analysées sans prendre en compte la fonction des objets dont elles sont le décor et les usages sociaux auxquels ceux-ci sont associés. l'ouvrage permet d'aborder les oeuvres visuelles de l'occident médiéval à travers des exemples méconnus - reliefs romans de souillac, abbaye de saint-savin ou portail de bourg-argentai -, de comprendre la "cohérence" d'une oeuvre, d'analyser la structure d'ensemble indispensable pour une iconographie renouvelée.
Loin des caractères stéréotypés que l'on prêtait à l'art médiéval, il fait enfin apparaître une extraordinaire inventivité des images.
Si l'on récuse l'idée d'un effondrement fatal et déjà acquis, la mise en évidence d'une dynamique de crise structurelle implique que l'emprise du monde de l'économie peut continuer à se perpétuer, quoiqu'au prix d'une décomposition politique et sociale, d'une pression sur les "ressources humaines" et d'une dévastation écologique sans cesse exacerbées.
Écrit sous l'effet du soulèvement des Gilets jaunes, le présent livre argumente que ce mouvement, tout comme les mobilisations pour le climat dont l'essor est presque simultané, est annonciateur de nouvelles formes d'explosion sociale qui sont vouées à se multiplier au cours des années à venir.
Le manque de temps est l'une des pathologies de l'homme moderne. Elle s'aggrave sans cesse dans notre monde soumis à la tyrannie de l'urgence, saturé d'écrans chronométriques et exigeant toujours plus d'efficacité, de rapidité, de calculs et d'anticipations à court terme. Quant à notre rapport au temps historique, au passé et au futur, il a été entièrement bouleversé au cours des dernières décennies. Alors que dominaient jadis la foi dans le progrès et la certitude d'un avenir meilleur, nous vivons désormais le règne sans partage du présent perpétuel.
Dans une langue à la fois lumineuse et érudite, cet essai intense s'efforce, en s'appuyant notamment sur l'expérience rebelle des zapatistes du Chiapas, d'identifier des modalités émergentes du rapport au temps et à l'histoire - ce dont découlent aussi quelques propositions visant à arracher le savoir historique à l'étouffement présentiste. Sans en revenir au futur de la modernité, connu d'avance et garanti par les lois de l'histoire, il s'agit - et c'est un enjeu politique majeur de notre époque - de rouvrir le futur, de faire place au désir de ce qui n'est pas encore, sans l'enfermer dans aucune forme de planification.
Jérôme Baschet nous invite ainsi à repenser la temporalité révolutionnaire, loin des schémas convenus d'un Grand Soir toujours remis à plus tard ou d'un enfermement dans le pur instant de l'action immédiate. Il s'agit au contraire de poser les bases qui permettent de tenir ensemble incandescence du maintenant et souci de l'à-venir, agir présent et anticipation stratégique, sens de l'urgence et nécessité de la préparation.
Un livre-monde, pour savoir d'où l'on vient, où l'on va. Découvrir qui sont les autres, nos voisins, nos contemporains. Se construire et devenir un citoyen du monde.
Être enfant en France, fils de Louis VIII au Moyen Âge ou future reine de Corée à huit ans, au XVIIIesiècle. Élève dans la grêce antique, tisseusse au XIXe ou servante à Florence au XVe. Enfant en Chine ancienne ou au temps des Égyptiens. Dans la rue au XVIIIe siècle ou dans la mine au XIXe. Enfants d'aujourd'hui, en Europe ou en Amérique Latine, chez les Inuit ou chez les Hopi. Petit gardien de buffles en Indonésie ou fille de nomades Touaregs, soldat au Congo ou blagueur à Madagascar, fils de migrants à Paris ou colégienne dans le Bordelais.
Enfants du monde entier, d'Orient ou d'Occident, tous différents dans leurs façons de faire, et de dire, de vivre leur réalité sociale et leurs rituels, mais proches par ce qu'ils partagent de l'enfance.
S'appuyant sur l'expérience zapatiste - une « utopie réelle » qui s'apprête à fêter ses 20 ans -, ce petit livre incisif invite à rouvrir le futur et à engager une réflexion sur ce que pourrait être un monde libéré de la tyrannie capitaliste. Construire (une autre réalité) et résister (aux avancées de la dépossession capitaliste) sont désormais deux aspects inséparables d'une même démarche, dont on ne peut ignorer la dimension conflictuelle : il s'agit d'en finir avec le capitalisme, avant que celui-ci n'ait détruit les conditions de la vie humaine sur la Terre.
Un vieil homme rassemblant contre lui de petits enfants : telle est l'image qui, dans la chrétienté médiévale, donne à voir la destinée paradisiaque des élus après la mort. Qu'est-ce donc que ce sein paternel où viennent se lover les justes ? Le vieillard, c'est Abraham, l'ancêtre commun du judaïsme, du christianisme et de l'islam, bien apte à exprimer l'idée de concorde et de fraternité. Et si, entre XI? et XIII? siècles, il parvient avec succès à figurer la récompense céleste, but ultime de la société chrétienne, c'est parce qu'il montre cet idéal paradisiaque comme réunion à une figure paternelle, donnant forme à ce «besoin de protection par le père» que Freud situait au coeur du sentiment religieux. Or la relation entre le patriarche et les élus est si intime et parfois si fusionnelle qu'on peut la qualifier d'inclusion corporelle. Abraham serait-il alors une mère qui accueille les élus en son sein ? Si l'on a récemment insisté sur l'essence féminine du christianisme, les oeuvres dont il est question ici invitent plutôt à un rééquilibrage paternel et à une réflexion globale sur la paternité et la maternité et sur l'articulation de ces notions au Moyen Âge. Dessiner ainsi un vaste réseau iconographique autour du sein d'Abraham permet de mettre en pratique une méthodologie novatrice - construire une iconographie sérielle - tout en contribuant à l'analyse d'un aspect décisif de l'histoire sociale de l'Occident médiéval, qui pensait essentiellement le monde comme parenté.
La civilisation féodale De l'an mil à la colonisation de l'Amérique Sombre repoussoir des Lumières et de la modernité, le Moyen Âge peine à se défaire de sa mauvaise réputation. Pourtant, au coeur de ce millénaire, se loge une exceptionnelle période d'essor et d'élan créateur, déterminante pour la destinée du monde européen. Réputé anarchique, le système féodal repose en fait sur une organisation sociale efficace, qui, dès les Xe-XIIe siècles, regroupe les populations au sein de villages où la domination des seigneurs s'exerce de manière à la fois vigoureuse et équilibrée. Véritable colonne vertébrale de la société, l'Église assure la cohésion de ces entités locales tout en conférant à la chrétienté une unité continentale et une prétention à l'universalité. De là une civilisation profondément originale, dont les manières de percevoir et de vivre le temps, l'espace, l'au-delà, l'âme et le corps, la parenté ou encore les images révèlent les tensions et les paradoxes.
Par-delà les crises et les couleurs contrastées de la fin du Moyen Âge, c'est la force expansive de la chrétienté féodale qui pousse les Occidentaux vers les rivages du Nouveau Monde et la conquête du continent américain. Et si le féodalisme, traditionnellement considéré comme l'âge de la stagnation et de l'obscurantisme, était l'un des ressorts oubliés de la dynamique par laquelle l'Occident a imposé sa domination à l'Amérique d'abord, puis à l'ensemble de la planète?
1er janvier 1994.
Dans le sud du Mexique surgit un mouvement politique absolument neuf. Ce soulèvement de paysans indiens a pour porte-parole le sous-commandant Marcos, dont les messages circulent sur tous les continents. Leur combat pour la justice sociale et la diversité culturelle s'adresse aux plus démunis, mais aussi à tous ceux - antiracistes, écologistes, féministes, militants antimondialisation - qui résistent à l'ordre néo-libéral.
Au-delà du folklore et du remue ménage médiatique, Le zapatisme ouvre la voie à une autre pensée révolutionnaire. S'il conteste le capitalisme tout puissant, c'est en prenant ses distances à l'égard des doctrines de Lénine ou de Che Guevara. Entre les " Lendemains qui chantent " et le désenchantement postmoderne, entre l'intolérance identitaire et la dissolution des cultures, il met en place une nouvelle pensée critique.
1989 marquait l'écroulement définitif des forteresses dogmatiques. 1994 apparaît comme l'amorce d'une mobilisation mondiale, dont Seattle sera l'une des grandes étapes. Etude approfondie des idées et des valeurs du zapatisme, ce livre est aussi une mise en perspective de ses apports et de ses stratégies au Mexique et dans le monde. Un moment clé dont chacun peut aujourd'hui s'inspirer librement.
« Faut-il en finir avec la police ? » La question se pose avec une nouvelle intensité depuis le mouvement mondial déclenché par la mort de George Floyd aux États-Unis.
Alors que les violences policières sont de plus en plus visibles, l'image du gardien de la paix et l'idée que la police serait un service public tendent à s'effriter. Il est maintenant entendu que l'institution policière est la garante d'un certain ordre, d'un certain régime de domination. Dans le contexte de défiance et de surenchère qui est le nôtre, il paraît moins pertinent de réfléchir à une énième réforme que de se demander comment résoudre nos conflits sans elle, comment la neutraliser, la priver de sa légitimité et de ses moyens.
Défaire la police examine ces questions épineuses à partir des expériences, des problèmes et des débats qu'elles ont suscités avec des contributions d'Elsa Dorlin, Jérôme Baschet, Serge Quadruppani, le Collectif Matsuda, Irene et Guy Lerouge.
Abstention massive, montée du populisme, défiance généralisée vis-à-vis des dirigeants politiques : la politique traditionnelle est à l'agonie. C'est à celle-ci que nos auteurs s'attaquent à travers quatre axes distincts : les liens entre l'émergence de la politique traditionnelle et celle du capitalisme, la critique de la démocratie directe, l'autonomie italienne des années 1970 et sa critique radicale de l'État et le dépassement de la « politique traditionnelle » au sein des communautés zapatistes.
La petite école zapatiste. Peu après l'extraordinaire marche de quarante mille zapatistes dans cinq villes de l'État du Chiapas le 21décembre 2012, l'Armée zapatiste de libération nationale (EZLN) annonçait la tenue d'une Petite École zapatiste. La première session eut lieu en août 2013, dans des communautés des cinq zones du territoire zapatiste, mais aussi à San Cristóbal de Las Casas, au Centre indigène de capacité intégrale-Université de la Terre. Pendant une semaine, près de deux mille élèves, venus d'un peu partout, vécurent le quotidien des indigènes zapatistes et purent en apprendre davantage, par l'écoute et la discussion, sur le projet d'autonomie que construisent les rebelles zapatistes depuis maintenant plus de trente ans.Les deux témoignages réunis ici offrent une vision-qui ne saurait être complète - de ce que furent ces cinq jours au contact d'une rébellion toujours vivace et riche d'enseignements pour qui aspire au renversement du monde.
Les images ont, depuis quelques décennies, acquis droit de cité parmi les documents qui apportent leur contribution à la compréhension des sociétés de l'Occident médiéval. Cependant, la tâche n'a rien d'aisée, car l'analyse des oeuvres visuelles confronte à des difficultés particulières et les historiens, surtout familiers des textes et des matériaux archéologiques, ne sont pas forcément bien armés pour les étudier, dans le respect de leurs modes d'expression et de fonctionnement propres.