Le hussard sur le toit : avec son allure de comptine, ce titre intrigue. Pourquoi sur le toit ? Qu'a-t-il fallu pour l'amener là ? Rien moins qu'une épidémie de choléra, qui ravage la Provence vers 1830, et les menées révolutionnaires des carbonari piémontais.
Le Hussard est d'abord un roman d'aventures : Angelo Pardi, jeune colonel de hussards exilé en France, est chargé d'une mission mystérieuse. Il veut retrouver Giuseppe, carbonaro comme lui, qui vit à Manosque. Mais le choléra sévit : les routes sont barrées, les villes barricadées, on met les voyageurs en quarantaine, on soupçonne Angelo d'avoir empoisonné les fontaines ! Seul refuge découvert par hasard, les toits de Manosque ! Entre ciel et terre, il observe les agitations funèbres des humains, contemple la splendeur des paysages et devient ami avec un chat. Une nuit, au cours d'une expédition, il rencontre une étonnante et merveilleuse jeune femme. Tous deux feront route ensemble, connaîtront l'amour et le renoncement.
«Le livre est parti parfaitement au hasard, sans aucun personnage. Le personnage était l'Arbre, le Hêtre. Le départ, brusquement, c'est la découverte d'un crime, d'un cadavre qui se trouva dans les branches de cet arbre. Il y a eu d'abord l'Arbre, puis la victime, nous avons commencé par un être inanimé, suivi d'un cadavre, le cadavre a suscité l'assassin tout simplement, et après, l'assassin a suscité le justicier. C'était le roman du justicier que j'ai écrit. C'était celui-là que je voulais écrire, mais en partant d'un arbre qui n'avait rien à faire dans l'histoire.»Jean Giono.
«Le matin fleurissait comme un sureau.
Antonio était frais et plus grand que nature, une nouvelle jeunesse le gonflait de feuillages.
- Voilà qu'il a passé l'époque de verdure, se dit-il.
Il entendait dans sa main la truite en train de mourir. Sans bien savoir au juste, il se voyait dans son île, debout, dressant les bras, les poings illuminés de joies attachées au monde, claquantes et dorées comme des truites prisonnières. Clara, assise à ses pieds, lui serrait les jambes dans ses bras tendres.»
«On comprenait que les hommes pourraient être aussi efficaces que Dieu dans d'autres domaines que la destruction».
On ne peut qu'être d'accord avec le narrateur quand on voit la magnifique forêt qu'Elzéard Bouffier a élevée patiemment tout au long de sa vie. Écologiste avant l'heure? Sans aucun doute. Ce berger a décidé de redonner sa superbe à cette lande déserte de Provence en plantant une forêt de chênes, de bouleaux, de hêtres et d'érables. Grâce à l'oeuvre d'un seul homme, la vie revient peu à peu dans cette contrée désolée. Une histoire de patience, de respect et d'amour de la terre dont il faudrait certainement prendre de la graine...
En 1949, dans un village de la Drome, des femmes veillent le corps de feu Albert. Dans cette ambiance calme et feutrée propice aux confidences, Thérèse revient sur son histoire. Sa fuite avec Firmin une nuit de 1886, leur arrivée dans le village de Chatillon, mais surtout sa rencontre avec les Numance, riches bienfaiteurs du village, et la relation fusionnelle voire passionnelle, qu'elle va entretenir avec Madame. Mais elle raconte aussi comment Firmin tire profit de cette relation pour s'enrichir et comment il va peu à peu les détruire. Seules les âmes fortes seront épargnées.
Roman polyphonique, chronique romanesque, tableau de moeurs, peinture de la province sont autant de qualificatifs qui se rapportent au texte de Jean Giono. L'écriture très orale et les différentes voix qui portent le récit dépeignent la vie d'un village de province à la fin du xix e siècle où, comme dans un huis-clos, les langues se délient et les personnalités se troublent.
Écho à La Comédie humaine de Balzac, Giono livre ici une réflexion sur la nature humaine et ce qu'elle recèle de plus noir, en prenant pour décor le sud-est de la France, région chère à son coeur.
Refus d'obéissance rassemble le texte « Je ne peux pas oublier », publié en 1934 dans la revue Europe, dans lequel Jean Giono livre un véritable plaidoyer pour la paix, et quatre chapitres inédits du Grand troupeau, où il décrit dans une langue bouleversante de réalisme la vie, l'attente et surtout la peur des soldats de la Grande guerre.
Un curé traverse la route en portant une pendule. Un canon anglais passe au grand galop, les chevaux fouettés par les artilleurs français. Un colonel sans capote et nu-tête fait ses grands pas dans l'herbe. De sa main gauche il tient une boîe de sardines ouverte. Il trempe le pain dans l'huile et il pompe à pleine bouche. Un officier anglais, penché derrière un arbre, allume sa pipe à l'abri. Tout ça s'en va vers le mont Cassel. Un réquisitoire contre la guerre.
«Alors, il se met à tripoter son paquet de cartes comme s'il tirait sur un accordéon. Il le frappe, il le pince, il le soufflette, il le caresse, il l'étire et le referme. Il annonce : roi de pique, sept de carreau, trois de coeur, roi de trèfle, dame de coeur, neuf de pique, deux de carreau ; et chaque fois la carte annoncée tombe. Il jette le jeu de cartes dans le bassin de la fontaine et, quand il va y tomber, le jeu de cartes se regroupe dans sa main. Il me l'étale sous le nez en éventail, en fer à cheval, en roue, en flèche. Il fait couler les cartes de sa main droite à sa main gauche, en pluie, en gouttes, en cascades. Il leur parle, il les appelle par leurs noms ; elles se dressent toutes seules hors du jeu, s'avancent, viennent, sautent. Il raconte de petites saloperies à la dame de coeur et la dame de coeur bondit jusqu'à sa bouche...»
De Manosque à Florence, en passant par Milan, Venise, Padoue, Bologne, voici l'Italie de Jean Giono, romancier du bonheur. Le lecteur le suivra dans ses découvertes, avec un plaisir extrême. À chaque pas, le paysage et les êtres apportent leur leçon. Giono sait traduire le message d'une allée de cyprès sur une colline, du froncement de sourcils d'un Milanais, du battement de cils d'une Vénitienne. Il est délicieux de voyager avec un tel guide.
«Moulin de Pologne, pourquoi ce nom ? Personne n'en sait rien. Les uns prétendent qu'un pèlerin polonais allant à Rome s'établit jadis à cet endroit-là dans une cabane.Un peu après la chute de l'Empire, un nommé Coste acheta le terrain, fit construire la maison de maître et les dépendances qu'on voit encore.Coste était un enfant du pays, mais il y revenait après un long séjour au Mexique. C'était, paraît-il, un homme maigre et silencieux. On se souvient surtout de ce qui le caractérisa : des sautes d'humeur violentes qui le faisaient passer sans transition d'une bonté de pain à une cruauté famélique.»
«Giono a beau se défendre d'être un écrivain provençal, il a trop habité la Provence et est trop habité par elle pour résister à ceux qui lui demandent d'en parler. Toute sa vie, il a ainsi écrit de courts essais, des préfaces, des articles. Ce sont eux qui sont réunis dans ce recueil.La Provence n'est plus ici le lieu, à demi transformé par l'imaginaire, où il a situé le plus grand nombre de ses romans. Le but, dans ces essais, est de la montrer telle qu'il la connaît et telle qu'il la voit, c'est-à-dire très souvent à l'opposé des poncifs qui se sont accumulés sur elle. De ce pays, Giono donne une vision renouvelée par l'acuité de son observation, par son sens des couleurs et le bonheur de ses images. [...] Mais qu'on ne s'attende pas à trouver en Giono un guide touristique. La vision qu'il donne de la Provence est inséparable des personnages et des histoires qu'il y a fait vivre dans son oeuvre de fiction. Cela est si vrai qu'elle évolue en même temps que cette oeuvre. La Provence que montre Giono dans les années 50 et 60 n'est plus celle qu'il montrait avant la guerre. Lire à la suite ces textes écrits sur la Provence à divers moments, c'est embrasser d'un coup le parcours si particulier de cette oeuvre.»Henri Godard.
« Ce qui me dégoûte dans la guerre, c'est son imbécillité. J'aime la vie. Je n'aime même que la vie. C'est beaucoup, mais je comprends qu'on la sacrifie à une cause juste et belle. J'ai soigné des maladies contagieuses et mortelles sans jamais ménager mon don total. À la guerre j'ai peur, j'ai toujours peur, je tremble, je fais dans ma culotte. Parce que c'est bête, parce que c'est inutile. Inutile pour moi. Inutile pour le camarade qui est avec moi sur la ligne de tirailleurs. Inutile pour le camarade en face. Inutile pour le camarade qui est à côté du camarade en face dans la ligne de tirailleurs qui s'avance vers moi. » Ce volume réunit «Refus d'obéissance», «Précisions» et «Recherche de la pureté», trois textes pacifistes d'un homme qui n'oublia jamais l'horreur de la Première Guerre mondiale.
Viens, suis-moi. J'ai ici ma vigne et mon vin ; mes oliviers, et je vais surveiller l'huile moi-même au vieux moulin... Tu as vu l'amour de mon chien ? Ça ne te fait pas réfléchir, ça ?... Viens, venez tous, il n'y aura de bonheur pour vous que le jour où les grands arbres crèveront les rues, où le poids des lianes fera crouler l'obélisque et courber la Tour Eiffel ; où, devant les guichets du Louvre, on n'entendra plus que le léger bruit des cosses mûres qui s'ouvrent et des graines sauvages qui tombent ; le jour où, des cavernes du métro, des sangliers éblouis sortiront en tremblant de la queue.
« Je ne dis pas que Gaston Dominici n'est pas coupable, je dis qu'on ne m'a pas prouvé qu'il l'était », écrit Jean Giono dans ce petit livre, qu'il a divisé en deux parties. La première est composée de notes d'audience prises à chaud, pour ainsi dire, et mises au net ensuite. Ces notes sont d'un grand écrivain. Elles éclairent les insuffisances du procès. Elles mettent en lumière bien des points qui sont restés dans l'ombre, elles font ressortir des subtilités que personne jusqu'ici n'avait aperçues. En premier lieu « nous avons affaire à un procès de mots », dit Jean Giono. En effet, l'accusé parle un langage primitif, sans syntaxe ; on transcrit ses déclarations et on l'interroge dans un autre langage, le français officiel. Cette simple remarque pourrait bien tout remettre en question.
Dans la seconde partie, qui est un morceau éblouissant, l'auteur esquisse une description du caractère de l'accusé et des témoins. En s'appuyant sur la vie des paysans de la Durance qu'il connaît bien, sur les conditions géographiques, voire historiques, il reconstitue avec une impressionnante plausibilité ce qu'ont été la vie, les pensées, ce qu'est même la sensibilité du fermier de la Grand Terre, personnage homérique, paysan rusé, mais jamais individu médiocre.
Un livre comme celui-là est plus qu'un témoignage : c'est un faisceau de lumière braqué sur la justice.
Dans Folioplus classiques, le texte intégral, enrichi d'une lecture d'image, écho pictural de l'oeuvre, est suivi de sa mise en perspective organisée en six points:- Vie littéraire:La nature prend la parole - L'écrivain à sa table de travail:La nature en toutes lettres - Groupement de textes thématique:Une pomme, des pommes - Groupement de textes stylistique:Au nom de la nature - Chronologie:Une brève histoire de la nature - Fiche:Des pistes pour rendre compte de sa lecture. Recommandé pour les classes de collège.
«Ils se jetèrent l'un contre l'autre.En échappant aux bras, Mon Cadet frotta sa tête contre la poitrine de Marceau. Il entendit de nouveau les furieux coups sourds. Il comprit que c'était le coeur de son frère ; il se sentait, lui, propre, net, sec et dur comme un fuseau de quenouille. Il lui glissait des mains, il prit audace et appuya carrément son épaule contre le ventre de Marceau. Il essaya de le ceinturer. Marceau le saisit aux hanches et le souleva.»
Angelo, le héros du hussard sur le toit, part de turin après avoir fort joliment tué d'un coup de sabre m.
Le baron schwartz, espion autrichien. il passe la frontière en grand uniforme de colonel des hussards de sardaigne, sur un cheval admirable. les conspirations, les dangers, les amours ne vont point manquer à angelo qui se trouvera aux prises avec le subtil vicaire général d'aix-en-provence, le marquis de théus, avec la charmante anna clèves qui l'aimera sans espoir, avec pauline enfin, cette femme si belle qu'il sauvera un jour.
Le Bonheur fou, c'est celui qu'éprouve Angelo Pardi, le héros du Hussard sur le toit, à faire la révolution italienne en 1848. Angelo se promène à travers la révolution comme il se promenait naguère à travers le choléra de Provence. La guerre - cette guerre-là, qui est à la fois guerre civile et guerre à l'Autriche - lui communique les sentiments les plus délicieux. L'amitié y prend quelque chose d'exalté et d'admirable, bien propre à transporter l'âme la plus noble du Piémont. Les combats de rues ou batailles confuses quoique «rangées», n'ont rien de honteux, car c'est l'amour de la patrie qui les anime, ainsi qu'un prodigieux goût de vivre.Des amours très brèves, de longues marches à pied ou à cheval, d'innombrables rencontres avec une foule de personnages d'une extraordinaire vérité, sont les événements de ce roman aux dimensions tolstoïennes, écrit dans la langue la plus rapide du monde.
En 1904, un ancien bagnard, surnommé Tringlot, fuit Toulon. Pour déjouer les embuscades de la police et de ses anciens complices, il se cache parmi des bergers qui mènent la transhumance d'un troupeau de moutons. Mais la solitude des hautes montagnes est étrangement peuplée. Là, au contact de personnages extraordinaires, le destin de Tringlot va changer. Récit romanesque, où la menace et le mystère pèsent à chaque pas, L'Iris de Suse est riche en scènes romantiques, en paysages profonds. C'est aussi la résurrection de tout un vocabulaire d'époque d'une richesse et d'une saveur stupéfiantes.
Dans cette ultime chronique qu'il a écrite pour les journaux, Jean Giono jongle avec le présent et le passé : le moindre incident fait jaillir, comme une source intarissable, des souvenirs, des histoires, des personnages. Ces textes, datés des années 1966 à 1970, sont empreints de bonhomie, d'une philosophie souriante, parfois un peu passéiste. Cela n'exclut pas l'émotion, et l'on trouve, dans La chasse au bonheur, les plus belles pages, peut-être, que Giono ait jamais écrites sur sa mère. Art de vivre, de voyager, de se nourrir, de se faire des amis, cet ouvrage s'achève sur une chronique consacrée aux parfums, le dernier texte de Giono. «Les parfums permettent d'affronter - et souvent de les vaincre - les mystères les plus terribles», disait-il ici. C'était quelques semaines avant sa mort.
Il y a de petites places désertes où, dès que j'arrive, en plein été, au gros du soleil, oedipe, les yeux crevés, apparaît sur un seuil et se met à beugler. Il y a des ruelles, si je m'y promène tard, un soir de mai, dans l'odeur des lilas, j'y vois Vérone où la nourrice de Juliette traîne sa pantoufle. Et dans le faubourg de l'abattoir, à l'endroit où il n'y a rien qu'une palissade en planches, j'ai installé tous les paysages de Dostoïevski...
«Chaque forme de la technique aura exactement sa forme formée avec de la chair sans souvenir, sans membres en trop, sans souffrance possible. La beauté est un mot poétique. Ce sera désormais un mot technique. Cette chair sera belle. Sa beauté est son exacte utilité.Non, ce n'est pas ici que vous avez reculé d'horreur. Le gouffre de la raison technique ne peut pas vous donner le vertige. Il vous est familier ; il vous est plus familier que votre propre beauté. Vous avez déjà perdu le commandement de vous-même. Ce que vous haïssez, ce qui mot à mot a meurtri votre chair déjà mystérieusement désespérée, c'est tout le reste du livre. Il parlait à de vieux souvenirs qui depuis longtemps sont en trop. Je vais vous dire le vrai motif de votre haine : vous n'avez trouvé personne à adorer dans ces pages ; et vous avez un terrible besoin d'adorer.La grande vérité est précisément qu'il n'y a rien ni personne à adorer nulle part. Et voilà l'endroit où je vais vous laisser pour qu'à partir de là vous fassiez vous-même votre espérance. Je ne fais effort ni pour qu'on m'aime ni pour qu'on me suive. Je déteste suivre, et je n'ai pas d'estime pour ceux qui suivent. J'écris pour que chacun fasse son compte.»Jean Giono.
«Ce pays-là va tout en vagues, puis se creuse en un beau val. Un ruisseau est au fond, sous les saules. C'est le Largue. Un Largue large de trois pas. Il ne va pas comme tous les ruisseaux, d'un flot égal, mais il dort dans des trous profonds, puis l'eau glisse d'un trou à l'autre, en emportant des poissons, puis tout s'arrête et l'on attend une pluie là-bas sur les plateaux. Quand on se penche sur ces trous d'eau, on voit d'abord le monde renversé des arbres et du ciel. Là, j'ai compris pourquoi les jeunes filles se noyaient : c'est la porte d'un pays, c'est un départ ; sous l'eau sont des nuages, et des arbres, et des envols d'oiseaux, et des fleurs. Un peu de courage, même pas du courage, laisse faire le poids de cette chair...»
La provence, moderne arcadie, modèle des contrées heureuses et paisibles, avec ses oliviers argentés, le profil des collines et les couleurs changeantes des bois, les paysans au travail, l'huile d'olive et la vigne.
Giono en connaît chaque chemin, chaque pierre, chaque torrent, chaque odeur et chaque bruit. avec lyrisme et poésie, il offre une longue promenade à la rencontre de son pays et de ses hommes simples.