Exilée en Norvège pour échapper aux massacres qui ont suivi la Commune de Paris, Babette est devenue la servante de deux soeurs austères vouées au culte de leur père pasteur. Un jour, elle gagne dix mille francs or à la loterie et leur demande, comme une faveur, de la laisser préparer un souper fin à la française... Ce sera un festin.
Malgré leur serment solennel de « purifier leur langue de toute concupiscence », les convives de l'aride communauté nordique de Berlewaag céderont peu à peu aux délices de cette chair luxueuse venue du Sud. Et ainsi, « de vieilles gens taciturnes reçurent le don des langues ; des oreilles sourdes depuis des années s'ouvrirent pour les écouter ». Babette, elle, aura consacré toute sa fortune et déployé tous ses talents dans ce geste généreux de grande artiste.
Stéphane Audran, qui fut l'inoubliable Babette du film de Gabriel Axel, nous initie, avec Karen Blixen, à ce don premier de l'oralité.
C'est l'immense succès du film Out of Africa, tiré de son roman La Ferme africaine, qui a fait connaître du grand public Karen Blixen. Son oeuvre de nouvelliste était déjà connue d'un cercle de fidèles fervents. Il restait à découvrir ses essais, qu'elle écrivit de 1923 à 1959, traduits en français pour la première fois. Elle unit à la rigueur de l'analyse l'élan narratif hérité de la tradition des contes. Qu'elle parle de son amour pour Shakespeare ou du mariage à la mode, de l'islam ou de la sympathie pour le continent africain, qu'elle établisse - avant tout le monde - des analogies entre le statut des femmes et celui des Noirs, qu'elle évoque Berlin en proie au nazisme, Londres l'été avant la tourmente, ou ses ruines après la guerre, ou encore, qu'elle s'amuse à définir, pour l'un et l'autre sexe, les mérites comparés de la robe et du pantalon, elle se révèle l'un des esprits les plus libres et les plus réellement subversifs de son époque.
"Échos" est une nouvelle de l'un des ultimes recueils de Karen Blixen, "Last Tales, Derniers contes d'hiver". Il a été écrit en 1957, en anglais comme la plupart des oeuvres de l'écrivaine danoise.
« Au cours de ses errances, Pellegrina Leoni, la diva qui avait perdu la voix, s'en vint dans une petite montagne non loin de Rome. Cela se passait au moment où elle avait fui Rome et son amant, Lincoln Forner. La grande passion qu'il lui portait menaçait de la placer et de la maintenir fermement dans une existence bien établie et bien stable.» K.B.
Pellegrina est persuadée que « la vie est dure », mais que Dieu, de temps à autre, se permet un « da capo », un recommencement, une résurrection. Un jour, elle entend dans l'église de ce petit village un enfant chanter le magnificat. N'est-ce pas là sa propre voix, celle qui lui a été enlevée ? Ce garçonnet, Emanuele, qui, bébé, a échappé à une catastrophe, est peut-être le Phénix renaissant de ses cendres. Et elle décide de le faire travailler.