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Nouvelles Lignes
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Le projet de ce livre est de réunir les plus remarquables des courts textes critiques consacrés par Georges Bataille à la littérature. Pas à sa littérature propre - on ne le lira pas ici la définir -, mais à celles des autres, ses contemporains pour la plupart. Ils datent tous d'après la guerre, c'est-à-dire, dans la vie qui a été la sienne, aux dix premières années de la revue Critique, qu'il a créée à la Libération et qu'il a dirigée jusqu'à sa mort (1962). On ne le lira pas certes pas définir ici la littérature selon lui, « définition » qu'il s'est, il est vrai, toujours abstenu de formuler précisément ; il n'empêche, le lisant lire ses contemporains, on l'entend former une autre affirmation, et complémentaire, de sa propre représentation de la littérature, de son « rôle », comme on disait alors - de son absence de rôle, plus justement.
Précisément : contre Sartre. La littérature doit servir dit l'un ; s'asservissant, dit l'autre, la littérature n'en est plus une.
Son grand livre sur ce sujet, sur le sujet de la littérature, celui où se mesure le mieux le sens qu'il en a, le sens et l'exigence, considérables, irréductibles, qu'il en a, c'est La Littérature et le mal (1957). Grand livre (théorique), mais livre restrictif aussi. Idée d'éditeur, ou idée d'auteur qui sait que le temps et les forces lui manqueront pour en concevoir un plus ambitieux. La Littérature et le mal : huit textes, sur huit écrivains selon son goût et son coeur , essentiels (Brontë, Baudelaire, Blake, Genet, Kafka, Michelet, Proust, Sade.), mais... qui y manque-t-il ? Beaucoup qu'on peut sans mal imaginer. Qu'il n'y a pas même lieu d'imaginer, il le dit lui-même : « Il manque à cet ensemble une étude sur Les Chants de Maldoror. » Cette étude manque, certes, mais il ne manque pas qu'elle. Il manque après coup, le temps venu de faire le compte des oeuvres qui se sont imposées depuis les années 1950-1960, toutes celles que ce livre réunit, et que lui-même aurait peut-être réunies si le temps lui en avait été laissé. Un seul exemple: la première étude en France sur Beckett (sur Molloy), c'est lui qui l'écrit. C'est un choix parmi ces textes que propose ce livre auquel il a semblé bon de donner ce titre - Non serviam -, parce que c'est la devise du diable, dit-on, et parce que la littérature, selon Bataille, est et se doit d'être diabolique. -
REVUE LIGNES n.71 : Jean-Luc Godard : encore et après
Michel Surya
- Nouvelles Lignes
- Revue Lignes
- 19 Mai 2023
- 9782355262135
Peu de figures en même temps intellectuelles, artistiques et culturelles auront donné autant que la sienne à penser (auront « aidé à vivre » non moins).
Jean-Luc Godard est mort le 13 septembre dernier, volontairement, laissant inachevé le dernier film auquel il travaillait.
Il s'était plaint un jour d'être connu plutôt que reconnu. Connu ou reconnu, son nom ou sa signature le sont quoi qu'il en soit davantage que son oeuvre, qu'ils recouvrent trop souvent - cependant que cette dernière, paradoxalement, doive peut-être à ce nom et à cette signature ses conditions d'existence. oeuvre qui n'a pas fini de se déployer et de se réaliser, de cheminer malgré l'inévitable destin de trésor national qui lui est réservée. Il serait certes impossible d'en faire le tour dans le seul espace d'un numéro de Lignes. C'est à partir d'elle cependant, de ses mille et une formes ou déclinaisons que nous vous invitons à faire le point -
REVUE LIGNES n.70 : écosophie ou barbarie
Michel Surya
- Nouvelles Lignes
- Revue Lignes
- 17 Février 2023
- 9782355262128
Si « barbare » est le nom d'une force envahissante, catastrophique, capable de faire razzia sur tout ce qui se présente sur son passage, alors le déploiement des capacités de production que le capitalisme opère en faisant du profit la règle de ses agissements est barbare. Il l'est parce que, s'étendant, il atteint et occupe le tout du monde, non seulement les espaces et les paysages, mais encore les pensées, le langage, les significations, bref la psychè, qu'elle soit individuelle ou collective. Félix Guattari proposa en son temps de lui opposer non pas exactement une écologie, mais une écosophie. Cette écosophie d'une part élargit la notion d'environnement, d'autre part fait valoir celle de mutation. Tel est encore l'enjeu : non pas se replier sur des formes de vie plus ou moins datées, non pas soutenir l'imaginaire d'une proximité avec une nature plus ou moins mythifiée, mais essayer des agencements. Ces mutations ne sont pas imposantes. Elles sont d'abord des essais mineurs. Pour les repérer et les penser, il faut changer l'échelle du regard et le registre des paroles. Dans les années trente du XXe siècle, un autre penseur, Walter Benjamin, considérant que la catastrophe n'était pas à venir mais déjà là, posait que « la tâche », comme il disait, n'était pas de sauver un monde paradoxal puisqu'à la fois surabondamment muni, empli de productions de toutes sortes et pour cette raison même consommé et dévasté, oublié même comme monde. Elle impliquait qu'on accepte de faire le vide dans une époque où l'information avait remplacé l'expérience. Ce n'était ni pour aller dans le sens de cet « effroyable déploiement de la technique » qui avait « plongé les hommes dans une pauvreté tout à fait nouvelle », ni, à l'inverse, pour restaurer ou rétablir un monde dont les conditions n'étaient plus réunies, mais pour faire valoir la décence du peu, « voir partout des chemins », « déblayer » pour rendre ces chemins accessibles et « se mettre à leur croisée ». Ainsi ne s'agissait-il pas de dresser des murs ni des défenses supplémentaires. De même aujourd'hui, la question n'est pas que nous trouvions des munitions mais des ressources, c'est-à-dire à nouveau des sources, dont, quel que soit leur lieu, nous pourrions nous nourrir à moindres frais et dégâts et comparaître ainsi dans un espace peu à peu libéré de la domination.
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Portrait de l'intermittent du spectacle en suppletif de
Michel Surya
- Nouvelles Lignes
- Lignes
- 20 Septembre 2007
- 9782355260018
Après le Portrait de l
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Singes de Leur Ideal (Les) : De la Domination, 5 / Sur l'usage récent du mot "changement"
Michel Surya
- Nouvelles Lignes
- 11 Janvier 2013
- 9782355261176
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REVUE LIGNES n.68 : Jean-Luc Nancy
Michel Surya
- Nouvelles Lignes
- Revue Lignes
- 13 Mai 2022
- 9782355262098
Une oeuvre, profuse, majeure. Un homme, exemplaire. Témoigner d'elle et de lui, pour rendre hommage à celle-ci (certainement l'une des oeuvres de pensée les plus importantes depuis son ami Derrida), et dire notre amitié, l'amitié de Lignes, à celui-là. C'est Lignes en effet qui rend ici hommage à cette oeuvre, à cet homme. Beaucoup plus l'auraient pu, le pourraient. Impossible de les inviter tous (il en compte trop). Limiter leur nombre s'imposait. Ici à celles et ceux qui ont partagé l'histoire de Lignes avec lui, qui ont appartenu avec lui à cette autre histoire, plus petite que beaucoup d'autres qu'il a vécues (universitaire par exemple), mais pas moins significative sans doute, à laquelle il a montré son attachement (23 textes, depuis janvier 1993, n° 18 de la première série, jusqu'au dernier paru : le très beau « Vous voyez ce que je veux dire », octobre 2021, n° 66 de la deuxième série). Un livre de lui, un concept, un mot, un fait de pensée, un cours, une conférence, un séminaire, un colloque, une direction de thèse, un engagement, un échange, une tentative inaboutie, un repentir, un différend, un accueil à l'étranger, etc., le théâtre, la littérature, l'art, etc. Toute liberté a été laissée à celles et ceux qui lui rendent ici un hommage ému et reconnaissant.
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REVUE LIGNES n.64 : tombeau pour Pierre Guyotat
Michel Surya
- Nouvelles Lignes
- Revue Lignes
- 5 Février 2021
- 9782355262012
Pierre Guyotat est l'un des plus grands écrivains de l'histoire de la littérature, nul n'en doute qui sait lire.
Il vient de disparaître, il venait d'avoir 80 ans.
Tous ceux dont le nom suit rendent ici hommage à l'oeuvre, à l'homme, qui fut aussi un ami de Lignes.
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REVUE LIGNES n.57 : puritanismes, le néo-féminisme et la domination
Michel Surya
- Nouvelles Lignes
- Revue Lignes
- 19 Octobre 2018
- 9782355261893
Repuritanisation des moeurs, des arts et de la pensée ? C'est ce qu'il risque de résulter - et résulte déjà - de la campagne (mondiale) de dénonciation des violences sexuelles, forme aggravée de la domination masculine. Dont il résulte aussi qu'il semble n'y avoir plus de domination qu'elle.
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REVUE LIGNES n.59 : les "Gilets jaunes" : penser un mouvement inédit
Michel Surya
- Nouvelles Lignes
- Revue Lignes
- 17 Mai 2019
- 9782355261947
Que penser du mouvement des « Gilets jaunes », et comment le penser ? Penser ce qu'il a d'inédit, qui le constituent (constitution elle-même inédite), et ce qu'il peut en résulter. Le décrire aussi. Par une vingtaine d'auteurs de Lignes, que la situation divise aussi.
À quoi avons-nous eu et avons-nous affaire avec les « Gilets jaunes » ? À un mouvement social ? Sans conteste. Spectaculaire même. Un incontestable et spectaculaire mouvement social donc, et justifié, on ne peut plus justifié par la situation et par.
Un mouvement social donc, mais pas « politique » a priori puisque lui-même s'est affirmé d'emblée, avec insistance même, comme ne l'étant pas, comme étant « apolitique » - de là l'une des difficultés à l'identifier et à le penser.
Un mouvement « social » et « apolitique » convenons-en puisque lui-même nous demande d'en convenir, lequel n'a pourtant présenté d'emblée que peu de traits d'un mouvement - sociale ou politique - de gauche. La gauche de gauche et l'extrême gauche l'ont certes rallié, et avec ferveur, mais pas toute, et pas sans réticence parfois. Ferveur d'une partie de celles-ci, donc, et inquiétude d'une autre. Il est vrai que des traits constitutifs des mouvements de droite (et de la droite dure) s'y profilent aussi, qui la légitiment.
On l'aura compris, le mouvement divise, il divise Lignes même. Ce numéro se saisit de cette division pour mieux décrire, analyser et penser ce mouvement, autrement dit le moment lui-même où nous nous trouvons.
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REVUE LIGNES : Revue Lignes N°65 : Etats de l'exception
Collectif Collectif, Michel Surya
- Nouvelles Lignes
- Revue Lignes
- 4 Juin 2021
- 9782355262029
C'est à partir de mots le plus souvent que se constituent les questionnements collectifs de Lignes, qu'en tout cas ils peuvent commencer à se formaliser. « Exception » servira à désigner le questionnement de celui-ci.
« Exception » au pluriel donc pour toutes celles qui sont apparues, inédites pour certaines, dont la somme et la simultanéité dessinent des circonstances sanitaires-politiques sans précédent. Parce que la question est des circonstances en effet, avant d'être celle de ce qu'il en résulte : celles d'une pandémie, nul n'en doute. Nul ne doute sérieusement qu'il ait fallu lui faire face, ni qu'il faille le faire encore, et par les moyens peut-être avec lesquels il lui a été fait face, plus ou moins les plus efficaces (c'est une autre affaire). Pas de suspicion de complot ou de conspiration donc au principe de ce numéro, cela dit pour couper court.
« Exception » au singulier aussi pour « état d'exception » bien sûr, concept hautement inflammable à manipuler avec la plus extrême précaution. Sur lequel il faut bien revenir cependant, partant de Benjamin peut-être plutôt que de Schmitt.
Singulier ou pluriel, le fait n'en est pas moins que de nouvelles procédures de contrôle et de surveillance auront été expérimentées à la faveur de cette situation certes sanitaire, dont on est justifié de penser qu'elles resserviront au prétexte de n'importe quelle autre, dont la justifiabilité sera cette fois douteuse (par exemple, ce que la crise sanitaire autorise aujourd'hui, la crise climatique ne l'autorisera-t-elle pas davanatge demain ?). Tant de docilité disponible, la tentation ne manquera pas de s'en resservir. D'autant qu'à ces suspensions (supposément) temporaires des libertés pour raison sanitaire, se superposent des tentatives de restrictions définitives de celles-ci, pour raisons sécuritaires cette fois (la loi dite de « sécurité globale » en France)
Frédéric Neyrat & Michel Surya -
REVUE LIGNES n.66 : littérature : quelle est la question ?
Michel Surya
- Nouvelles Lignes
- Revue Lignes
- 8 Octobre 2021
- 9782355262036
Quelles questions la littérature pose-t-elle encore ? Et lesquelles y a-t-il lieu de lui poser de nouveau ? Le temps semble loin déjà où elle constituait un enjeu d'importance, et qui la dépassait, , lequel engageait récits, formes et langages, lesquels, eux-mêmes, engageaient quelque chose d'un rapport au monde, critique, hostile (historique-politique). Rapport en grande partie perdu. À la fin prétendue de l'histoire, répondrait la fin des avant-gardes, des manifestes, des scandales. Où le feu reprend-il, s'il reprend ?
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REVUE LIGNES n.61 : pour un nouvel internationalisme
Michel Surya
- Nouvelles Lignes
- Revue Lignes
- 7 Février 2020
- 9782355261985
Parmi les idées qui connaissent une forme d'extinction tout aussi brutale que celle touchant les espèces, il faut compter l'internationalisme. Comment en est-on arrivés là ? Comment le schème internationaliste, qui a orienté les pensées comme les pratiques politiques opposées à l'ordre des choses et à sa police, a pu devenir le spectre d'un spectre, qui ne hante plus tant la mémoire que les oubliettes où celle-ci s'est évanouie ? Répondre à cette question nécessite bien entendu un diagnostic, une enquête de type historique, philosophique et politique.
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REVUE LIGNES n.62 : le mots du pouvoir, le pouvoir des mots
Michel Surya
- Nouvelles Lignes
- Revue Lignes
- 20 Août 2020
- 9782355261992
« Mots », « pouvoir », deux mots (dont le mot « mots ») pour un même titre, en réalité.
Pour dire combien nous avons trop affaire aux mots du Pouvoir, et celui-ci pas assez aux nôtres (« Pouvoir » avec une majuscule, pour faire des pouvoirs existants, politiques, économiques, patronaux, etc., un seul, celui qu'il est).
Trop affaire aux mots dont le Pouvoir se sert, et à ceux qui servent le Pouvoir, et pas assez à des mots, qui ne le servent pas, en mesure, au contraire, de le desservir.
Trop des mots qui asservissent et pas assez des mots... « sans service », « hors service », qui « desservent » même, où en allés ?, de la littérature, du poème, de la pensée, de l'impossible, de la beauté, de la révolte, etc.
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REVUE LIGNES n.63 : la pensée sous séquestre
Michel Surya
- Nouvelles Lignes
- Revue Lignes
- 6 Novembre 2020
- 9782355262005
Ce numéro de Lignes part de ce qu'il en est d'être confiné. De l'être par contrainte, mais s'y prêtant - le contraire d'une séquestration. Le contraire certes, mais plaçant la pensée elle-même comme sous séquestre.
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" Bernard Noël n'a jamais cessé d'ajouter à la poésie, à la littérature et à l'art... la politique. Il faut le dire ici, non pas seulement parce qu'on ne le dit généralement pas, mais parce qu'on le tait : la politique ne constitue pas pour lui un souci moins essentiel ni moins constant que : la poésie, la littérature, l'art. Pas, pour autant, plus constant ni plus essentiel. Il s'agit d'équilibrer un rapport, pas de faire que le déséquilibre s'inverse. " " A la poésie ne se séparant pas de la politique (de la révolution), ne cessant pas de séduire (follement) ni d'attirer (fatalement), ainsi que Bernard Noël la reconnaît les rares fois qu'il consent à la reconnaître (qu'il consent de reconnaître en écrire, écriture à laquelle il consentirait à l'extrême de s'identifier), j'ai donné ce nom : " polième ". Pour former quel mot ? La compression (la contraction, la concrétion) de la polis et de la poiêsis. "
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Capitalisme et djihadisme, une guerre de religion
Michel Surya
- Nouvelles Lignes
- Lignes
- 13 Janvier 2016
- 9782355261558
Qu'en est-il de la situation nouvelle qui a résulté des attentats du 7 janvier 2015 ? À entendre les représentants de la pensée critique radicale, une césure opérante a semblé se dégager : ce serait selon que le capitalisme est premier ou second dans l'analyse, que s'établiraient les pensées et se distribueraient les déclarations. Ce qu'on peut dire autrement : ou bien l'anticapitalisme est premier, et il n'y aurait de moyen de penser cette situation que comme l'un des symptômes dont seul le renversement du capitalisme aura raison ; ou bien cette situation témoigne d'autre chose, qui ne menace pas davantage le capitalisme que l'anticapitalisme qui conspire à le renverser.
La difficulté qu'on n'a alors vu presque personne aborder : les rapports ne sont-ils pas en train de changer au point que penser selon les termes des puissances respectives du capitalisme et de son opposition ne suffit plus. Une autre puissance émerge qui ravage des territoires entiers, y répandant la terreur (terreur qui n'atteint encore l'Europe qu'épisodiquement), qui n'est sans aucun doute pas moins hostile à l'anticapitalisme qu'au capitalisme lui-même. De là que l'étau se resserre : plus de gauche ou presque, où que ce soit ; un plébiscite au contraire pour un libéralisme sans fard ni frein ; une extrême droite à l'affût et aux portes du pouvoir ; et, enfin, le déferlement d'un archaïsme historique qu'on ne voit pas à quoi comparer sinon à une variante du fascisme.
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REVUE LIGNES : fini, c'est fini, ça va finir...
Michel Surya
- Nouvelles Lignes
- Revue Lignes
- 16 Février 2018
- 9782355261800
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REVUE LIGNES n.58 : migrance contre frontières
Michel Surya
- Nouvelles Lignes
- Revue Lignes
- 15 Février 2019
- 9782355261923
Ce numéro 58 de Lignes est consacré aux frontières.
Pas pour quelque géopolitique de plus, qu'il vaut mieux laisser aux géopoliticiens que la confier aux philosophes ou aux écrivains.
Aux « frontières », c'est-à-dire : au mot (en sa définition), à la chose (en son principe et en son usage), dont on a prédit la disparition, qui n'ont au contraire jamais été aussi présentes.
Pas pour les marchandises : le capital, habile, les a abolies. Mais pour les hommes, les femmes, leurs enfants, qui se portent vers elles, pour fuir (la faim, la guerre, les épurations...), qui se heurtent à elles, qu'elles ne passent pas, ou pas toutes, les empêchant de se rendre où elles seraient sauves - qui n'y survivent pas, souvent. (Il n'est plus nul besoin de tuer, il suffit de laisser périr.) Le mot « frontière » (en sa définition) dit pourtant bien la chose (en son usage), c'est-à-dire ce qui s'y passe encore et toujours, qui appartient au vocabulaire militaire : qui vient de « front », précisément du front des armées, autrement dit des places fortifiées opposées à l'ennemi, et pour que celui-ci ne pénètre pas. Partout les frontières se (re-)dressent, se renforcent, se doublent de murs, pour mieux faire front.
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REVUE LIGNES : Miguel Abensour : la sommation utopique
Michel Surya
- Nouvelles Lignes
- Revue Lignes
- 17 Mai 2018
- 9782355261855
Miguel Abensour hélas disparu, il nous faut revenir à la lecture des livres et de tout ce qui se dispose autour d'eux : le travail éditorial, les entretiens, les articles, et bientôt les textes inédits. Cette lecture collective ne fait ici que commencer. Ce qui nous manque déjà, par-delà l'ami et son art exceptionnel de l'amitié, c'est la manière qu'il avait de faire vivre la constellation composée par l'ensemble de son oeuvre, avec ses finesses et ses lois propres, mais surtout avec une discrétion telle qu'il importe aujourd'hui d'en expliciter la force et le parti pris politiques.
Miguel Abensour aura été le passeur qui a permis la lecture en France des livres majeurs de Adorno et Horkheimer. Il a fondé sa collection « Critique de la politique » en 1974, au retour d'un voyage aux États- Unis lors duquel il a découvert, dans un ébranlement complet, les livres de la première École de Francfort.
Son enthousiasme pour la tâche philosophique théorico- pratique de ce qu'il préférait nommer le « cercle » plutôt que l'« École » de Francfort n'a guère été partagé par les philosophes français qui étaient ses contemporains.
À cette solitude philosophique envisagée d'emblée comme un défi, s'est ajouté l'isolement dans lequel a été maintenue sa lecture du jeune Marx. Sa complicité profonde avec l'interprétation du marxisme utopique par Maximilien Rubel et Louis Janover a creusé souterrainement et de manière inexorable les sillons d'une nouvelle solitude dans une époque dévouée à la lecture althussérienne de Marx et dominée par la relégation du jeune Marx du côté des naïvetés présumées de l'utopie et de l'humanisme.
Miguel Abensour est ainsi devenu envers et contre tous, héroïquement, un des plus grands penseurs de l'utopie, un des plus grands passeurs des utopistes de tous les temps, depuis Thomas More jusqu'à Walter Benjamin. Et de manière conséquente il a aussi contribué à revivifier avec Louis Janover la tradition politique du communalisme et du conseillisme. La discrétion de Miguel Abensour ne doit donc pas être confondue avec une quelconque modestie ou réserve ;
Elle est la marque d'une résistance continue aux idées dominantes du présent, la caractéristique d'une force de jouteur sans égal ; elle devient désormais le schibboleth d'une communauté de penseurs déterminés à faire vivre l'actualité de la non-résignation - non-résignation politiquement décisive que Miguel Abensour nommait « la sommation utopique », et sur laquelle il enjoignait de ne pas céder, surtout dans ces temps qu'il qualifiait de crépusculaires.
Il s'agit de relancer dans la bataille ces concepts et ces notions, ces expériences et ces analyses, relancer ce que patiemment et généreusement Miguel Abensour nous a légués : une oeuvre comme une institution civile qui permet de s'élever au courage que réclame la situation.
Ce numéro de Lignes propose de continuer la conversation avec Miguel Abensour au travers de ses oeuvres, là tout de suite, d'emblée, sans attendre d'être figé par l'adversité.
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REVUE LIGNES n.60 : l'étranger et l'hospitalité
Michel Surya
- Nouvelles Lignes
- Revue Lignes
- 18 Octobre 2019
- 9782355261961
Comment, 25 ans après Jacques Derrida, penser l'hospitalité ?
Comme lui encore, c'est-à-dire comme inconditionnelle, ou tenant compte de conditions politiques considérablement détériorées?
De toutes les questions politiques, sans doute celle-ci est-elle la plus pressante.