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Cet Idiotie traite de mon entrée, jadis, dans l'âge adulte, entre ma dix-huitième et ma vingt-deuxième année, de 1958 à 1962. Ma recherche du corps féminin, mon rapport conflictuel à ce qu'on nomme le «réel», ma tension de tous les instants vers l'Art, ma pulsion de rébellion permanente : contre le père pourtant tellement aimé, contre l'autorité militaire, en tant que conscrit puis soldat dans la guerre d'Algérie, arrêté, inculpé, interrogé, incarcéré puis muté en section disciplinaire.
Drames intimes, politiques, amitiés, camaraderies, cocasseries, tout y est vécu dans l'élan physique de la jeunesse.
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Le grand désert, ses zones vivrières, pastorales, pétrolières, frontalières.La guerre, le viol des vivants et des morts, un crime passionnel, l'inceste, la faim.Un bordel de femmes pour les soldats, un bordel de garçons pour les ouvriers : quelques heures d'une exaltation sexuelle sans précédent, sans limites.Éden, Éden, Éden dérange dès ses premières pages, le lecteur s'y perd, puis s'imprègne de cette atmosphère «foutrement» scandaleuse, vécue comme une hallucination.Longtemps placé sous censure, ce livre devenu un classique laisse entendre, par-delà une mise en scène éclatante de la «monstruosité», un chant indestructible : le rire de l'innocent que l'on souille et qui ne le sait pas.On trouvera en fin de volume les préfaces de Michel Leiris, Roland Barthes et Philippe Sollers à l'édition de 1970.
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Tombeau pour cinq cent mille soldats - sept chants
Pierre Guyotat
- Gallimard
- L'imaginaire
- 24 Avril 1980
- 9782070207220
«En ce temps-là, la guerre couvrait Ecbatane. Beaucoup d'esclaves s'échappaient, s'accrochaient aux vainqueurs mais quand ceux-ci voulaient les faire parler sur la résistance des occupés, les esclaves refusaient de livrer le nom de leurs anciens maîtres, ils retombaient alors dans une plus grande servitude. Ecbatane était encore la plus vaste capitale de l'Occident : elle avait été bâtie sur quinze kilomètres de côtes. Chaque jour, les plages en contrebas du boulevard du front de mer se couvraient de cadavres de jeunes résistants débarqués la nuit et fusillés par les sentinelles de mer. Les vainqueurs avaient vaincu sans peine : ils avaient pris une ville qui se débarrassait de ses dieux.»
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« Jadis, enfant, lorsque l'Été résonne et sent et palpite de partout, mon corps en même temps que mon moi commence de s'y circonscrire et donc de le former : le "bonheur" de vivre, d'éprouver, de prévoir déjà, le démembre, tout de ce corps éclate, les neurones vont vers ce qui les sollicite, les zones de sensation se détachent presque en blocs qui se posent aux quatre coins du paysage, aux quatre coins de la Création.
Ou bien, c'est la fusion avec le monde, ma disparition dans tout ce qui me touche, que je vois, et dans tout ce que je ne vois pas encore. Sans doute ne puis-je alors supporter de n'être qu'un seul moi devant tous ces autres moi et d'être immobile dans cet espace où l'on saute, s'élance, s'envole...
Récit lumineux d'une crise artistique et spirituelle et de ses prémices dans l'enfance du narrateur, Coma nous entraîne jusqu'aux confins de l'au-delà et nous fait entrevoir une nouvelle naissance. La confiance dans le monde, fondement de l'acte poétique et de l'acte de vivre, enchante ce récit initiatique, qui éclaire l'oeuvre faite et à venir de Pierre Guyotat.
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«Ce récit raconte la formation sensorielle, affective, intellectuelle et métaphysique d'un enfant né au tout début de la Deuxième Guerre mondiale, en France, dans un village du Sud-Est, dans une famille ancienne, catholique, et sans fortune. Je l'ai écrit comme la plupart de mes textes, à l'indicatif présent : à très peu près. Les sentiments, les interrogations, les pensées sont d'un enfant - qui ne cesse de questionner ses aînés - puis d'un adolescent - qui, à quatorze ans, décide d'écrire -, les idées, les convictions, les tourments qui s'y manifestent sont ceux de son entourage, de son temps, dans ses lieux.» Pierre Guyotat.
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I (9 à 29) «Alger. Une rue. Au 16 ter, bordel mâle. Dehors:Ali, prostitué du tenancier Paulo Martinez, pressé par une bande de jeunes clients, commente ce qui se fait à l'intérieur et qu'on devine à travers la vitre du bordel; et identifie chacun des trois autres prostitués mâles:la «blonde», la «velue», Rabia (pages 9 à 16, ligne 22). Sortie et accouplement-causette, sur le trottoir et dans la rue, de la blonde avec son client le maçon blond (pages 16 à 18, ligne 18). La blonde passe le maçon à la velue, rentre au bordel. Une nouvelle bande écarte le maçon et presse la velue. La bande réclame la blonde (pages 18 à 25, ligne 5). La velue rentre pour convaincre la blonde, en état d'accouplement avec un nègre, de sortir. La blonde veut, en veut. Paulo, qui tient à la qualification de son favori dont il ferait bien son sous-maître, puis son héritier, refuse. Rébellion de la blonde. Appel du proxénète à la reconnaissance du prostitué. Rabia, le fellateur (pages 25 à 29, ligne 30). II (29 à 45) Comment à moi enfant, adolescent, la langue à écrire m'est venue. Le collège, les condisciples:Drevet, Farlay. La Bible, l'Antiquité, les Invasions barbares, le Japon légendaire, la Seconde Guerre mondiale, je m'y incarne en esclave, en prostitué, en martyr, dont la seule défense est le don poétique. L'État, la Religion, la Loi (Édit de Constantin) ne peuvent rien contre l'inextricable:l'enfant poète n'aura de génie que pour faire entendre ce qui du Monde lui fait le plus horreur et honte.» (Extrait du résumé)
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Depuis une fenêtre : joyeux animaux de la misère III
Pierre Guyotat
- Gallimard
- Hors Serie Litterature
- 7 Avril 2022
- 9782070197606
Nous voilà dégrisés. Non, Rosario n'est pas mort et ressuscité comme le laissait entendre la fin de Joyeux animaux de la misère II : l'étranglement n'est pas allé à son terme et la vie continue.
Rosario est-il tenté d'abandonner sa défroque de putain ? Toujours est-il qu'il semble bien décidé à fuguer, moto enfourchée entre le fils devant et le père derrière, vers ce monde des humains qui l'attire.
Et ce que Pierre Guyotat nous a laissé du troisième volume, inachevé, de Joyeux animaux de la misère (cinq fragments posthumes) se continue avec ce qu'on voit « depuis une fenêtre » des environs du bordel et que décrit un putain à son maître, tandis qu'il se laisse aller au souvenir de son affranchissement.
Ce bordel est un théâtre qui ne fait jamais relâche.
Premier inédit de l'auteur à paraître depuis sa mort le 7 février 2020, Depuis une fenêtre offre l'occasion de redécouvrir l'ampleur des mondes fictionnels et l'intensité poétique de Pierre Guyotat.
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«Outre le plaisir d'y avoir inventé des fictions qui inventaient leur langue, ce qui a rendu supportable la période 1972-1983, dont les textes de Vivre rendent compte ici, c'est la politique et la sexualité. On constatera ici quelle place ces deux activités, souvent contradictoires, occupent dans ma vie d'alors, activités structurantes cependant que la pensée omniprésente de l'origine matérielle de l'homme, et de sa transformation passée et à venir, la pensée d'une puissance et d'une impuissanec divines, qui sont au coeur de la fiction ininterrompue que je compose, autrefois et maintenant, secouent l'être, le dé-soclent - condition majeure de la création artistique.»Pierre Guyotat.
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Ecrit en 1963 par un tout jeune homme qui revient humilié et fortifié de la guerre d'algérie, ashby est un livre profond et prémonitoire de l'oeuvre future (des pages de tombeau pour cinq cent mille soldats sont déjà écrites cette même année).
L'action se déroule principalement dans le château d'ashby (d'un nom, " léonie aubois d'ashby ", dans les illuminations- réminiscence du château d'ivanhoé dans le centre de l'angleterre), placé ici dans les vallonnements du northumberland, au sud de l'ecosse. les protagonistes centraux, drusilla et angus, enfants complices pour le meilleur et pour le pire puis séparés, se retrouvent pour s'épouser et vivre, au château d'anges (devenu lord ashby) - et ailleurs en europe et hors d'europe -, un libertinage qui les entraîne vers la mort, lui après elle.
Le cadre et le " personnel " romanesques encore traditionnels ne doivent pas tromper : c'est bien, déjà, de l'eros, de son envoûtement et de sa précipitation destructrice, mortelle, qu'il est question ici : de l'impuissance humaine à y résister sauf à s'y abandonner jusqu'à l'anéantissement. la critique d'alors loue l'écriture et le rythme de ce récit, en même temps qu'elle évoque freud et sade, que l'auteur n'a pas lus et ne connaît que de réputation.
Quelques-uns des personnages d'ashby apparaissent d'abord dans sur un cheval, écrit à vingt ans, trois années auparavant : récit, à plusieurs voix, du passage de l'adolescence à la jeunesse d'un orphelin de mère, et d'un amour contrarié, ce texte vivace, rageur, sensuel et rigoureux, témoigne aussi d'une époque, celle du tout début de la nouvelle vague à paris.
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Une mégapole intercontinentale et multiclimatique constituée de sept mégapoles dont l'une au moins est en guerre. Vaisseaux spatiaux, drones occupent l'espace céleste. En bas, animaux, monstres, fous de dieu.
En bordure d'un district chaud de l'une de ces sept mégapoles, de climat chaud, ´r proximité de grands ports et de grands chantiers, et dans un reste d'immeuble (rez-de-chaussée, escalier, deux étages), un bordel mené par un maître jeune qui l'a hérité de son pcre, et qui se pique.
Trois putains y traitent un tout-venant de travailleurs époux souvent trompés, pcres prolifiques , de fugitifs, d'échappés d'asiles, de meurtriers : deux mâles, un pcre, son fils, Rosario, une femelle en chambre ´r l'étage et qui ne sort jamais un chien la garde. Les deux mâles sont renforcés, en cas d'affluence, d'un appoint, époux abandonné avec enfants ; la femelle est le but sexuel mais il faut passer par l'un des mâles, le tarif comprend les deux prises.
Vie domestique ordinaire dedans, et au dehors immédiat : toilette, ´r l'étage, des putains, leur exposition, en bas, ´r l'entrée contre le mur (la montre), prises disputées, conflit pcre / fils, saillies de putains ´r putains d'autres bordels pour renouvellement des cheptels.
Aventures extérieures, surtout pour Rosario dont la mcre survit dans un battage mi-urbain mi-rustique, climat humide, trcs lointain dans la mégapole. Il la visite ´r intervalles réguliers : le trajet d'aller, en camionnette ou fourgon locaux d'abord puis en bahut intercontinental, dure plus d'une journée, de nuit ´r nuit, la visite, quelques heures ´r l'aube, ou, entre autres, la mcre reprise le mowey, court vetement, toujours redécousu, du fils.
La fiction avance sous forme de comédie, crue et enjouée, de dialogues, de jactances, de direct sur l'action en cours.
J'ai écrit ce texte, de langue aisée, d'une seule traite et toutes affaires cessantes, comme exercice de détente dans le cours de la rédaction d'une uvre plus longue, Géhenne, ´r paraître prochainement : son emportement, son allégresse se ressentent, je l'espcre, de cette exclusive heureuse. Le monde qui s'y fait jour n'est ni ´r désirer ni ´r rejeter : il existe aussi, en morceaux séparés par la distance, dans l'humanité actuelle ; et je ne suis ni le premier ni le dernier ´r vouloir et savoir tirer connaissance, beauté et bonté de ce qui peut nous paraître le plus sordide, voire le plus révoltant, ´r nous tels que nous sommes faits.
Pierre Guyotat.
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Le présent ouvrage comporte les articles et les entretiens de Pierre Guyotat de 1983 à nos jours. On y rencontrera aussi bien des écrits sur le théâtre, des confidences autobiographiques, des réflexions sur l'écriture dans son devenir le plus primitif, que des récits de promenade à vélo. Un florilège saisissant pour les lecteurs de Guyotat comme pour tout curieux qu'intriguerait le parcours singulier d'un écrivain qui, s'il fit scandale, ne cessa de bâtir son oeuvre avec une cohérence et une sincérité hors normes.
Pierre Guyotat est né en 1940 dans un petit village de la Loire ; il attend ses 19 ans pour lui faire les infidélités d'une vie faite de petits boulots dans la capitale. Autodidacte, il se met à écrire très jeune, encouragé par René Char dès ses 16 ans. Son premier roman, Sur le cheval, paraît en 1961 (publié par Jean Cayrol au Seuil).
Profondément marqué par son expérience de soldat pendant la guerre d'Algérie, il publie en 1964 Ashby (le Seuil), puis le Tombeau pour cinq cent mille soldats en 1967 (Gallimard) ; tous deux provoquent un scandale médiatique. Mais c'est avec Eden, Eden, Eden (préfacé par ses amis d'alors, Michel Leiris, Roland Barthes et Philippe Sollers) que la publication en 1970, chez Gallimard, est la plus mouvementée, allant jusqu'à la censure. Pierre Guyotat n'en poursuit pas moins avec férocité son entreprise de transformation de la langue, d'abord perceptible dans Prostitution (1975, Gallimard) et écrit de plus en plus régulièrement pour le théâtre, collaborant avec des metteurs en scène comme Antoine Vitez. Après une période trouble et ouateuse, qui le mènera jusqu'au Coma, titre d'un récit autobiographique paru en 2006, Pierre Guyotat se replonge dans son histoire et celle de sa famille, dont plusieurs membres furent engagés dans la Résistance française, donnant jour à la série Formation, Arrière-fond et Idiotie, publiée chez Gallimard de 2007 à 2018. Le récit fébrile et sensuel de ses jeunes années, Idiotie, a été couronné en 2018 par le prix Médicis, le prix de la langue française et le prix spécial du jury Femina.
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Humains par hasard ; entretiens avec Donatien Grau
Pierre Guyotat
- Gallimard
- Arcades
- 20 Octobre 2016
- 9782070715480
« La question peut donc se poser de la méthode pertinente pour se confronter à une oeuvre qui est un univers à elle seule, en croissance perpétuelle ; une personne qui, comme l'océan de Victor Hugo surgissant dans la préface à l'édition japonaise de Tombeau pour cinq cent mille soldats, intègre tout à son champ de songe. Pierre Guyotat, dans les nombreux entretiens qu'il a donnés depuis près de cinquante années, a précisé ses positions. Plus récemment, en 2000, à l'occasion de la sortie de Progénitures, il a livré, dans un livre réalisé avec Marianne Alphant, Explications, des clefs pour son monde. Il convient désormais, quinze ans plus tard, de compléter cette entreprise en donnant à voir le regard de Pierre Guyotat, en donnant à lire sa voix nue. En [...] montrant ce à quoi pense l'auteur quand il crée. »C'est ainsi que Donatien Grau, dans sa préface au présent ouvrage, précise les contours de la démarche commune de l'auteur et de l'universitaire. Le livre d'entretiens qui en résulte permet au lecteur de pénétrer la pensée de Pierre Guyotat sur des sujets aussi variés que le rapport de la poésie au monde, la guerre d'Algérie, l'ascèse, le communisme, le don. Guidé par les questions pertinentes de son interlocuteur, parfait connaisseur de l'oeuvre, Pierre Guyotat nous parle de son enfance, de sa découverte de la sexualité, de ses luttes politiques et de sa vie d'aujourd'hui. Ses commentaires sur l'Histoire de France, sur la société contemporaine comme sur la civilisation occidentale sont tout aussi éclairants que les révélations sur sa manière d'écrire et de travailler.Un livre indispensable pour tout lecteur de Pierre Guyotat.
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Par la main dans les enfers ; joyeux animaux de la misère II
Pierre Guyotat
- Gallimard
- 20 Octobre 2016
- 9782070784479
Une mégalopole à la jonction de trois continents, d'océans, de cordillères ; mégapoles, bras de mer, fleuves, massifs, pics, glaciers, terres riveraines sous montée des eaux ; enchevêtrements de voies au sol et suspendues ; tours de verre, temples, ports, théâtres sur l'eau, habitats de pilotis, décharges-montagnes ; rats, chiens, rapaces diurnes et nocturnes, singes, serpents, fauves.Guerres, asservissements, peu de zones libres, très peu d'humanité paisible.En bordure d'un district de l'une des cités-mégapoles qui constituent la mégalopole, et devant une zone de chantiers portuaires, dans un ancien bar avec habitation à l'étage, un bordel. Un maître, fils de l'ancien tenancier, y possède trois putains : une petite femelle, muette, étendue à l'étage, deux mâles - celui, sans nom, qu'il a hérité de son père et l'un des très nombreux « petits » de ce mâle, épars dans les mégapoles : nommé, lui, Rosario.Ni « clients », ni « prostitué(e)s », figures et termes d'une sociologie et d'un érotisme désuets; mais « ouvriers », « tâcherons » - presque tous bons époux et bons pères - et « putains » ou « mâles » et « femelles ; humains et non - humains. La première partie de Joyeux animaux de la misère s'achevait provisoirement sur la copulation de Rosario avec sa génitrice en activité dans un bordel d'un lointain massif minier : une progéniture en est attendue.Cette seconde partie, Par la main dans les Enfers, met en scène, en voix, entre autre, la castration, dans une rixe, du géniteur de Rosario puis le transport « sanitaire » du castrateur, pauvre ouvrier tueur de rats la nuit, aveuglé par ses rats en rage, vers des « Urgences » d'accès difficile, à travers stupre, massacre et beauté.P. G.
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Progénitures, écrit de 1991 à 1996 et corrigé de 1997 à 1999, comporte trois parties. On trouvera ici les deux premières. La troisième, encore en transformation, sera prochainement publiée en volume séparé. Avec Progénitures, il s'agit d'une somme, d'une grande fiction, domestique, épique, métaphysique, sous forme de dialogues incessants, très rythmés, de nature comique ou terrible, comme on voudra. Ce premier volume comporte également l'enregistrement, sur CD audio, d'une lecture par l'auteur des premières pages de l'ouvrage. Cet enregistrement réalisé par France-Culture a eu lieu le 5 janvier 2000 dans le cadre des «Revues parlées» du Centre Georges-Pompidou. Au-delà de ce CD, une notice en fin de volume vient éclairer le lecteur sur la manière de lire l'ouvrage telle que la conçoit l'auteur, tandis qu'un petit glossaire explicite certains vocables aussi imagés que déroutants.
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Les plus « inspirés » parmi nos « auteurs », les plus « maudits », les plus indécents n'ont jamais dédaigné d'expliquer leurs écrits, avec les moyens théoriques et techniques dont ils disposaient en leur temps et ceci, pour la seule raison que ces écrits étaient «menacés» et ne jouissaient pas de la protection de « critiques » amoureux de la « visionnarité » innocente et du « neutralisme » idéologique, écrit Pierre Guyotat. Ce livre, voué à la défense et illustration de Tombeau pour cinq cent mille soldats et de Éden, Éden, Éden contient notamment des entretiens avec Roger Borderie, Thérèse Réveillé, Catherine Backès-Clément, Aimé Guedj, Guy Scarpetta, Jacques Henri - qui permettent à l'auteur de s'expliquer pleinement.
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De 2001 à 2004, Pierre Guyotat a donné à l'université Paris-VIII Saint-Denis, dans le cadre de l'Institut d'Études Européennes, devant un auditoire composé de jeunes étudiants en grande partie étrangers, un cours d'"Histoire de la langue française par les textes", qui est ici retranscrit dans sa quasi-intégralité.
Lectures commentées, éléments d'une pensée de la langue et de l'Histoire, récits de la vie intérieure, sociale, politique, des grands auteurs et de la scolarité de Pierre Guyotat, dans la continuité de ses derniers livres, Formation et Arrière fond, permettent de renouveler l'idée que l'on se faisait des grands textes classiques et, en offrant une vue unique de la relation que l'auteur d'Éden, Éden, Éden entretient avec eux, de remonter aux sources d'une oeuvre, la sienne, qui ne cesse de s'inventer.
L'ensemble forme une anthologie à la fois intime et universelle : parcours de savoir et d'imagination dans l'Histoire de la France et de l'Europe, et au-delà - le Nouveau Monde, l'Empire ottoman, la Chine... Du Serment de Strasbourg à Paul Claudel, de Rutebeuf à Buffon, de Montaigne à Tocqueville, de la science à la peinture, à la musique, à l'architecture et aux lois, d'Ézéchiel à l'Henry V de Shakespeare, c'est toute une tradition occidentale qui est ici exposée librement et liée à l'actualité immédiate, par un des créateurs les plus puissants du dernier demi-siècle.
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«Mon grand dessein dont les prémisses sont repérables dans la plupart de mes écrits antérieurs, le voici. Sous l'impulsion de la plus grande quantité possible de corps, de lots de corps esclaves déportés d'un bout à l'autre des terres connues et du Temps, réanimer la plus grande quantité possible d'Éléments, de peuples, de faune, de flore, d'intempéries, de transports, de monnaie, d'habitats, de voiries, de nourritures, de médecines, de vêtements, d'ustensiles, de parures, de philtres, d'outils, d'instruments de guerre, d'asservissement et de musique, de sépultures, de métiers, de fonctions, de hiérarchies profanes, sacrées, de lois, de divertissements, de supplices, de lexiques, d'arts, de sciences, de liturgies et d'incarnations du divin, le tout même le plus pur - de l'étoile filante à l'étoile de mer, de la bouillie du nourrisson à la salive du Christ, du décret d'affranchissement aux Tables de la Loi, des feuillets de Kepler aux tablettes d'Antigone -, ce tout, infecté désespérément dans la Grande Pandémie Prostitutionnelle.» Pierre Guyotat.
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Tombeau pour cinq cent mille soldats (1967), Eden, Eden, Eden (1970), Prostitution (1975), Le Livre (1984), Bivouac (Festival d'Automne 1987), Progénitures (2000), qui, au moment où Pierre Guyotat composait ce livre, venait de paraître : un monde sans équivalent, et une langue à chaque fois plus profondément reconstruite, plus rythmée. Comment un tel monde est-il né ? Comment ses représentations se sont-elles imposées ? Quelles significations faut-il leur donner ? Et comment la langue la mieux faite pour dire ce monde et le chanter, celle de Progénitures, s'est-elle, livre après livre, composée ? Enfance, formation, références, Histoire, engagements, création, l'écriture revendiquée comme art et comme métaphysique... Dans des entretiens avec Marianne Alphant, dont il a tiré ces Explications, Pierre Guyotat revenait, de façon approfondie et toujours familière, sur ce qui a constitué son être, dans un livre qui, avant Coma et Formation, ouvrait une dimension autobiographique au coeur même de son oeuvre. Ce livre, publié pour la première fois en mars 2000, était le premier des Editions Léo Scheer, alors tout juste créées. Il reparaît aujourd'hui sous une nouvelle couverture à l'occasion de leurs dix ans d'existence.
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CARNETS DE BORD
VOLUME 1 (1962 - 1969)
Édition établie, annotée et préfacée par Valérian Lallement
L'oeuvre maintenant reconnue, étudiée, admirée de Pierre Guyotat n dissimule une autre, secrète quoique de dimension considérable (ce volume est le premier d'une série) et d'une importance littéraire qu'on ne tardera pas à mesurer. Cette oeuvre « parallèle » tient du journal (brèves évocations de vie ; voyages, politique, arts, ethnographie), du carnet de croquis (notations de corps, projets, indications, didascalies), du carnet de travail enfin (brouillons, séquences et fragments d'où naîtront les livres).
L'oeuvre, dans sa scandaleuse nouveauté, est ici mise à nu. Parce que c'est dans ces Carnets de bord qu'il est possible d'approcher la création au plus près, de comprendre comment cette représentation immense, brassant Histoire et histoires, s'est imposée à l'auteur lui - même ; de comprendre surtout comment s'est imposée à cette représentation une langue jusque - là « inouïe ». C'est l'intimité même de l'oeuvre qu'on est peu à peu amené à découvrir. C'est aussi la solitude nécessaire de son auteur, traversée par le doute, mais le plus souvent animée d'une détermination peu commune.
Ce premier volume couvre les années 1962 - 1969 : notes de prison du printemps 1962 en Algérie ; douloureux retour de guerre, journalisme, voyages (Grèce, Sahara, Cuba) ; avant - garde, engagement politique, sexualités ; ébauches, écriture des deux premières oeuvres majeures : Tombeau pour cinq cent mille soldats et Éden, Éden, Éden ; combat pour leur publication et leur défense.
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Suite à Formation (2007) qui n'est pas du " souvenir d'enfance " comme on l'a quelquefois écrit, mais le récit de formation d'un enfant qui pense pouvoir consacrer sa vie à la création, j'ai voulu concentrer mes forces de mémoire, d'empathie et de poésie sur la quinzième année de mon âge. On trouvera ici, entre autres faits - Dieu Créateur, Dieu Rédempteur, Vierges, conflit au père, amitié de la mère dans les prémices de sa disparition trois ans plus tard, Cosmos, Histoire, filles, femmes, garçons, filles encore, Nature, animaux, ruines de guerre, cirque, et surtout, avec la Poésie, le sexe de femme -, l'histoire, la description, l'explication d'une pratique, la " branlée-avec-texte " qui, depuis l'esquisse de sa description en 1972 dans " Langage du corps " (in Vivre) où je la signale comme déjà révolue, a suscité et suscite toujours des interprétations erronées, des déformations, voire des racontars réducteurs, quand ce qui l'animait alors se situait bien au-dessus et bien en dessous de ce qu'on croit. Plutôt que de reprendre le courant chronologique de Formation, j'ai procédé ici par journées souvent longues et suivies de leurs nuits, comprises entre la fin de Juin et la fin d'août de l'année 1955.
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Déambulation de l'écrivain dans les rues parisiennes, à la rencontre des passants et à l'écoute de la rumeur de la ville et des récits de vie d'inconnus.