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compagnon antoine
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La seconde main ou le travail de la citation
Antoine Compagnon
- Points
- Points Essais
- 2 Juin 2016
- 9782757858592
« Le premier objet de ce livre est la citation [...] ; le second, le travail de la citation, l'appropriation ou la reprise, c'est-à-dire le produit de la force qui saisit la citation par le déplacement qu'elle lui fait subir ; le tout est l'écriture elle-même, ce coup de force, ou le livre, ce déplacement, les livres qui filent la citation et se la refilent comme au jeu du furet, la série des livres, la patristique par exemple, qui s'engendrent par l'entreglose. «Nous ne faisons que nous entregloser», écrivait Montaigne, et il en prenait acte. Toute écriture est glose et entreglose, toute énonciation répète. Telle est la prémisse de ce livre, qu'il met à l'épreuve de la citation, la forme simple de la répétition, l'amorce du livre. »
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Marcel Proust a trente ans en 1901. Il meurt en 1922. C'est dire qu'il a plus vécu au XIXe qu'au XXe siècle. Son oeuvre puise ses affinités esthétiques dans le siècle de Baudelaire, de Wagner et de Ruskin, mais lui échappe cependant. Comme elle échappe au XXe siècle. Sans doute ce partage n'a-t-il pas de sens en soi ; mais toute grande oeuvre manque d'aplomb : les oeuvres assurées passent de mode, celles qui deviennent classiques sont ambiguës. C'est parce que la Recherche du temps perdu est irréductible aux deux siècles, qu'elle continue de fasciner.Ce livre essaie de comprendre la puissance paradoxale du roman de Proust en le confrontant à quelques lieux communs fin de siècle : le débat entre les conceptions organique ou fragmentaire de l'oeuvre d'art, la sexualité décadente, la science psychiatrique ou étymologique, l'idée de progrès en art, la naissance du mythe de l'avant-garde, etc. Comment Proust les a-t-il côtoyés et de quelle façon les a-t-il transformés ? Par quels retours à d'autres siècles aussi ?Deux ombres ne quittent jamais Proust : Racine et Baudelaire, dont les destins critiques se croisent étrangement avant 1900. On découvre alors la violence chez le dramaturge et le classicisme chez le poète maudit. Ils deviennent frères, et Proust entre deux siècles, c'est aussi Proust entre ces deux poètes.Antoine CompagnonProfesseur au Collège de France et à Columbia University, New York. A établi l'édition de Sodome et Gomorrhe dans la « Pléiade » (Gallimard, 1988).
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Déshonorer le contrat : Roland Barthes et la commande
Antoine Compagnon
- Gallimard
- Bibliothèque Des Idées
- 3 Avril 2025
- 9782073085412
Roland Barthes n'avait écrit qu'un seul texte «pour rien», le premier, disait-il. Tous les autres auraient été écrits sur demande ou commande. Parmi ses contemporains, Claude Lévi-Strauss dédaignait les sollicitations pour aller son chemin, tandis que Georges Duby répondait avec bonheur aux invitations des éditeurs et de la télévision. Barthes se trouvait à mi-chemin. Les commandes lui étaient à la fois une souffrance et un bienfait, une injonction et une incitation. Et il s'est toujours débrouillé pour les détourner, pour déshonorer les contrats. De ses contributions aux clubs de livres des années 1950 à son dernier ouvrage, La Chambre claire, pour les Cahiers du cinéma, en passant par son autoportrait déviant des «Écrivains de toujours», il a su mesurer à chaque fois jusqu'où il pouvait aller trop loin, exploser la commande sans s'exposer à un refus. Son cas révèle l'essence de la littérature : donner à l'éditeur, puis aux lecteurs, non pas ce qu'ils demandent, mais ce qu'ils désirent sans le savoir. A. C.
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Pourquoi Colette ? Un grand écrivain, c'est aussi un écrivain qui crée des mythes, qui renouvelle notre mythologie. « Créer un poncif, c'est le génie », disait Baudelaire. Colette a créé quatre mythes : Claudine; Sido, Gigi, et Colette, elle-même, grand écrivain national, monstre sacré. Admirée par Simone de Beauvoir, pionnière de la transgression et de la provocation, elle fait souffler dans ses romans ce vent de liberté qui nous manque tant aujourd'hui. Antoine Compagnon décline toutes les facettes de Colette, des plus connues ou plus secrètes. De Claudine, sa première héroïne, dont son mari, Willy, s'appropria la paternité, signant de son propre nom les textes de son épouse et récoltant le succès et l'argent à sa place. Sido, inspirée par sa propre mère, sans doute sa plus belle invention romanesque. En passant par Gigi, son double littéraire charmante, légère, heureuse en amour et en mariage - à l'opposé de sa créatrice qui fuira « l'homme, souvent méchant » et trouvera refuge auprès des femmes. De sa Bourgogne natale à la présidence de l'académie Goncourt - elle qui n'avait aucun diplôme -, Colette ne fut jamais là où on l'attendait et emmena la littérature là où personne d'autre n'avait osé aller. Plus accessible que Proust, plus moderne que Gide, Claudel ou Valéry, Colette réussit la prouesse d'être à la fois lue dans les écoles et d'avoir conçu une oeuvre toujours aussi sulfureuse. Lire Colette aujourd'hui, c'est embrasser le XXe siècle dans toute son extravagance, grâce à un style qui n'a pas pris une ride.
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Le blé en herbe et autres écrits
Colette, Antoine Compagnon
- Gallimard
- Bibliotheque De La Pleiade
- 23 Février 2023
- 9782073015785
Claudine à l'école est le grand succès de mars 1900. Le livre est signé Willy. On sait généralement qu'il s'agit du pseudonyme d'Henry Gauthier-Villars, qui l'utilise pour signer les productions de l'atelier qui lui écrit ses ouvrages. Cette fois, pourtant, le texte sort du lot. Il ne ressemble à rien de connu, la langue est nouvelle, le ton insolent, le propos scandaleux. C'est qu'il n'est pas de la plume d'un des scribes habituels de Willy : il est de sa jeune femme, Sidonie-Gabrielle, née Colette. Colette : il faudra attendre 1923 et Le Blé en herbe pour que ce nom apparaisse seul sur la couverture d'un livre. Avant cela, il y aura eu d'autres «Willy», des «Colette Willy» et même des «Colette (Colette Willy)». Mais on a vite compris. Catulle Mendès écrit à Colette : «vous avez créé un type». Claudine en effet est un type, et elle deviendra un mythe. Colette en créera d'autres : celui de Sido, sa mère, «le personnage principal de toute [s]a vie» ; celui de Gigi, jeune fille élevée pour devenir une femme entretenue et qui échappe à ce destin ; et celui de Colette elle-même, qui se construit au fil de plusieurs vies - elle fut danseuse, mime, actrice, journaliste, directrice d'un institut de beauté, publicitaire... comme si la littérature ne pouvait suffire à lui assurer l'indépendance et la liberté qui sont, avec l'aptitude au plaisir, ses valeurs les plus hautes. Des tenues succinctes portées sur la scène du Moulin Rouge à la croix de grand-officier de la Légion d'honneur reçue en 1953, la ligne droite n'est pas le chemin le plus court. Mais l'oeuvre de Colette s'est nourrie de ce sinueux parcours. Colette appelle «littérature» tout ce qu'elle n'ai me pas : l'emphase, la «ciselure» et les idées générales, qui lui vont aussi mal, dit-elle, que les chapeaux empanachés. L'année du Blé en herbe, elle déclare à Simenon : «Supprimez toute la littérature, et ça ira.» «C'est le conseil qui m'a le plus servi dans ma vie», dira le romancier. C'est aussi ce qui préserve l'oeuvre de Colette du vieillissement. L'ouverture de Chéri, en 1920, a époustouflé les lecteurs. Cent ans plus tard, on l'admire toujours. Mais le style ne serait rien s'il n'était au service d'un regard d'une extraordinaire sensibilité. Colette, nous dit Antoine Compagnon, rend présents «le monde de l'enfance, l'étoffe de la sensation, l'émotion de la mémoire». On la crédite aussi d'avoir été «la première femme qui ait vraiment écrit en femme» (A. Maurois), la première à explorer ainsi les amours adolescentes (Le Blé en herbe), à entretenir une réelle connivence avec la nature et «les bêtes», à poser ce qu'on appellera la question du «genre» (dans Le Pur et l'Impur, en 1941), etc. Mais ce sont ces trois domaines - l'enfance, la sensation, la mémoire - qu'il faut retenir si l'on veut lui rendre justice. Elle les partage avec Proust, dont elle admira
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Oeuvres complètes Tome 1
Charles Baudelaire
- Gallimard
- Bibliothèque De La Pléiade
- 16 Mai 2024
- 9782072927065
En 1931, c'est avec les oeuvres de Baudelaire - choix alors peu conformiste - que Jacques Schiffrin inaugure la Bibliothèque de la Pléiade. Édition après édition, la collection ne cessera d'accompagner le poète et de contribuer à l'évolution du regard porté sur son oeuvre. Les volumes qui paraissent aujourd'hui constituent à cet égard un tournant décisif. On dit de Baudelaire qu'il est, pour la poésie en vers, l'homme d'un recueil unique. Il serait au moins aussi significatif de souligner que Les Fleurs du Mal sont l'oeuvre d'une vie, prépubliée à partir de 1845, publiée et condamnée en 1857, reprise et augmentée en 1861, prolongée jusqu'à la fin, ou presque. Or l'édition de 1857, qui n'est pas le fruit des circonstances, mais celui de la volonté de Baudelaire, n'est pas accessible à un large public. Dans le même ordre d'idées, on néglige de rééditer pour lui-même le recueil des Épaves de 1866, préférant l'annexer aux Fleurs du Mal de 1861 au motif qu'il procure les six pièces condamnées. La présentation habituelle du Spleen de Paris ne se distingue en rien de celle des livres publiés par Baudelaire, bien que ce recueil de cinquante «Petits poèmes en prose» n'ait jamais paru de son vivant et pose plusieurs des problèmes inhérents aux ouvrages posthumes. Bien des textes moins célèbres sont fréquemment regroupés au sein de recueils factices qui les coupent du contexte de leur rédaction. Les nouvelles Oeuvres complètes de Baudelaire rompent avec ces usages. Pour la première fois, l'oeuvre n'est plus partagée entre poésie et critique. Le sommaire est désormais chronologique. Des Fleurs du Mal on propose les deux éditions, 1857 et 1861, dans leur intégralité. Elles sont précédées de toutes les prépublications de poèmes dans la presse, parfois réunies par Baudelaire en de petits recueils transitoires, tel Les Limbes en 1851. Les Épaves retrouvent leur autonomie et leur date. L'édition du Spleen de Paris ne dissimule plus la diversité des origines des poèmes en prose qui s'y trouvent rassemblés et fait entrer le lecteur dans l'atelier du poète : quand deux versions sensiblement différentes existent pour un même texte, toutes deux sont publiées. À leurs dates respectives, les différents Salons dialoguent avec les autres écrits. Les poèmes envoyés à Théophile Gautier dans l'espoir (en partie déçu) qu'il les publie en revue retrouvent leurs liasses originelles. Les féroces manuscrits «belges», enfin, font l'objet d'un nouvel établissement du texte et d'une présentation plus conforme à leur matérialité. L'oeuvre, en somme - «l'oeuvre qui a déterminé les voies de la poésie future»
(A. Compagnon) -, s'écrit et se déploie sous les yeux du lecteur. -
Après Montaigne, Antoine Compagnon nous invite à passer un été avec Pascal. Un siècle de différence entre les deux hommes qui sont tous les deux fondateurs de notre modernité, c'est-à-dire de la liberté d'esprit. Pascal (XVIIe siècle) comme Montaigne (XVIe siècle) traite de l'homme, de la société, de l'univers, du pouvoir, de la foi, de l'angoisse, de la mort, du jeu : le tout et le rien. Nous connaissons tous les sentences célèbres de Pascal : "Le silence éternel de ces espaces infinis m'effraie", "Qui veut faire l'ange fait la bête", "Le coeur a ses raisons que la raison ne connaît point".
Antoine Compagnon évoque à la fois la vie du génie Pascal (auteur du traité des Coniques), tout en allant chercher la signification de ses pensées elliptiques. Avec cette tournure d'esprit combinatoire, Pascal explore tous les possibles de la réflexion. En quarante et un chapitres (dont six inédits) il s'intéresse aussi bien à la question de la violence et de la vérité, de la tyrannie, à l'esprit de finesse, au divertissement et au juste milieu.
Antoine Compagnon nous fait découvrir l'écrivain du miracle et de la grâce dont la pensée permet de mieux nous connaitre.
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Un été avec Baudelaire
Antoine Compagnon
- Éditions des Équateurs
- Un Ete Avec
- 21 Mai 2015
- 9782849903988
Marcel Proust se répétait Chant d'automne de Baudelaire :
« J'aime de vos longs yeux la lumière verdâtre/ Douce beauté, mais tout aujourd'hui m'est amer / Et rien, ni votre amour, ni le boudoir, ni l'âtre / Ne me vaut le soleil rayonnant sur la mer ».
Peut-être aucun poète ne nous t-il a laissé autant d'images durables et de vers mémorables. Il fut le poète du crépuscule, de l'ombre, du regret, de l'automne. Mais il est l'homme de tous les paradoxes. Il y a d'ailleurs chez lui une perpétuelle nostalgie du soleil sur la mer, du soleil de midi en été : «Adieu, vive clarté de nos étés trop courts ».
L'été pour Baudelaire fut celui de l'enfance. Un été à jamais révolu. Et sa poésie est aussi la recherche de ce paradis perdu. Moderne et antimoderne, Baudelaire est d'une certaine manière notre contemporain. Aucun poète n'a mieux parlé des femmes - des femmes et de l'amour - que Baudelaire dans quelques poèmes sublimes comme La Chevelure ou L'invitation au voyage.
Ce fut un homme blessé, un cruel bretteur, un fou génial, un agitateur d'insomnies.
Baudelaire aura été l'un des plus lucides observateurs de la désacralisation de l'art dans le monde moderne, lui qui admirait tant la peinture de Delacroix et de Manet. Dandy et proche des chiffonniers, anarchiste de gauche puis de droite, il fut l'homme de tous les paradoxes et originalités.
En 30 chapitres qui sont autant de diamants noirs, Antoine Compagnon aborde le réalisme et le classicisme de Baudelaire, le rôle de Paris et de Honfleur, de la ville et de la mer mais aussi le rire, la procrastination et le catholicisme. Dans le même esprit qu'Un été avec Montaigne, « à sauts et à gambades », Antoine Compagnon nous fait redécouvrir Les Feurs du mal et Les Petits poèmes en prose en nous faisant partager un Baudelaire inclassable et irréductible.
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La littérature ça paye !
Antoine Compagnon
- Éditions des Équateurs
- Litterature
- 4 Septembre 2024
- 9782382847510
Au moment de la rentrée littéraire où on s'interroge toujours sur le sort et le devenir de la littérature , Antoine Compagnon, avec son esprit iconoclaste, signe un essai d'humeur et intempestif : La littérature, ça paye .
Ça paye parfois les écrivains quand ils ont une postérité , comme Baudelaire qui, bien qu'ayant mené une vie de pauvreté, connaitra la fortune posthume.
Mais la littérature ça paye surtout pour les lecteurs car la littérature peut être à la fois un éloge de la beauté , du temps immobile , le fameux « otium », opposé à une vie trop active, le « negotium ». Proust l'a d'ailleurs démontré : les médecins, les militaires, quand ils sont lettrés, sont toujours meilleurs que les autres.
Enfin, la littérature ça paye parce que, à notre époque, les fake news ou le narratif prennent le dessus, même sur la guerre. Un récit juste est la meilleure des armes . Il n'y a pas de vie réussie sans son récit.
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Ma vie avec Joseph Conrad suivi de Glenn Gould, piano solo
Michel Schneider
- Gallimard
- Ma Vie Avec
- 29 Mai 2025
- 9782073082114
Michel Schneider est mort le 21 juillet 2022, laissant derrière lui un texte : Ma vie avec Joseph Conrad. «Sera-t-il mon dernier opus ? D'où la tentation de l'inachever pour vivre encore après ces pages laissées en plan», écrivait-il. C'est la lettre posthume et bouleversante d'un écrivain qui, lisant et relisant depuis l'adolescence l'auteur d'Au coeur des ténèbres, évoque la place de la littérature dans sa vie, mais aussi ce qui a constitué sa vie d'homme : la famille, les femmes, la psychanalyse, la musique. Il se remémore, à travers Conrad, ses rêves et ses cauchemars, ses vivants et ses morts, ses voyages (intérieurs). «Je suis écrivain parce que je suis un pianiste raté», ajoutait-il. Ma vie avec Joseph Conrad est suivi ici de la réédition de Glenn Gould, piano solo, publié originellement dans la collection «L'un et l'autre» de J.-B. Pontalis. Antoine Compagnon, de l'Académie française, qui a été son ami dès leurs années d'étudiants, a donné une préface à ce volume : en manière d'hommage, il nous invite dans sa vie avec Michel Schneider, qui devient par ricochet un peu la nôtre.
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Un été avec Montaigne
Antoine Compagnon
- Éditions des Équateurs
- Un Été Avec
- 16 Mai 2013
- 9782849902448
« Les gens seraient étendus sur la plage ou bien, sirotant un apéritif, ils s'apprêteraient à déjeuner, et ils entendraient causer de Montaigne sur le poste. Quand Philippe Val m'a demandé de parler des Essais sur France Inter durant l'été, quelques minutes chaque jour de la semaine, l'idée m'a semblé très bizarre, et le défi si risqué que je n'ai pas osé m'y soustraire.
D'abord, réduire Montaigne à des extraits, c'était absolument contraire à tout ce que j'avais appris, aux conceptions régnantes du temps où j'étais étudiant. À l'époque, l'on dénonçait la morale traditionnelle tirée des Essais sous la forme de sentences et l'on prônait le retour au texte dans sa complexité et ses contradictions. Quiconque aurait osé découper Montaigne et le servir en morceaux aurait été aussitôt ridiculisé, traité de minus habens, voué aux poubelles de l'histoire comme un avatar de Pierre Charron, l'auteur d'un Traité de la sagesse fait de maximes empruntées aux Essais. Revenir sur un tel interdit, ou trouver comment le contourner, la provocation était tentante.
Ensuite, choisir une quarantaine de passages de quelques lignes afin de les gloser brièvement, d'en montrer à la fois l'épaisseur historique et la portée actuelle, la gageure paraissait intenable. Fallait-il choisir les pages au hasard, comme saint Augustin ouvrant la Bible ? Prier une main innocente de les désigner ? Ou bien traverser au galop les grands thèmes de l'oeuvre ? Donner un aperçu de sa richesse et de sa diversité ? Ou encore me contenter de retenir certains de mes fragments préférés, sans souci d'unité ni d'exhaustivité ? J'ai fait tout cela à la fois, sans ordre ni préméditation.
Enfin, occuper l'antenne à l'heure de Lucien Jeunesse, auquel je dois la meilleure part de ma culture adolescente, c'était une offre qui ne se refuse pas ».
En 40 chapitres, Antoine Compagnon interprète Montaigne d'une façon claire, limpide, drôle. De l'engagement jusqu'au trône du monde en passant par la conversation ou l'éducation. Professeur au collège de France, ce grand spécialiste de l'autobiographie nous présente un Montaigne estival qui permet de bronzer notre âme.
L'été avec Montaigne bénéficiera d'une forte promotion sur l'antenne de France Inter (Messages et émissions).
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Oeuvres complètes Tome 1 et 2
Charles Baudelaire
- Gallimard
- Bibliothèque De La Pléiade
- 16 Mai 2024
- 9782073068132
En 1931, c'est avec les oeuvres de Baudelaire - choix alors peu conformiste - que Jacques Schiffrin inaugure la Bibliothèque de la Pléiade. Édition après édition, la collection ne cessera d'accompagner le poète et de contribuer à l'évolution du regard porté sur son oeuvre. Les volumes qui paraissent aujourd'hui constituent à cet égard un tournant décisif.
On dit de Baudelaire qu'il est, pour la poésie en vers, l'homme d'un recueil unique. Il serait au moins aussi significatif de souligner que Les Fleurs du Mal sont l'oeuvre d'une vie, prépubliée à partir de 1845, publiée et condamnée en 1857, reprise et augmentée en 1861, prolongée jusqu'à la fin, ou presque. Or l'édition de 1857, qui n'est pas le fruit des circonstances, mais celui de la volonté de Baudelaire, n'est pas accessible à un large public. Dans le même ordre d'idées, on néglige de rééditer pour lui-même le recueil des Épaves de 1866, préférant l'annexer aux Fleurs du Mal de 1861 au motif qu'il procure les six pièces condamnées. La présentation habituelle du Spleen de Paris ne se distingue en rien de celle des livres publiés par Baudelaire, bien que ce recueil de cinquante « Petits poèmes en prose » n'ait jamais paru de son vivant et pose plusieurs des problèmes inhérents aux ouvrages posthumes. Bien des textes moins célèbres sont fréquemment regroupés au sein de recueils factices qui les coupent du contexte de leur rédaction.
Les nouvelles oeuvres complètes de Baudelaire rompent avec ces usages. Pour la première fois, l'oeuvre n'est plus partagée entre poésie et critique. Le sommaire est désormais chronologique. Des Fleurs du Mal on propose les deux éditions, 1857 et 1861, dans leur intégralité. Elles sont précédées de toutes les prépublications de poèmes dans la presse, parfois réunies par Baudelaire en de petits recueils transitoires, tel Les Limbes en 1851. Les Épaves retrouvent leur autonomie et leur date. L'édition du Spleen de Paris ne dissimule plus la diversité des origines des poèmes en prose qui s'y trouvent rassemblés et fait entrer le lecteur dans l'atelier du poète : quand deux versions sensiblement différentes existent pour un même texte, toutes deux sont publiées. À leurs dates respectives, les différents Salons dialoguent avec les autres écrits. Les poèmes envoyés à Théophile Gautier dans l'espoir (en partie déçu) qu'il les publie en revue retrouvent leurs liasses originelles. Les féroces manuscrits « belges », enfin, font l'objet d'un nouvel établissement du texte et d'une présentation plus conforme à leur matérialité. L'oeuvre, en somme - « l'oeuvre qui a déterminé les voies de la poésie future »
(A. Compagnon) -, s'écrit et se déploie sous les yeux du lecteur. -
La vie derrière soi ; fins de la littérature
Antoine Compagnon
- Folio
- Folio Essais
- 14 Septembre 2023
- 9782072989339
La littérature a un lien essentiel avec la mort, le deuil et la mélancolie. Pourtant, les oeuvres tardives des écrivains suscitent moins de curiosité que celles des peintres et musiciens, plus affectés par les défaillances de leur corps, la main, l'oeil ou l'oreille. «Il faudrait cesser de travailler dans un certain âge ; car tous les hommes vont déclinant», décrète le Bernin devant les derniers tableaux de Poussin. Dans ses dernières leçons au Collège de France, Antoine Compagnon se livre à une méditation sur la fin, à la fois terme et but, sur l'âge, condition du sénile, mais aussi du sublime, sur les ultima verba, le chant du cygne... Il décortique les oeuvres finales, parfois oubliées, méconnues, méprisées, et les fait résonner dans une analyse pétrie d'érudition et de fantaisie. En refusant une vision assombrie des écrits tardifs, l'auteur rappelle qu'ils ont toute leur place dans le panorama artistique et fait revivre pour le lecteur les grands noms de la littérature française comme Gide, Chateaubriand, ou encore Proust.
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Le demon de la theorie. litterature et sens commun
Antoine Compagnon
- Points
- Points Essais
- 21 Août 2014
- 9782757842041
Ce livre retrace les conflits de la théorie de la littérature et du sens commun. La théorie refuse les préjugés du sens commun : la littérature comme essence ; l'auteur comme autorité donnant sens au texte ; le monde comme sujet de l'oeuvre ; la lecture comme conversation entre un auteur et son lecteur ; le style comme choix d'une manière d'écrire ; l'histoire littéraire comme procession des grands écrivains ; enfin la valeur comme propriété objective du canon littéraire.
La théorie a ébranlé le sens commun, mais le sens commun a résiste à la théorie. Et celle-ci a souvent forcé la note pour réduire son adversaire au silence, au risque de s'enfermer dans des paradoxes. Il est temps de revenir sur les grandes années de la théorie littéraire en France, afin d'en proposer un bilan.
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Journal de voyage en Italie par la Suisse et l'Allemagne
Michel de Montaigne
- Bouquins
- Document
- 9 Novembre 2023
- 9782382924143
Montaigne est surtout connu pour ses Essais, mais il a laissé derrière lui une autre oeuvre mémorable : le journal du voyage qu'il entreprit à travers la Suisse, l'Allemagne et l'Italie entre 1580 et 1581. Les raisons réelles ou présumées de ce périple sont multiples : fréquenter les sources thermales les plus connues d'Europe pour soigner sa maladie de la pierre, fuir les troubles des guerres de Religion et les tracas domestiques, se confronter à l'altérité, ou encore briguer un poste d'ambassadeur en Italie. L'une des originalités de ce journal est d'avoir été écrit partiellement par un mystérieux secrétaire, avant que Montaigne lui-même ne reprenne la plume, en français mais aussi en italien.
" La lecture du Journal de voyage est un plaisir continu parce que Montaigne garde les yeux ouverts sur le monde ", rappelle Antoine Compagnon dans sa préface. " Il nous reste un recueil primesautier d'observations merveilleuses sur la nature, l'architecture, l'urbanisme, l'habitat, les hommes, les moeurs, les croyances, les aliments. En toute liberté ! " Cette édition, réalisée par Nina Mueggler avec l'aide de Laura Piccina, annotée et richement illustrée, offre une nouvelle adaptation du texte selon les usages du français moderne, de façon à le rendre plus accessible au lecteur contemporain. Toutefois, il ne s'agit pas d'une traduction mécanique ou systématique, mais d'un travail délicat de restauration, fidèle à l'esprit de l'édition des Essais parue dans la collection Bouquins en 2019. Les interventions concernent surtout la syntaxe et le vocabulaire, quand ce dernier a changé de sens ou a disparu. La ponctuation, l'accentuation et l'orthographe ont été adaptées aux critères d'aujourd'hui. On n'en apprécie que mieux la saveur, le rythme de la langue d'époque et, à travers elle, tout le génie de ce voyageur singulier -
Les antimodernes ; de Joseph de Maistre à Roland Barthes
Antoine Compagnon
- Folio
- Folio Essais
- 26 Mai 2016
- 9782070469185
Qui sont les antimodernes ? Non pas les conservateurs, les académiques, les frileux, les pompiers, les réactionnaires, mais les modernes à contre-coeur, malgré eux, à leur corps défendant, ceux qui avancent en regardant dans le rétroviseur, comme Sartre disait de Baudelaire. Ce livre poursuit le filon de la résistance à la modernité qui traverse toute la modernité et qui en quelque manière la définit, en la distinguant d'un modernisme naïf, zélateur du progrès.
Une première partie explore quelques grands thèmes caractéristiques du courant antimoderne aux XIXe et XXe siècles. Ces idées fixes sont au nombre de six : historique, la contre-révolution ; philosophique, les anti-Lumières ; morale, le pessimisme ; religieuse, le péché originel ; esthétique, le sublime ; et stylistique, la vitupération. Joseph de Maistre, Chateaubriand, Baudelaire, Flaubert d'un côté, de l'autre Proust, Caillois ou Cioran servent à dégager ces traits idéaux.
Une seconde partie examine quelques grandes figures antimodernes aux XIXe et XXe siècles ou, plutôt, quelques configurations antimodernes majeures : Lacordaire, Léon Bloy, Péguy, Albert Thibaudet et Julien Benda, Julien Gracq et, enfin, Roland Barthes, «à l'arrière-garde de l'avant-garde», comme il aimait se situer.
Entre les thèmes et les figures, des variations apparaissent, mais les antimodernes ont été le sel de la modernité, son revers ou son repli, sa réserve et sa ressource. Sans l'antimoderne, le moderne courait à sa perte, car les antimodernes ont donné la liberté aux modernes, ils ont été les modernes plus la liberté.
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Contrairement à l'idée reçue qui fait de lui la figure de proue des avant-gardes du XXe siècle, Baudelaire fut à la fois moderne et antimoderne.C'est ce que montre son obsession pour certaines des nouveautés de son temps : la presse, la photographie, la ville et les manières de faire de l'art. Autant de facettes d'une même «chose moderne», fuyante et contradictoire, à laquelle il donne le nom de modernité. Face à ces bouleversements, le poète est partagé entre l'horreur et l'extase : les journaux à grand tirage le dégoûtent, mais il assiège ces «canailles» de directeurs pour qu'ils le publient ; il attaque la photographie, mais il pose pour des clichés de légende...Cette ambivalence constitue la toile de fond du Spleen de Paris, sommet des contradictions du dernier Baudelaire, véritable objecteur de la conscience moderne. Avec brio, Antoine Compagnon dessine le portrait d'un poète insoupçonné autant qu'irréductible.
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Les chiffonniers de Paris
Antoine Compagnon
- Gallimard
- Bibliotheque Des Histoires
- 11 Octobre 2017
- 9782072735141
Les chiffonniers de Paris au XIXe siècle : un sujet original et inattendu. Un sujet d'une grande richesse, entre histoire, économie, urbanisme, littérature et art.
Morceau de vieux linge, le chiffon sert à la fabrication du papier. Or la demande explose après la révolution industrielle, avec l'essor de l'instruction et l'abondance de la presse. Le chiffonnier est à la fois l'inquiétant rôdeur des nuits de la capitale et l'agent indispensable des progrès de la société. Sa figure hante l'oeuvre des écrivains et des peintres, d'Hugo à Baudelaire et Théophile Gautier, de Daumier à Gavarni.
Dans son Tableau de Paris, Louis-Sébastien Mercier repérait en 1781 sa montée en puissance : «Le voyez-vous, cet homme qui, à l'aide de son croc, ramasse ce qu'il trouve dans la fange et le jette dans sa hotte?... Ce vil chiffon est la matière première qui deviendra l'ornement de nos bibliothèques, le trésor précieux de l'esprit humain. Le chiffonnier précède Montesquieu, Buffon et Rousseau».
On voit les dimensions que prend le sujet. Antoine Compagnon les explore avec une érudition inépuisable. De l'hygiène des rues de Paris à l'administration des déchets ; de la prostitution, dont le monde recoupe celui des chiffonniers, à leur recrutement et aux mythes qui les entourent.
C'est à une plongée toujours surprenante dans le Paris nocturne que nous convie l'auteur, le Paris des bas-fonds et celui de l'imaginaire collectif. Qui croirait que le premier dessin cité dans le Grand dictionnaire universel de Pierre Larousse à l'article «Caricature» montre un chiffonnier?
Le crépuscule du chiffonnage parisien date de la fin du Second Empire : on fabrique maintenant le papier avec la fibre de bois et, en 1883, le préfet Eugène Poubelle décrète que les ordures seront déposées dans des récipients, lesquels prendront son nom.
Mais le malfaisant marchand d'habits des Enfants du paradis, le film de Carné, suffit à illustrer la survivance du chiffonnier dans les représentations de Paris.
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Proust du côté juif
Antoine Compagnon
- Gallimard
- Bibliotheque Des Histoires
- 3 Mars 2022
- 9782072959073
«Il n'y a plus personne, pas même moi, puisque je ne peux me lever, qui aille visiter, le long de la rue du Repos, le petit cimetière juif où mon grand-père, suivant le rite qu'il n'avait jamais compris, allait tous les ans poser un caillou sur la tombe de ses parents.»Tout le monde cite cette phrase de Proust, comme si elle donnait le fin mot de son rapport au judaïsme. Mais personne ne sait d'où elle vient. Madame Proust, née Jeanne Weil, ne s'était pas convertie : «Si je suis catholique comme mon père et mon frère, par contre, ma mère est juive», rappelait Proust à Robert de Montesquiou durant l'affaire Dreyfus.Certains voient dans cet aveu de la distance, voire de la honte de soi comme Juif, de même qu'ils soupçonnent d'antisémitisme les descriptions de Swann, Bloch ou Rachel dans la Recherche. Or il parut d'abord en anglais dans un hebdomadaire sioniste, The Jewish Chronicle, dans un hommage d'André Spire après la mort de Proust.D'où une enquête de deux côtés.D'une part dans la communauté juive. Comment Proust fut-il lu durant les années 1920 et 1930, dans la presse consistoriale, qui n'avait que faire de son roman, et par les jeunes sionistes, qui firent de lui un héros de la «Renaissance juive» ?D'autre part au Père-Lachaise, dans le caveau de Baruch Weil, l'arrière-grand-père de Proust, et auprès de sa descendance, dont Nathé Weil, le grand-père de Proust, et de nombreux oncles et tantes, cousins et cousines inconnus, huissier franc-maçon, colons en Algérie, ingénieur bibliophile, compositeur fou...Les deux fils se nouent et les côtés se rencontrent. Le destinataire de la fameuse phrase était Daniel Halévy, camarade du lycée Condorcet, et le manuscrit de la nécrologie d'André Spire est retrouvé. Le côté juif de Proust n'aurait-il plus de secret ?A. C.
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Auprès de la question théorique ou historique traditionnelle : « Qu'est-ce que la littérature ? », se pose avec plus d'urgence aujourd'hui une question critique et politique : « Que peut la littérature ? » Quelle valeur la société et la culture contemporaines attribuent-elles à la littérature ? Quelle utilité ? Quel rôle ? « Ma confiance en l'avenir de la littérature, déclarait Italo Calvino, repose sur la certitude qu'il y a des choses que seule la littérature peut nous donner. » Ce credo sera-t-il encore le nôtre ?
Dans cette leçon inaugurale prononcée le 30 novembre 2006, le titulaire de la chaire « Littérature française, moderne et contemporaine : histoire, critique, théorie » du Collège de France nous donne tous les éléments pour le découvrir. -
À l'ombre de Maurice Barrès
Collectif
- Gallimard
- L'esprit De La Cite - Des Hommes Qui Ont Fait La France
- 2 Novembre 2023
- 9782073034120
Le centenaire de la mort de Marcel Proust - «notre jeune homme», disait Maurice Barrès - a été célébré avec majesté en 2022. Et celui de Barrès, disparu en décembre 1923 ? Le «prince de la jeunesse» à la fin des années 1880, devenu durant la Grande Guerre le «rossignol du carnage», comme l'appelait Romain Rolland, ne s'est pas remis de son engagement antidreyfusard et nationaliste, de son appartenance à la Ligue de la patrie française en 1899 et de sa présidence de la Ligue des patriotes en 1914. Comment le jeune individualiste insolent et vaguement anarchiste, zélateur du Culte du Moi, est-il devenu le chantre de «La Terre et les Morts» et le propagandiste de la tradition française ? «Barrès s'éloigne», observait Montherlant dès 1925. Plus tard, Zeev Sternhell le rendra responsable de l'invention du fascisme, sentence excessive mais raison suffisante de ne pas l'oublier. Et le styliste n'aura cessé d'exercer une influence certaine sur les écrivains de l'entre-deux-guerres, Malraux, Drieu la Rochelle, Mauriac, Montherlant, et surtout Aragon, qui n'a jamais renié sa dette. L'Ennemi des lois, Les Déracinés, La Colline inspirée, avec lesquels grandirent plusieurs générations d'adolescents, sont peu disponibles en librairie aujourd'hui. Mais les historiens de l'art n'ignorent pas cet homme de lettres exceptionnel qui a tant parcouru l'Italie et l'Espagne et fait connaître leurs trésors. Un siècle après sa mort, la place de Barrès dans la littérature française ne peut pas être ignorée. Les auteurs : Antoine Compagnon, Jessica Desclaux, Grégoire Kauffmann, Alexandre de Vitry, Michel Winock, ainsi qu'Albert Thibaudet.
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Si Péguy reste perçu comme l'exemple même de l'homme engagé, un modèle d'austère vertu républicaine, la lecture de son oeuvre révèle un personnage bien plus complexe et tourmenté, à la fois tragique et comique, au style puissant et catégorique.
Tout chez lui relève de la mystique, non seulement le judaïsme et le christianisme, qui lui sont particulièrement chers, mais aussi l'amour de la République, de la monarchie et de la patrie. De l'affaire Dreyfus, qui l'accompagna toute sa vie, il conserva un seul impératif, applicable à tout : que " la mystique ne soit point dévorée par la politique à laquelle elle a donné naissance ". C'est pourquoi, à une époque où la politique offre une image plus que jamais dégradée, il est urgent de découvrir ou de retrouver l'oeuvre de cet intransigeant. Lire Péguy et ses étonnants Cahiers de la quinzaine, c'est s'abreuver à la source de toute politique, quel qu'en soit l'horizon ; c'est retrouver l'exigence d'un sens dans un monde lui-même en quête de repères.
Les principaux essais de Péguy, réunis ici pour la première fois dans un volume cohérent par Alexandre de Vitry sous le patronage d'Antoine Compagnon, tissent une longue analyse de ce monde annonciateur du nôtre et de ce qu'il est déjà en train de trahir : le génie littéraire, l'héroïsme, la sainteté et toutes les formes de la grandeur. Les cibles de l'écrivain se succèdent sous son regard perçant, depuis Taine et Renan jusqu'à l'argent-roi, en passant par les défaitistes en tout genre, les hérauts de la " nouvelle Sorbonne ", les cléricaux de toutes les Églises.
Intervenant sur " les sujets les plus brûlants de l'actualité sociale et culturelle et en général sur les conditions du vivre-ensemble ", Péguy demeure " incontestablement parmi nous ", comme le souligne Antoine Compagnon dans sa préface. -
«Tout s'est joué durant la classe de première, quand je débarquai de la riante Amérique, au milieu des années soixante, et découvris l'un des établissements sévères où la vieille France instruisait ses futurs chefs. Je grandirais encore, mais je ne changerais plus. Du moins je vis sur cette illusion, comme si j'étais resté le même par la suite. Mon idée de ce pays était faite, mon sens de l'autorité et de l'indiscipline, de l'honneur et de la honte, de la fierté et de la servitude, de l'amitié et du mépris. Cette année-là, je l'entamai comme un bleu, l'éternel bizut tombé des nues, abîmé sur terre, et quelle terre! Je la terminai en pensant savoir qui j'étais et quel était le monde où j'allais vivre, un grand, un immense bahut, avec son ordre serré et son anarchie profonde, sa règle apparente et ses arbitraires incessants, ses peines et ses allégresses, ses mensonges, ses hypocrisies, ses passions.
Chacun se raconte une histoire à laquelle il s'attache. Dans mon roman, la rhéto a été le noeud fatidique.»
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Discours de réception d'Antoine Compagnon à l'Académie française et réponse de Pierre Nora : L'allocution prononcée à l'occasion de la remise de l'épée par Laurence Engel, Maryvonne de Saint Pulgent et Michel Zink
Antoine Compagnon, Pierre Nora
- Gallimard
- Blanche
- 16 Novembre 2023
- 9782073051912
M. Antoine Compagnon, ayant été élu à l'Académie française à la place laissée vacante par la mort de M. Yves Pouliquen, y est venu prendre séance le jeudi 11 mai 2023. Extrait. « Pourquoi vouloir entrer ici longtemps après avoir franchi le milieu du chemin ? La question me fut posée lors de mon élection avec d'autant plus de malice que je venais de publier un livre d'adieu sous le titre La Vie derrière soi. Quel meilleur moyen de mettre la vie derrière soi, put-on se gausser, que de prétendre à l'immortalité ? Descendre ces marches, c'est ouvrir un nouveau cycle : «Qui connaît la puissance du cercle, ne redoute plus la mort», écrivait Maurice Blanchot en citant Hugo von Hofmannsthal, qui lui-même citait Djalâl ad-Dîn Rûmî, le poète persan du XIII? siècle. En ce jour, dans cette succession de boucles qu'est la vie, l'image de la spirale me vient à l'esprit, la spirale de Vico et de Michelet, la spirale de tous les poèmes comme feuilleton infini depuis l'Homère éternel, réincarné génération après génération, selon Shelley, Proust ou Borges, pour qui tous les livres se tiennent, n'en font qu'un.»A. C.