Avec le livre La Vision grecque de la vie, publié en 1922, Adriano Tilgher apporte une contribution indispensable à la compréhension de la dimension grecque de l'existence. Une perspective qui permet de réfléchir aux liens invisibles des civilisations et des cultures, et qui admet la discontinuité idéologique entre la civilisation antique et la civilisation moderne. « De l'âme grecque à l'âme chrétienne il n'y a pas un passage lent et graduel, pas de progrès, pas d'évolution, mais saut, hiatus, gouffre, révolution », écrit Tilgher. Une af?rmation qui met en valeur la pluralité des attitudes morales, qui ne peut en aucun cas être rattachée à un principe unique, moniste et totalisant.
Qu'est-ce que les films d'Asghar Farhadi racontent de la société iranienne ? Quelle image de l'Iran s'est construite à travers le cinéma d'Abbas Kiarostami ? Quelles sont les caractéristiques des films iraniens projetés en France ? En partant de l'hypothèse forte que la présence des cinémas extra-occidentaux en Europe répond plus aux attentes et aux modalités des lieux de diffusion qu'à la réalité des pays producteurs, ce livre retrace l'histoire du cinéma iranien en France, de 1950 à aujourd'hui, en interrogeant les représentations du « national » iranien construites dans l'espace français.
Cette anthologie propose une sélection des productions littéraires majeures dans l'histoire déjà longue de la littérature anticoloniale, puis postcoloniale et mondiale. Langues originales : anglais, allemand, espagnol, français, italien, hollandais, portugais. Elle fait suite à l'anthologie théorique publiée en 2019, Penser la différence culturelle du colonial au mondial, dont elle est un complément essentiel.
Les oeuvres de l'esprit sont-elles simplement le réceptacle et le véhicule d'un sens qu'on y aurait déposé, et qui se transmettrait tel quel ? Il semble bien que non, et qu'elles aient au contraire, dans la production de significations et d'émotions, un rôle propre à jouer, par leur insertion dans des dispositifs socialement ajustés, mais aussi par leurs qualités propres, y compris et surtout leurs qualités formelles. C'est de cette capacité de faire sens qu'il est ici question, à propos des oeuvres de cinéma. La thèse centrale de cet ouvrage est que les films, s'ils ne «pensent» pas comme les humains, ont cependant, par leur jeu sur les propriétés des images mouvantes, la capacité de produire des sens neufs - et que la tâche première de toute théorie de l'analyse de film est de s'attacher à cette précieuse aptitude à l'invention.
Le pari de ce livre est de prolonger la prise de conscience du désastre de Tchernobyl. Il insiste sur le besoin de penser, signifier, symboliser, aussi irreprésentable soit-elle, la conscience que cet événement a fragmentée. Afin d'ouvrir la voie à un mode de vie plus en accord avec l'environnement. C'est le pari de chercher à penser l'impensable, à représenter l'irreprésentable. Mais en proposant, au lieu d'une analyse dépassionnée, des méditations à propos d'expériences personnelles. Au lieu de photographies ou de peintures, des rayogrammes, créés par l'empreinte directe de spécimens d'un herbarium radioactif. Comme toujours chez Marder, les plantes sont nos guides, nous reconnectant à la terre (désespérément contaminée), illuminant la signification des ruines.
Qu'a-t-on « vu » de la catastrophe de Fukushima ? Ce volume sur le cinéma de Fukushima, le premier du genre, interroge les conditions de visibilité et d'invisibilité de la catastrophe, dans les ?lms tournés sur place immédiatement après et durant les deux années qui l'ont suivie. Première étude sur la (re)présentation cinématographique de l'une des catastrophes majeures de l'histoire contemporaine, ce livre retourne la thèse sur l'impossibilité de représenter la catastrophe nucléaire. L'hypothèse centrale est ici que « Fukushima » ouvre sur un monde durablement abîmé qui requiert de nous de nouvelles capacités d'attention et de présence au monde. Et que les ?lms de Matsubayashi, Hamaguchi, Fujiwara (entre autres), peuvent nous y éduquer. La lecture philosophique des ?lms réalisés depuis Fukushima met en évidence, ?nalement, nos dénis et aveuglements contemporains face aux violences lentes et aux catastrophes ordinaires.
Ces Celtic Wonder Tales, première collection de récits d´Ella Young, datent de 1910 et ont été publié en traduction française en 1966. Bien qu´elle continue à écrire de la poésie, c´est surtout avec ces rédactions de légendes irlandaises traditionnelles, illustrés par son amie la militante féministe Maud Gonne, que Young se fait connaître. L´auteure a essayé de s´approcher de ce que devaient être les légendes originales, traditionnellement confiées à la transmission orale, scandés et chantés, puis plus tardivement rédigés - dans les siècles chrétiens-carolingiens - donc bien altérés, chaque copiste y apportant sa petite variante. Ces contes merveilleux décrivent l´origine du monde avec la venue sur la terre d´Irlande des dieux et des Dê Danaans, les attaques des puissances des ténèbres qu´ils subissent, les combats formidables qui s´ensuivent.
Dans Les fantômes dont on ne se débarrasse pas, Frieda Grafe analyse le film de Joseph L. Mankiewicz, The Ghost and Mrs. Muir, réalisé en 1947. Il s'agit d'une comédie ironique sous forme de film gothique. Une jeune veuve emménage dans une maison hantée par le fantôme de l'ancien propriétaire, le Captain Gregg, qui se serait suicidé, et dont le portrait est accroché dans une des pièces. À sa suggestion, Mrs. Muir va coucher sur papier le récit de la vie du capitaine qu'il lui dicte dans un langage truculent. Dans le texte de Grafe, il n'y a pas de fantôme, mais un double masculin imaginé par Mrs. Muir, qui lui/nous apparaît sous la forme du très viril Captain Gregg. « Un «rôle de pantalon mental», écrit Frieda Grafe, que Mrs. Muir s'est créé par l'incorporation voluptueuse de la figure masculine, ce qui lui confère cette part de liberté qui la distingue de ses contemporaines », écrit Katharina Sykora. Quand une femme écrit un livre...
La Poétique d'Aristote entérine-t-elle d'emblée, comme on le dit souvent, le divorce entre la parole poétique et le spectacle scénique ? Aristote n'aurait-il rien compris à la spectacularité du théâtre ? Ou bien s'agit-il d'un préjugé, tributaire d'interprétations et corrections du texte sédimentées au fil des siècles ? Pour y voir plus clair, cet essai entreprend de réinscrire la Poétique dans le projet philosophique d'Aristote, mais aussi de retracer l'histoire de sa réception à la fois chez les théoriciens et chez les praticiens du théâtre - en particulier ceux qui, entreprenant d'adapter sur scène oedipe roi, ont dû se confronter à un problème imprévu : la tragédie érigée en modèle par Aristote ne contredit-elle pas la marginalisation du spectacle défendue par le classicisme ? Abordée sous la forme d'une enquête quasiment policière, cette traversée au coeur de la théorie occidentale du théâtre invite à prendre conscience que les héritages du passé peuvent conditionner inconsciemment nos interrogations présentes, mais aussi les éclairer.
Issu d'un projet de recherche franco-italien, ce livre explore les fondements d'un nouvel atlas méditerranéen pour envisager la Méditerranée à l'échelle de l'histoire mondiale. On découvre ainsi une Méditerranée-planète, qui rompt avec une confortable carte mentale de la Méditerranée, à partir de ses questions théoriques de fond : les interrogations sur la nature de l'atlas comme medium et le sens à notre époque des bords des espaces culturels, le rôle épistémologique de l'art et les chances pour l'histoire de forger de nouveaux concepts aptes à dire la complexité d'une partie du monde qui a encore beaucoup plus à nous révéler que l'actualité ne le laisse entendre.
Tano D'Amico se définit avec fierté « fotografo di strada. « Mendiant d'images » au sens pasolinien, il a toujours cherché l'image vraie et belle dans la rue : il en avait besoin pour vivre, alors que la presse refusait la plupart de ses photos. Sans contrat, indépendant, D'Amico a mené son combat à côté des ouvriers, des mineurs, des détenus, des sans-logis, des femmes. Il nous donne à voir les années de plomb, les étudiants de Milan, les grévistes de Fiat à Turin, les policiers et les manifestants à Rome, mais aussi les enfants des Pouilles, de Calabre, les gosses de Palerme. Des images en noir et blanc, mais pas manichéennes. Comme Pasolini, il sait que les flics casqués et anonymes sont toujours de vrais prolétaires, eux aussi. C'est à son travail, qui se passait de l'approbation des journaux et des groupes éditoriaux, que l'on doit pour une part la mémoire d'un pays, l'Italie, courageuse dans ses revendications et ses protestations.
Depuis 1990, dans le champ des arts filmiques, un soulèvement artistique s'est produit pour battre l'audiovisuel numérique sur son propre terrain : le signal. Ce livre étudie les lignes de force d'un courant spontané et collectif d'artistes du monde entier qui découvre les opérations internes des machines, apprend leur langage et enrichit un arsenal technique capable de s'emparer du signal filmique. Il démontre qu'il est possible de penser ensemble les supports audiovisuels (optique, argentique, vidéographique, numérique) dans leur continuité et simultanéité. Ainsi, rétrospectivement et depuis le numérique, les technologies filmiques peuvent-elles être réinscrites dans l'histoire des télécommunications. L'intelligence du signal développée par les artistes, traversant toute l'histoire des arts filmiques, alimente des enjeux à la fois techniques, éthiques, politiques et esthétiques, et mène à l'appropriation créative des technologies, condition d'une émancipation artistique possible.
Pourquoi, partout et de tout temps, les hommes ont-ils voulu offrir des sacrifices à leurs dieux ? Pour leur plaire et s'attirer leurs faveurs ? Pour les remercier sans rien demander en échange ? Qu'est-ce qui se cache derrière ce rite? Hubert et Mauss, éminents spécialistes des religions, pensent que si le sacrifice est « l'instrument privilégié de communication entre l'homme et les forces supérieures », comprendre son langage signifie cueillir l'essence de la religiosité primitive.
Ce texte fondateur, à l'époque de sa parution, a marqué un progrès considérable dans les travaux sur ce que l'on appelait « le lamaïsme ». Grâce à sa connaissance exceptionnelle du Tibet et à une documentation abondante pour l'époque, Marcelle Lalou a pu donner un aperçu de l'ensemble de la richesse et de la variété des religions tibétaines. La religion prébouddhique des Bon-po, les possibles influences chrétiennes anciennes, l'histoire du bouddhisme au Tibet dans ses grandes étapes et ses réformes principales, puis les aspects de la vie religieuse et les grandes constructions de monastères et de temples, jusqu'au développement considérable des pratiques tantriques, font l'intérêt de ce travail scientifique inégalé.
Il y a un avant et un après Welles, tant l'auteur de Citizen Kane a laissé sa marque dans l'histoire du cinéma et a inspiré des vocations. Ce livre questionne son héritage. Où ses images sont-elles imitées et comment son cinéma se prolonge-t-il dans d'autres oeuvres ? Qu'est-ce qui, de Welles, passe chez d'autres cinéastes ?
Sigrid Weigel est un des plus grands spécialistes de l'oeuvre de Walter Benjamin, et nous présente dans ce livre l'analyse détaillée de certains aspects fondamentaux de la production du philosophe et critique allemand. Organisé en un avant-propos suivi par 10 chapitres divisés en trois grandes parties, le livre aborde une série de questions qui vont du rapport entre le sacré et la création, à l'interprétation de textes de Goethe, Brecht et Kafka, jusqu'à la théorie de l'art, des images et des médias. Paru en Allemagne en 2008, le livre s'est vite imposé comme un de textes de référence sur la pensée de Walter Benjamin : avec cette traduction française, il deviendra aussi en France un des livres incontournables pour tous ceux qui s'intéressent à l'oeuvre de cet auteur fondamental de la première moitié du XXe siècle.
L'objet de cet ouvrage collectif n'est pas la transition numérique. Plutôt que de traiter les médias analogique et numérique comme deux vastes entités autonomes et cohérentes, il s'agit de déceler une généalogie singulière, qui se déploie à travers ces deux ensembles. L'un de noeuds de cette généalogie - c'est notre hypothèse centrale - se situe au moment de l'émergence du « cinéma direct », dans les décennies qui suivirent la Seconde Guerre mondiale. Il s'y articule une réflexion technique - inventer un cinéma léger, mobile et en son synchrone - et un projet politique, lié au contexte de la décolonisation - le « direct » comme possibilité extraordinaire de créer des médias décentralisés. D'alors à aujourd'hui, c'est de ce projet que les médias numériques sont aujourd'hui encore redevables.
Cet ouvrage vise à décrire la lumière comme un phénomène partagé au-delà de l'humaine. L'auteur part de la transformation d'un motif esthétique, l'Annonciation, par une ?gure biologique, l'organisme bioluminescent, chez un cinéaste Hollywoodien contemporain, James Cameron. Il considère l'événement lumineux comme une modalité de l'apparition au sens bio-logique du terme, autrement dit, au sens de ce qui préside à la dynamique et à l'inventivité du vivant dans ses dimensions relationnelles. À partir de quatre articulations visant à repolitiser la lumière - la biophotogénie, la biophotopolitique, la biomythologie et la biomedialuminescence - ce livre aborde le cinéma dans une perspective phylogénétique, autrement dit, dans la longue histoire des interactions du vivant avec la lumière.
Photographie & cinéma. Dans ce titre, c'est le & qui importe le plus. Loin d'opposer deux médiums, de vouloir les appréhender dans leur spécificité ou leur ontologie, par exemple en jouant l'immobilité de l'une contre le mouvement de l'autre, il s'agit ici de les croiser, de les mixer, jusqu'à une certaine in-différence. Non pas l'un contre l'autre, mais l'un avec l'autre, voire dans l'autre. Telle est la posture de base de cet ouvrage, une sorte de synthèse des recherches effectuées depuis des années par l'auteur dans ce domaine intermédiaire, et qui se développent avec un point de vue cohérent, débouchant sur une pensée de l'avenir des images, au-delà d'une opposition finalement peut-être archaïque.
Quatre adolescents âgés de 13 à 19 ans écrivent leur journal intime, à quatre moments historiques différents et dans quatre endroits éloignés. Chaque jour apporte son lot d'ennui, d'inquiétudes et de doutes nombreux. Ce roman illustré raconte des histoires de passage à l'âge adulte, des années 1970 à nos jours, reliées par les moments où les personnages ressentent le changement - le bouleversement - dans un lieu original et insolite : un manège abandonné. À bord du Cyclone, un grand huit à l'histoire curieuse et au secret bien sombreâ€- Basé sur la pièce Roller Coaster, et actuellement en tournée sur les scènes internationales, Cyclone est un journal des émotions et un tour dans le manège de l'âge adulte.
La lutte avec frappe est une passion nationale au Sénégal, les champions de l'arène y sont immensément populaires. Associant combats, danses et rites magiques, la lutte est un spectacle total à travers lequel la société sénégalaise se donne à voir. L'ouvrage s'appuie sur une enquête dans des quartiers populaires de Dakar et suit tous les acteurs de l'arène : les lutteurs, les marabouts qui s'occupent de leur « préparation mystique », les instances of?cielles qui encadrent les combats, les hommes d'affaires qui les organisent, les notables qui les parrainent. La réussite n'est pas qu'affaire de talent sportif : on ne peut devenir un champion sans le soutien matériel, moral et « mystique » de son écurie, de sa famille, de son quartier, de son village. En plaçant au centre de l'analyse la « popularité », valeur cardinale de l'arène, l'ouvrage propose une réflexion plus générale sur la célébrité, un type de capital symbolique au coeur de la vie sociale au Sénégal comme ailleurs. Julien Bonhomme est anthropologue. Il enseigne à l'École des Hautes Études en Sciences Sociales et codirige le Laboratoire d'anthropologie sociale au Collège de France, à Paris. Il est notamment l'auteur de Le Miroir et le Crâne. Parcours initiatique du Bwete Misoko (Gabon) (2006), Les Voleurs de sexe. Anthropologie d'une rumeur africaine (2009) et L'Offrande de la mort. Une rumeur au Sénégal (2017).
Il y avait autrefois le cinéma, la photo, la peinture. Il y a désormais, de plus en plus, des images. Des passages entre les images : l'entre-images. Entre ces images, ces passages, il faut choisir : les representations, les oeuvres, par quoi faire exister encore un monde, et un art. Les essais rassemblés dans ce livre ne cherchent pas à faire, directement, l'histoire ou la théorie de l'entre-images. Ils tentent plutôt d'en dessiner le champ, d'en formuler l'expérience. Un livre sur le cinéma, l'un des premiers sur l'art vidéo, où la photo est très présente, plus comme horizon et limite qu'en tant qu'art.
Un livre attaché aux images, porté par leur passion.
La Sophie est la dixième des douze lettres qui composent La colonne et le fondement de la vérité, chef-d´oeuvre de la spiritualité orthodoxe. Dans cette somme de la culture et de la pensée religieuse russes Florensky nous parle de « l´expérience vivante de la religion, en tant que seul moyen de connaître les dogmes ». Ses argumentations théoriques rigoureuses sont accompagnées par des commentaires lyriques et des descriptions poétiques de paysages russes. Si elle a inspiré la théologie orthodoxe, La colonne n´a pas manqué de susciter craintes et incompréhensions, surtout dans ses pages consacrées à la sophiologie. L´aspect le plus contesté de ce monumental essai, publié à Moscou en 1914, étant sans doute sa présentation de la divine Sophie, sorte de personnification de l´idée divine. Ce sont ces pages d´une intensité rare que le volume présent offre pour la première fois dans une édition inédite.