Casimiro
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« L'impression première que produit une toile d'Édouard Manet est un peu dure.
On n'est pas habitué à voir des traductions aussi simples et aussi sincères de la
réalité. Il y a là quelques raideurs élégantes qui surprennent. L'oeil n'aperçoit
d'abord que des teintes plaquées largement. Mais bientôt les objets se dessinent et se mettent à leur place ; au bout de quelques secondes, l'ensemble apparaît, vigoureux, et l'on goûte un véritable charme à contempler cette peinture claire et grave, qui rend la nature avec une brutalité douce, si je puis m'exprimer ainsi. [...]
Cet audacieux, dont on s'est moqué, a des procédés fort sages, et si ses oeuvres
ont un aspect particulier, elles ne le doivent qu'à la façon toute personnelle dont il aperçoit et traduit les objets. » -
Voici quatre-vingts planches, de dimensions moyennes, feuilles volantes,
destinées à circuler commodément, des espèces de placards de satire et de
fantaisie. Elles ont été exécutées de 1793 à 1797, à une époque où l'Europe se
débat dans les convulsions de la fin d'un monde. Leur titre, Les Caprices,
pourrait faire croire qu'il n'y ait là que le passe-temps d'un grand peintre. Mais,
derrière ce mot innocent, se dissimule une virulence occulte, si bien que le sens
de certaines planches nous paraît encore aujourd'hui très énigmatique. -
Dans les oeuvres de sa maturité, Velazquez est insaisissable. Il est avec Phidias,
de tous les maîtres souverains, celui qui se dérobe le plus complètement dès
qu'on veut définir son oeuvre et pénétrer dans son intimité.
Son langage se confond avec celui des phénomènes naturels aussi absolument
qu'il est possible. Quand il s'agit de Velazquez, nous ne retrouvons plus les
points de repère habituels qui nous servent à fixer notre émoi et à caractériser
notre impression. Les notions purement verbales de lignes, de taches, de
volumes où nous allons puiser quand nous voulons définir d'un seul mot le
génie des Florentins, des Vénitiens, des Hollandais, s'effacent et deviennent
confuses dès qu'on cherche à les appliquer à l'oeuvre du maître espagnol. -
C'est une grande date dans l'histoire de l'art que celle où la peinture cesse
d'avoir un rôle cérémonial ou décoratif, mais commence, sans parti pris, à
braquer sur la réalité un objectif intelligent.
En ce sens, l'artiste hollandais n'est plus une volonté qui exécute un plan
préconçu et qui lui subordonne les moyens et les mouvements, c'est un oeil qui choisit et qui saisit, c'est un miroir qui peint, tout ce qu'il fait est le résultat d'une réflexion. -
Toiles de cauchemar, dont jamais on 'avait vu les équivalentes dans la peinture. Si réels, et si sauvages, avec une sorte d'accent à demi caricatural qui double l'horreur de la scène, les "Désastres de la guerre" sont des impressions, des visions brèves et globales de l'effroi, où le détail ne joue que pour en multiplier l'effet, une apparition fulgurante qui semble jaillir de la nuit pour y rentrer aussitôt.
Si le mot de " visionnaire " n'avait existé, il eût fallu le créer pour désigner l'art de Goya. Et si le " réalisme " était autre chose qu'un mot, c'est peut-être Goya qui nous eût contraints de l'insérer dans notre vocabulaire. Il est le plus grand visionnaire du réel qui ait sans doute existé. -
Néoclassicisme, romantisme, réalisme, impressionnisme, c'est-à-dire les grands
courants du goût du XIXe siècle, convergent, en harmonie et malgré leurs
différences, dans le style de Corot, sans qu'on puisse dire qu'il s'agit d'un peintre
éclectique. Bien au contraire, son oeuvre possède une cohérence que seule une
personnalité très indépendante peut conférer. Et c'est justement en raison de son
indépendance et de sa cohérence que Corot s'inscrit, avec Daumier et Manet,
parmi les grands maîtres de la peinture française du XIXe siècle.
L'occasion du 150ème anniversaire de sa mort nous invite à reconsidérer
l'importance de Camille Corot (1796-1875) dans l'histoire de la peinture. -
Les superstitions, les peurs, les follies, les hallucinations qui hantèrent lescerveaux flamands et brabançons à la fin du Moyen Âge n'empêchèrent pas chez eux - constatation étrange et d'apparence paradoxale - l'esprit caustique et gouailleur. La complète expression de cette mentalité, nous la trouvons dans les oeuvres de Jérôme Bosch qui la reflètent, dans son incohérence, avec la fidélité d'un miroir.
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À cause du sujet traité ainsi que du ton humoristique qui soustend rien de moins qu'une 'Philosophie' en quête de la chambre idéale nous sommes face à un texte atypique dans la productio littéraire d'Edgar Allan Poe.
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Cézanne est le créateur de formes inédites qui inspirera aux jeunes peintres, cubistes et autres, l'ambition de réaliser avec des éléments naturels connus des ensembles essentiellement nouveaux. Cézanne est l'inventeur de cette perspective sensible qui abandonnera à la sculpture la notion de troisième dimension pour réussir à faire de la peinture " l'art de creuser une surface ".
Grâce à Cézanne, une nouvelle conception optique est née en même temps qu'une vision esthétique qui aura délivré la peinture de l'ancien concept d'imitation. -
" Grand mérite à faire un livre sur la Belgique. Il s'agit d'être amusant en
parlant de l'ennui, instructif en parlant du rien...
A faire un croquis de la Belgique, il y a, par compensation, cet avantage, qu'on
fait, en même temps, une caricature des sottises françaises...
Pourquoi les Français qui ont habité la Belgique ne disent pas la vérité sur ce
pays ? Parce que, en leur qualité de Français, ils ne peuvent pas avouer qu'ils
ont été dupes. "
Avec ses quartiers pittoresques et grouillants, ses coins recueillis et somnolents aux alentours des béguinages, Bruxelles évoquait vers 1860 une ville bourgeoise et provinciale : des rues torves et malpropres étendaient leur réseau entre des blocs de maisons disparates et encaquées, dévalant vers la place de l'Hôtel-de-Ville. -
Rosa Bonheur deviendra très vite la peintre animalière la plus importante
de la peinture française de tous les temps ; et son succès sera tel que chaque tableau qu'elle réalisa fut immédiatement acquis par des collectionneurs, notamment de l'Angleterre et des États-Unis.
Pionnière en peinture, Rosa Bonheur était aussi une femme avancée de par l'indépendance et la liberté avec lesquelles elle vivait sa vie, en pleine
autosuffisance économique et toujours près de Nathalie, sa compagne. -
« Les artistes ont cru avec de beaux modèles ou de beaux motifs arriver au poétique. Nous croyons l'atteindre plutôt avec de beaux éléments, car ceux de l'esprit sont certainement les plus beaux. «
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« Mlle Marie Laurencin, a su exprimer, dans l'art majeur de la peinture, une esthétique
entièrement féminine. Dès ses premières peintures, ses premiers dessins, ses premières eaux fortes, bien que ces essais ne se signalassent que par une certaine simplicité naturelle, on pouvait deviner que l'artiste qui allait bientôt se révéler exprimerait un jour la grâce et le charme du monde. » -
" Ses fous et ses nains sont moins difformes que profondément humains,
tant, pour Vélasquez, la souffrance et la disgrâce n'apparaissaient en vérité
qu'une occasion supplémentaire de se dérober au contingent, de
s'approfondir, de se creuser jusqu'à l'essence. " -
Incroyable mélange de douce folie, d'humour, de curiosité, d'audace,
de subtilité, de goût littéraire, de propension à la plaisanterie et
d'amour fou pour l'art, de virulence et de simplicité, de santé et de névrose, de fantaisie et d'analyse, le peintre et graveur belge Félicien Rops (1833-1898),
personnage intrépide, à la noblesse irréprochable, est un artiste sans
égal et, très probablement, sans successeur. -
En 1917, un an après sa blessure, un an avant sa mort, dans son uniforme bleu
horizon qu'il continuait de porter, le front entouré d'un bandeau, Guillaume Apollinaire était devenu un personnage qui aurait bien étonné l'Apollinaire du début du siècle. Il s'était donné à la guerre comme à la poésie, avec sa fougue habituelle. Mais le fantaisiste, le bohème, n'était pas plus désireux de s'effacer
devant l'écrivain officiel que de lui disputer la place. Laissant le poète grave s'exprimer dans les strophes de Vital Impedere Amori, il écrivit l'opéra bouffe que voici: Casanova.
Le poète ne prétendit pas transcrire un épisode réel de la vie de Casanova. Il se contenta de situer l'action - une folle aventure d'un soir de Carnaval - à Venise. -
L'art de Maria Blanchard (Santander, 1881 - Paris, 1932) est l'expression de sa vie intérieure. Quelqu'intenses que soient ses
motifs, son goût du drame, sa faculté d'assujettir l'objet à l'élément plastique et de plier aux exigences d'un style les phénomènes optiques font d'elle une artiste espagnole. Tout : son écriture, son coloris, son style sont ceux d'une espagnole. -
"Bruxelles est une ville d'un aspect plutôt anglais que français dans ses parties
modernes, plutôt espagnol que flamand dans ses parties anciennes...
A force de ramper le long de la Magdalena-Straas, nous parvînmes à une grande belle place carrée, qui se nomme la place Royale, et sur laquelle on voit une église avec un fronton où il y a au milieu d'une gloire, un oeil sculpté qui a l'air d'un modèle d'oeil gigantesque proposé à tous les bambins de la ville. Le palais du roi est tout près de là."
En 1836, Théophile Gautier, en compagnie de son ami Gérard de Nerval (qu'il nomme
dans ces chroniques "Fritz"), visita la Belgique entre juillet et août. -
" Une course de taureaux est une solennité qui met en rumeur une ville
méridionale. Tout, ce jour-là, a un air de fête; une animation insolite agite les
rues, ordinairement si paisibles... "
" L'on a dit et répété de toutes parts que le goût des coursesde taureaux se
perdait en Espagne, et que la civilisation les ferait bientôt disparaître ; si la
civilisation fait cela, ce sera tant pis pour elle, car une course de taureaux est
un des plus beaux spectacles que l'homme puisse imaginer. " -
Dans la composition, l'immuable (le spirituel) s'exprime à travers la ligne droite et les plans non colorés (blanc, noir, gris), tandis que ce qui est variable (le naturel) trouve son expression dans les plans
colorés et dans le rythme...
Le son, comme la couleur, ne dépend pas du volume. La musique peut donc s'inspirer directement de la peinture. -
"On a tout dit de la cathédrale de Séville, mais l'effet qu'elle produit est de
ceux qu'on ne peut prévoir, quand même on s'y serait de longue date préparé.
Rien n'existe à côté d'un pareil monument où tous les genres d'architecture, du
gothique le plus sévère au rococo le plus absurde, s'unissent, s'engendrent et
se succèdent dans un épanouissement qui tient à la fois du prodige et du défi." -
A l'occasion du 150ème anniversaire de la première exposition des Impressionnistes (ouverte à Paris le 15 avril 1874), cet ouvrage analyse le rapport de ce phénomène, essentiellement pictural, avec la sculpture, à travers, surtout, les réflexions d'Auguste Rodin (1840-1917), principal sculpteur français à l'époque de l'Impressionnisme.
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«L'église cathédrale de Paris est comme les héros, elle a deux histoires, l'une légendaire, l'autre réelle, et comme toujours aussi, la légende est au-dessous de la réalité.» Eugène-Emmanuel Viollet-le-Duc, responsable de la restauration entre 1843 et 1864 de la cathédrale de Paris, réalise ici une description de Notre-Dame, ainsi qu'une réflexion sur l'actualité de l'architecture gothique au XIXe siècle.
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«Le flamenco est l'une des créations les plus colossales du peuple espagnol : une créature vivante, avec les pieds enfoncés dans la boue chaude de la rue et le front dans la mante froide des nuages déchirés ; tous les illustres voyageurs qui se sont aventurés dans nos contrées diverses et étranges ont été émus par ces psalmodies profondes qui, des sommets de la Sierra Nevada à l'embouchure joyeuse du Guadalquivir, traversent et définissent notre Andalousie unique et compliquée. »