CHAIRE D'HISTOIRE DES POUVOIRS EN EUROPE OCCIDENTALE, XIIIe-XVIe SIÈCLE
« Nous avons besoin d'histoire car il nous faut du repos. Une halte pour reposer la conscience, pour que demeure la possibilité d'une conscience - non pas seulement le siège d'une pensée, mais d'une raison pratique, donnant toute latitude d'agir. Sauver le passé, sauver le temps de la frénésie du présent : les poètes s'y consacrent avec exactitude. Il faut pour cela travailler à s'affaiblir, à se désoeuvrer, à rendre inopérante cette mise en péril de la temporalité qui saccage l'expérience et méprise l'enfance. Étonner la catastrophe, disait Victor Hugo, ou avec Walter Benjamin, se mettre à corps perdu en travers de cette catastrophe lente à venir, qui est de continuation davantage que de soudaine rupture. »
Patrick Boucheron est historien. Il est notamment l'auteur de Léonard et Machiavel (Verdier, 2008), Conjurer la peur : Sienne, 1338. Essai sur la force politique des images (Seuil, 2013), Prendre dates (avec M. Riboulet, Verdier, 2015) et a dirigé l'Histoire du monde au XVe siècle (Fayard, 2009). En août 2015, il a été nommé professeur au Collège de France, titulaire de la chaire d'Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle.
Pendant des décennies, la bande dessinée n'a eu aucun nom, ni aucune histoire. Associée à l'enfance et au divertissement, elle était publiée sur des supports éphémères et ne connaissait que rarement les honneurs du livre. D'abord prisée par des collectionneurs nostalgiques des joies de leur enfance, elle a peu à peu gagné en lectorat, puis en prestige. Benoît Peeters reconstruit le parcours historique d'un genre longtemps déconsidéré et analyse l'évolution du discours à son propos, nous offrant le regard d'un témoin de l'intérieur sur les processus ayant conduit à la reconnaissance du neuvième art.
Ce n'est ni en défaisant l'État social ni en s'efforçant de le restaurer comme un monument historique que l'on trouvera une issue à la crise sociale et écologique. C'est en repensant son architecture à la lumière du monde tel qu'il est et tel que nous voudrions qu'il soit. Et, aujourd'hui comme hier, la clé de voûte sera le statut accordé au travail. Face à la faillite morale, sociale, écologique et financière du néolibéralisme, l'horizon du travail au xxie siècle est celui de son émancipation du règne exclusif de la marchandise. Comme le montre le cas du travail de recherche, les statuts professionnels qui ont résisté à la dynamique du Marché total ne sont donc pas les fossiles d'un monde appelé à disparaître, mais bien plutôt les germes d'un régime de travail réellement humain, qui fasse place au sens et au contenu du travail - c'est-à-dire à l'accomplissement d'une oeuvre.
L'Europe réunit une grande variété de langues et de cultures. À la fois une et plurielle, elle véhicule un rêve culturel d'intégration. Comment faire vivre ensemble des langues, des littératures, des cultures, en respectant leur diversité ? Mieke Bal aborde cette question en interrogeant les notions de frontières (géographiques, linguistiques, culturelles), d'identité (qu'elle rejette pour sa « fixité »), d'identification. Elle propose un voyage dans la sémiosphère européenne sur les traces de Henri Cartier-Bresson, d'Edvard Munch et d'autres artistes-penseurs, montrant que leurs oeuvres donnent corps aux processus d'intergration qu'elle invite à penser. Diversité, union : le débat autour de ces enjeux est essentiel pour la construction de l'Europe.
L'Afrique a pendant plusieurs siècles été vue, imaginée, fantasmée par les Européens comme un continent sauvage, ténébreux, matière première des récits d'aventures et d'exploration teintés d'exotisme, qui ne laissaient pourtant entendre qu'une seule voix, celle du colonisateur. Il faut attendre le milieu du xxe siècle pour qu'une littérature écrite par et pour les Africains se révèle. De la négritude à la « migritude », il appartient aux écrivains noirs d'aujourd'hui de penser et de vivre leur identité artistique en pleine lumière.
Alain Mabanckou est romancier, poète et essayiste. Ses oeuvres ont été traduites en une quinzaine de langues. Son premier roman, Bleu-Blanc-Rouge (1998), lui a valu le Grand Prix littéraire d'Afrique. En 2006, il obtient le prix Renaudot pour Mémoires de porc-épic. La même année, l'université de Californie (UCLA) le nomme professeur au département de littérature française et d'études francophones. Nommé pour l'année académique 2015-2016, il est le premier écrivain invité à la chaire annuelle de Création artistique du Collège de France.
Auprès de la question théorique ou historique traditionnelle : « Qu'est-ce que la littérature ? », se pose avec plus d'urgence aujourd'hui une question critique et politique : « Que peut la littérature ? » Quelle valeur la société et la culture contemporaines attribuent-elles à la littérature ? Quelle utilité ? Quel rôle ? « Ma confiance en l'avenir de la littérature, déclarait Calvino, repose sur la certitude qu'il y a des choses que seule la littérature peut nous donner. » Ce credo serait-il encore le nôtre ?
Partie de sa niche éco-géographique africaine, l'espèce Homo sapiens a étendu son emprise sur l'ensemble de la planète au cours de son expansion, entraînant une perte de la biodiversité et la disparition d'autres espèces humaines, comme les Néandertaliens, avec lesquelles elle a parfois coexisté. Comment notre espèce s'est-elle ainsi imposée ? Était-elle réellement plus avancée que les autres formes d'humanité qui ont évolué parallèlement à elle ? Cette leçon inaugurale tente de définir Homo sapiens, de l'évolution de ses traits morphologiques et physiques à ses capacités cognitives, en passant par la maîtrise de certaines technologies.
Pour imaginer l'avenir du monde numérique, considérer la technologie seule ne suffit pas : nous devons penser nos interactions avec elle. Domaine de recherche visant à augmenter les capacités humaines grâce à celles de la machine, l'interaction humain-machine pose une question fondamentale : comment faire en sorte que les ordinateurs répondent, en toutes circonstances, aux besoins des personnes qui les utilisent ? Wendy E. Mackay nous guide dans l'exploration de ce vaste champ de réflexion, en nous présentant les fondements théoriques et les défis d'un domaine multidisciplinaire qui puise aussi bien dans les sciences naturelles et sociales que dans l'informatique, l'ingénierie et la conception.
La Terre baigne dans un océan d'énergie, celle de la lumière du Soleil. De nature extraterrestre, illimitée à notre échelle, celle-ci échappe de fait à la finitude des ressources terrestres. Elle alimente depuis la nuit des temps les rêves de l'humanité d'une utilisation universelle et pacifique. La conversion photovoltaïque, grâce aux cellules solaires, permet pour la première fois dans l'histoire la transformation directe de l'énergie des photons en électricité. De sa découverte en 1839 à son formidable essor actuel, cette leçon inaugurale retrace l'histoire de sa longue progression scientifique, technologique et sociale. Pressentie comme le futur pilier de la transition énergétique, l'énergie solaire permet d'envisager le passage d'un Anthropocène destructeur à un Héliocène réparateur.
Pour préserver la biodiversité et les nombreux services qu'elle nous rend, nous devons comprendre comment elle s'est formée et quels sont les facteurs jouant sur sa dynamique. La théorie de l'évolution par sélection naturelle offre un paradigme très puissant pour expliquer pourquoi le monde vivant est tel qu'il est, comment la biodiversité se forme, quelle est sa dynamique, et enfin comment les populations arrivent à s'adapter ou non à un environnement changeant. Face à la menace du changement climatique et au déclin rapide de la biodiversité qu'il entraîne, les sciences de l'écologie et de l'évolution sont essentielles pour mesurer l'ampleur de la crise actuelle et ses conséquences sur les sociétés humaines.
« Il y a, d'un côté, la vie qui s'écoule avec un commencement et une fin, et de l'autre, la vie qui fait la singularité humaine parce qu'elle peut être racontée. On pourrait ainsi parler de vie biologique et de vie biographique. L'espérance de vie mesure l'étendue de la première. L'histoire de vie relate la richesse de la seconde. L'inégalité des vies ne peut être appréhendée que dans la reconnaissance des deux. Elle doit à la fois les distinguer et les connecter. Les distinguer, car le paradoxe des femmes françaises montre qu'une vie longue ne suffit pas à garantir une vie bonne. Les connecter, car l'expérience des hommes afro-américains rappelle qu'une vie dévalorisée finit par produire une vie abîmée. C'est ainsi que se pose également la question des réfugiés et des migrants. »
Les générations futures vont subir un changement climatique dont l'intensité dépendra des sacrifices auxquels nous consentirons pour affronter nos responsabilités. Il est encore temps d'agir. Néanmoins, devant la myriade d'actions possibles, quelles sont celles qu'il faudrait rationnellement mettre en oeuvre, à quel coût, à quelle intensité, et quand ? S'il est manifeste que nous avons jusqu'à présent privilégié la « fin de mois », jusqu'où aller pour renforcer la prise en compte des impacts à très long terme de nos efforts, et de leur soutenabilité ? Quelle confiance accorder à la croissance économique et à la recherche scientifique ? Dans sa leçon inaugurale, Christian Gollier présente deux outils opérationnels déterminants pour identifier les actions à mettre en oeuvre pour le climat : le taux d'actualisation et la valeur du carbone.
« Comment traite-t-on les vies ? Que fait-on des morts ? Ou plutôt, que dit d'une société la manière dont elle considère certaines vies, vies de travailleurs, vies d'exilés, vies de prisonniers, vies rendues vulnérables, inégales ? Et que révèlent de ses valeurs la façon dont meurent certains de ces travailleurs, certains de ces exilés ou certains de ces prisonniers, la façon dont on les laisse mourir ou dont on les expose à la mort, la façon dont on détourne les yeux de leur condition ou dont on se mobilise pour les protéger ? Au fond, comment se définissent les économies morales de la vie et de la mort dans le monde contemporain ? Telles sont les questions posées dans ce livre à propos de trois objets au regard desquels elles s'avèrent particulièrement pertinentes : le travail, l'exil et la prison. Ce choix n'est pas neutre. Il vise à éclairer des lieux où, souvent, la précarité des vies est rendue invisible et la douleur des morts indicible. » Issu du colloque qui s'est tenu au Collège de France en juin 2021, ce volume réunit des anthropologues, des historiens et des sociologues dont le travail tant empirique que théorique interroge avec force et clarté les problématiques fondamentales de notre société.
Le 24 février 2022, la Russie envahissait l'Ukraine, pays géographiquement et historiquement ancré à l'est du continent, mais qui proclama son indépendance du bloc soviétique en 1991 et se rapprocha peu à peu de l'Europe de l'Ouest. C'est dans le contexte brûlant des prémices de cette guerre qu'Angelika Nussberger a prononcé les quatre conférences qui composent ce livre. Au regard de la réception des idées des Lumières, des espoirs de construction d'une « maison commune européenne » (Mikhaïl Gorbatchev) et de la phase de désillusion après 2000, elle explore l'histoire de l'Europe sous l'angle du droit, montre en quoi la diversité non seulement des héritages juridiques - notamment constitutionnels - mais aussi des positions idéologiques peut représenter un obstacle à l'unité de l'Europe, et trace des voies possibles pour un avenir commun. Alors que le conflit russo-ukrainien cristallise aujourd'hui le clivage Est-Ouest, cet ouvrage éclaire l'actualité en analysant les divergences sur les valeurs fondamentales, à savoir la démocratie, les droits de l'homme et l'État de droit, qui fragilisent les relations entre l'Europe orientale et l'Europe occidentale depuis leur rencontre durant la décennie qui suivit la chute du mur de Berlin.
Le processus de mondialisation ouvre des possibilités inédites, mais suscite aussi des menaces pour l'être humain et l'ensemble de l'écosystème, provoquant ainsi un repli souverainiste dans un monde de plus en plus « déboussolé ». Quelle place, donc, pour un humanisme juridique au sein de la gouvernance mondiale ? Mireille Delmas-Marty confronte au récit de l'effondrement celui de la mondialité, communauté de destin unie et solidaire dans sa pluralité. Au croisement des droits nationaux et du droit international, elle revisite trois voies qu'elle avait explorées près de dix ans auparavant : résister à la déshumanisation, responsabiliser les acteurs globaux et anticiper les risques à venir. Ponctuée de nouveaux commentaires, et relue sous l'angle d'une « boussole des possibles », cette leçon de clôture prononcée en 2011 se révèle d'une actualité saisissante.
S'il n'est jamais superflu de rappeler que les sociétés africaines sont faites de la même étoffe historique que toutes les sociétés, c'est parce que les passés de l'Afrique sont restés longtemps méconnus. Être historien ou archéologue de l'Afrique, dès lors, consiste à désencombrer le passé autant qu'à en saisir la diversité : richesse de la littérature orale et de la documentation écrite, pluralité des langues et des religions, inventivité technique et sociale, cohabitation des formes politiques. Attentif aux multiples trajectoires historiques qui s'y manifestent, François-Xavier Fauvelle invite à écouter ce que nous apprend l'histoire de l'Afrique.
François-Xavier Fauvelle a dirigé le Centre français d'études éthiopiennes à Addis Abeba, de 2006 à 2009, et le laboratoire Traces à l'université de Toulouse Jean-Jaurès, de 2013 à 2017. Depuis 2019, il est professeur au Collège de France, titulaire de la chaire d'Histoire et archéologie des mondes africains.
Oscillant entre la presse et le livre, l'enfance et l'âge adulte, la caricature et le réalisme, jouant des cases et des strips, du découpage et de la mise en page, des phylactères et des onomatopées, la bande dessinée est un langage à part entière que ni le cinéma, ni le jeu vidéo, ni Internet n'ont menacé jusqu'à présent. Si le neuvième art a déjà donné naissance à bien des chefs-d'oeuvre, de Krazy Kat aux Aventures de Tintin, des Peanuts à Persepolis, des mangas au roman graphique, il est aujourd'hui plus divers et plus vivant que jamais. Dans cette conférence présentée le 7 octobre 2020 dans le cadre du cycle La bande dessinée au Collège de France, Benoît Peeters met en lumière les spécificités de ce médium parfois sous-estimé.
L'Islande fascine autant par la beauté et l'hostilité de ses paysages que par la richesse de sa culture, héritée des Vikings qui colonisèrent l'île au IXe siècle. Pétri de cet imaginaire nordique, l'univers des sagas islandaises demeure toutefois injustement méconnu, malgré son inscription dans l'édifice littéraire de l'Occident médiéval et son influence frappante sur la création actuelle. Qu'est-ce qu'une saga ? Dans quel contexte ce genre a-t-il émergé ? Quel rôle jouaient ces récits relatant des événements tantôt légendaires, tantôt historiques, tantôt contemporains de leur composition ? Que disent de la société insulaire et de son identité ces textes ambigus ? Autant de questions auxquelles Torfi H. Tulinius répond par une lecture à la fois historique, littéraire et esthétique qui apporte un éclairage précieux. De la Saga d'Egil à la Saga de Snorri le Godi, en passant par la Saga de Njáll le Brûlé et bien d'autres encore, l'auteur explore les thèmes de la mémoire, de la violence et de la poétique qui traversent ces oeuvres exceptionnelles.
« Je ne savais pas comment nommer cette dernière leçon, oscillant entre les deux voies que je me suis efforcé de suivre tout au long de ce dernier cycle de cours et durant l'avant-dernière heure encore : une tentation mélancolique, celle des artistes qui réclament une "seconde chance" pour réaliser enfin leur chef-d'oeuvre, et une espérance rédemptrice, chez ceux qui acceptent de n'être rien de plus que l'avatar d'une lignée. Polarité qui ne concerne pas seulement les créateurs, mais peut-être bien aussi les professeurs. » Dans sa quête d'un titre pour sa leçon de clôture prononcée au Collège de France en janvier 2021, Antoine Compagnon convoque ses auteurs de prédilection - de Montaigne à Proust, en passant par Chateaubriand et Baudelaire - et se livre à une série de variations sur le départ, la cessation d'activité, l'immortalité.
Le mythe est, essentiellement, un déplacement, une métaphore, une traduction, une parole qui signifie « emporté d'un lieu à un autre ». Les mythes sont transformés, altérés, renouvelés pour correspondre aux besoins d'un temps et d'un lieu. Ils restent néanmoins eux-mêmes, n'étant pas créés en tant que fabrications de l'imagination humaine mais comme des manifestations concrètes de certaines intuitions primordiales. Pour inaugurer la chaire annuelle L'invention de l'Europe par les langues et les cultures du Collège de France, créée en partenariat avec le ministère de la Culture, Alberto Manguel analyse dans l'espace et le temps le mythe d'Europe, dont le contenu pourrait constituer la pierre de touche qui donne aux peuples européens une identité commune intuitive.
Quelle place l'Europe occupe-t-elle sur la scène internationale ? Et quelle voix est-elle prête à faire entendre pour rester maîtresse de son destin ? Alors que la pandémie de Covid-19 rebat les cartes de l'ordre mondial en frappant jusqu'aux plus grandes puissances, l'heure de la métamorphose géopolitique de l'Union européenne semble avoir sonné. Tel est du moins le constat fait par Luuk van Middelaar dans cet ouvrage qui réunit ses quatre conférences prononcées au Collège de France durant le printemps 2021. Après une tentative de définition du concept de « géopolitique », y sont tour à tour analysés les événements survenus depuis 2014 qui ont contribué au « réveil » du Vieux Continent : les crises russo-ukrainienne et turco-grecque, qui ont ébranlé notre vision des frontières ; la crise sanitaire, qui a agi en révélateur de l'hégémonie chinoise ; la crise transatlantique, qui rend de plus en plus manifestes des divergences entre les intérêts des États-Unis et les nôtres. Interrogeant les réactions de l'Europe face à ces chocs successifs, l'auteur conclut que seul un récit commun, dépassant le cadre des valeurs qu'elle s'est donné pour mission de défendre après 1945, pourra aboutir à une Union confiante et respectée.
Bilbo le Hobbit, les Chroniques de Narnia et Le Seigneur des anneaux ont habitué leurs lecteurs à rencontrer dans le livre une ou plusieurs cartes des territoires qu'ils décrivent. En allait-il de même pour les lecteurs des fictions de la première modernité, entre les XVIe et XVIIIe siècles ? L'introduction de cartes n'allait pas de soi. Leur impression augmentait le coût des ouvrages, et la capacité des mots à produire des images mentales les rendait inutiles. Néanmoins, les cartes apparurent dans les oeuvres d'imagination. Initiée avec les cartes des itinérances de don Quichotte et menant jusqu'aux éditions vénitiennes d'oeuvres de L'Arioste et de Pétrarque, cette enquête s'est principalement attachée à deux généalogies. La première, anglaise, donne à voir les périples d'un voyageur imaginaire présenté comme bien réel : elle conduit des Voyages de Gulliver de Jonathan Swift à L'Utopie de Thomas More. La seconde, française et allégorique, a pour origine la Carte de Tendre, insérée dans la Clélie de Mademoiselle de Scudéry, et inclut les cartes galantes ou polémiques qui l'ont imitée. Selon les époques et les lieux, les cartes des fictions ont assumé divers rôles. Elles ont représenté des mondes à l'envers, satiriques, critiques ou utopiques ; elles ont brouillé la distinction entre le monde du livre et celui du lecteur ; elles ont nourri la raison et les rêves, au-delà même de la lettre du texte. Cheminant d'oeuvre en oeuvre, Roger Chartier offre dans cet essai une nouvelle approche de la mobilité des fictions et de leurs interprétations.
Collection « Leçons inaugurales », Collège de France
François Héran
Migrations et sociétés
Quatrième de couverture [1097 signes]
Les migrations internationales, au-delà des épisodes spectaculaires qui polarisent l'attention et soulèvent les passions, sont une composante ordinaire de la dynamique des sociétés, mais continuent de faire l'objet de visions très contradictoires. Si l'analyse démographique permet de cerner l'ampleur des migrations, il faut mobiliser d'autres disciplines pour saisir toutes leurs dimensions - géopolitique, historique, anthropologique, économique, mais aussi juridique et éthique. Car les migrations, liées à l'origine aux besoins des économies nationales, sont de plus en plus alimentées par la logique des droits universels. Une mutation à la fois décisive et fragile.
François Héran a mené un double parcours à l'Ined, qu'il a dirigé de 1999 à 2009, et à l'Insee, où il a mené de vastes enquêtes sur l'évolution de la société française, en y intégrant la dimension migratoire. Il dirige désormais l'Institut Convergences Migrations porté par huit institutions sous la conduite du CNRS. Depuis janvier 2018, il est professeur au Collège de France, titulaire de la chaire Migrations et sociétés.
Chaire Mondes francophones 2018-2019
« Dire Haïti et sa littérature autrement, c'est se demander, à travers les mots de ses écrivains et de ses écrivaines, quel éclairage peut apporter aujourd'hui au monde francophone, sinon au monde tout court, l'expérience haïtienne. Comment, à partir d'un fait historique de l'ordre de l'impensable, à savoir une révolution victorieuse, menée dès la fin du xviiie siècle par des hommes et des femmes transplantés d'Afrique en Amérique et réduits en esclavage, se met en place une civilisation dont la littérature sera un élément majeur. Comment, dans l'impasse qui suit cette révolution, ces hommes et ces femmes dépossédés, déplacés, déstabilisés linguistiquement, n'ont pas cessé de dire ou d'écrire un rêve d'habiter, démontrant par là même que la littérature commence souvent là où la parole devient impossible. »
Yanick Lahens est une écrivaine haïtienne. Ses romans ont reçu de nombreuses récompenses, notamment le prix Femina en 2014. Son enseignement au Collège de France en 2018-2019 a inauguré la chaire annuelle Mondes francophones, créée en partenariat avec l'Agence universitaire de la francophonie.