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Encre Marine
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Sangai yuishin / « Le triple monde : le coeur » : Extrait de Shobogenzo de Dogen Zenji Maître Zen du XIIIe siècle
Dôgen, Hiroshi Sugimoto, Charles Vacher
- Encre Marine
- 18 Avril 2025
- 9782350882178
Dogen écrit ce texte alors qu'il vient de s'exiler en 1243 loin de Kyoto, de ses débats et combats entre écoles rivales, de la violence et de l'insécurité qui y règnent, pour s'installer dans les montagnes du « nord du nord » du Japon. Il y restera jusqu'à la veille de sa mort survenue en 1253.
Cet exil marque une rupture dans son action et dans sa pensée : entouré de ses élèves, il dirige la construction du grand monastère de Eihei-ji ; il formalise la gouvernance de la communauté des moines, bien décidé à revenir au coeur du bouddhisme : une vision du monde où nous vivons, un monde ouvert, sans clôtures ni divisions, où jouent le manifeste et le secret, le connu et l'inconnu, le dit et les non-dits.
Il rétablit le « triple monde », une notion de la scolastique, dans son état premier qui est le monde où vivent tous les êtres appartenant aux règnes d'existence, l'animal, le végétal et le minéral, en invoquant le « coeur », sans lequel les trois mondes n'existeraient pas. Le « coeur » n'est ni l'esprit, ni le mental, ni la conscience, ni l'âme apposée ou opposée au corps, mais ce lieu non substantiel, complexe, changeant qui noue et dénoue en réponse aux choses et aux événements, qui se résout dans l'universelle vanité.
Fidèle à son style, dense et hétéroclite, alliant des éléments autochtones (langue et sensibilité japonaises, traces de son éducation classique) à des emprunts extérieurs (chinois des sutras, chinois parlé, expressions vernaculaires apprises dans les monastères du continent), il expose l'unité du « triple monde » et du « coeur ».
La traduction française de Charles Vacher, affranchie d'une stricte littéralité, se veut fidèle et en langage simple. Ses nombreuses annotations éclairent le lecteur et lui permettent d'accompagner Dogen dans sa pensée. -
Le tragique a mauvaise réputation, dans la langue courante (et journalistique) qui l'associe spontanément à la catastrophe, comme dans le jargon philosophique qui l'associe (souvent) à l'abattement et au pessimisme. On ignore ainsi la vertu première de l'esprit de la tragédie grecque et de la philosophie qu'elle a insufflé : une philosophie du courage, de l'assomption (de l'existence, du temps, en un mot, du tragique), et de la joie qui en résulte. Cet essai invite à rebrousser chemin.
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Les matins de l'esprit ; mon ami Clément Rosset
Clément Rosset
- Encre Marine
- 8 Octobre 2021
- 9782350881911
« Mais quelle est la source de cette force qui nous laisse sans peur devant la source de la peur, sans désarroi devant la source du désarroi ? À quelle puissance la joie trouve-t-elle soudain cette force qui lui permet de résister à l'effet corrosif d'une tragédie à laquelle elle s'expose ? Telle est la question essentielle à laquelle nous devons enfin proposer une réponse. ».
Voici ce dont un Clément Rosset d'à peine 21 ans rapporte l'expérience et l'analyse dans cet essai inédit qui préfigure de manière originale bon nombre de ses réflexions ultérieures, et notamment celle-ci : l'impossibilité de rendre raison de la joie tragique, lucide d'exister.
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Olivier Bloch et Antoine Léandri proposent ici une nouvelle traduction de l'Ethique à Eudème d'Aristote, qu'ils ont effectuée d'après la dernière édition critique de l'ouvrage, celle de Richard Walzer et Jean Mingay (Oxford Classical Texts, 1991), non sans s'en écarter lorsque cela leur a paru nécessaire, comme ils s'en expliquent dans les notes. Il est question ici de choses aussi bizarres et désuètes que le bonheur, le courage, ou l'amitié, et par raccroc le plaisir, l'intelligence, la santé, la justice, la politique, le divin, etc. L'introduction précise la nature de l'oeuvre, et les problèmes qu'elle pose, par son titre, par ses rapports avec l'autre " Ethique " aristotélicienne, la plus notoire, l'Ethique à Nicomaque, du point de vue de leur ton, de leur contenu, de leur structure (les deux ouvrages comportent trois livres communs, lesquels, comme c'est la règle éditoriale, ne sont pas traduits ici), de leur différence et de l'interprétation qu'il faut en donner (question, en particulier, de l'évolution prêtée à la pensée d'Aristote par nombre de commentateurs). Elle se termine sur un aperçu concernant l'établissement du texte. Ces préliminaires, comme la traduction elle-même, les notes de bas de page critiques et explicatives qui l'accompagnent, et la bibliographie sélective qui s'y ajoute, s'adressent à la fois à l'amateur éclairé, auquel ils devraient rendre l'ouvrage accessible, et aux spécialistes dont on espère qu'ils pourront y trouver intérêt dans leurs enseignements et leurs recherches.
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La mort d'Agrippine, la seule tragédie que Cyrano de Bergerac ait écrite, fit scandale pour ses "belles impiétés" : elle met en scène le libertinage de pensée le plus radical, dans un monde politique machiavélien d'une noirceur, d'une cruauté et d'une violence inouies. Il est temps de redécouvrir la sombre splendeur et le potentiel critique de cette oeuvre sulfureuse et aujourd'hui trop méconnue, dont l'un des héros principaux, Séjanus, "soldat philosophe" ouvertement athée, tient des propos de "déniaisé" imprégnés de la philosophie de Lucrèce, et fait écho à toute une littérature clandestine dénonçant, en ces mêmes années, autour de Cyrano, l'invention et l'utilisation politique des religions.
Mais dans l'horizon de cette politique baroque où tout est feinte, mensonge, dissimulation, l'épicurisme subit des distorsions étranges, et l'émancipation de l'"esprit fort" à l'égard des croyances asservissantes et des importures théologico-politiques ne débouche que sur un échec spectaculaire et une sanglante mise à mort.
Le teste de La Mort d'Agrippine est précédé d'un essai préfaciel de Jean-Charles Darmon ("L'Athée, la politique et la mort : variations sur "de belles impiétés"") qui s'emploi à situer ses questionnements corrosifs dans l'oeuvre de Cyrano et au sein de la réflexion politique complexe de ceux que l'on nomme les "libertins érudits" du premier XVIIe siècle français. En annexe figurent d'autres extraits de l'oeuvre de Cyrano (des Lettres satiriques aux Etats et Empires de la Lune et du Soleil) où divers thèmes récurrents de la pensée libertine en matière de politique affleurent sur des modes spécifiques.
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La compassion est devenue, peu à peu, dans notre aire culturelle mondialisée, le signe de l'" humanité " en nous. À présent, sa domination non seulement sur la morale mais sur la représentation que les hommes se font d'eux-mêmes comme de leurs rapports sociaux et politiques, est si indiscutable qu'une idéologie récente comme celle du " Care " (soin, sollicitude, souci de l'autre, aide apportée à l'autre) s'y enracine entièrement. Pourquoi un tel empire ? Pour le comprendre, ne faut-il pas se demander quand et comment l'identification de la vertu d'humanité à la compassion s'est produite ? C'est là l'un des objectifs du présent essai qui prend son départ dans l'articulation du problème philosophique suivant : la compassion relève-t-elle de l'amour ou de la justice ? Il m'a semblé qu'une fois définie la compassion et retracées les grandes étapes de son histoire conceptuelle (d'Aristote à Levinas), une importance toute particulière devait être accordée à la position de Nietzsche, pour qui le respect du malheur que nous nous imposons au nom de la morale représente le pire des malheurs qui puisse frapper l'humanité considérée dans sa globalité. P A.
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Figure du sage par excellence, Épiménide de Crète reste un personnage mystérieux dont les multiples facettes ont fasciné les Anciens comme les Modernes et dont le nom demeure attaché au « paradoxe du menteur ». Comme purificateur et médiateur, Épiménide intervient efficacement dans l'Athènes archaïque pour mettre fin à l'état de crise que connaît alors la cité. Comme devin, il fait diverses prédictions, mais devient surtout fameux pour sa capacité de chercher la racine des maux présents en scrutant le passé. Comme ascète, il pratique le jeûne et donne l'impression de ne jamais manger. Et la tradition littéraire a prêté bien de prodiges à cet être devenu légendaire pour son long
sommeil et sa longévité exceptionnelle.
Démêlant les traits légendaires des faits historiques, Hubert Demoulin (1876- 1962) s'est penché sur le « dossier Épiménide » avec beaucoup de sérieux, en réussissant à produire une synthèse passionnante et accessible à tous, fondée sur une parfaite maîtrise des sources antiques. Cette étude classique représente encore aujourd'hui le seul traitement monographique de la figure énigmatique du Crétois.
Pour compléter l'étude de H. Demoulin, on trouvera une présentation introductive de C. Macris avec une mise en perspective historiographique de ce travail pionnier. Pour en faciliter la lecture, les sources antiques citées en grec ou en latin ont également été traduites. Cette nouvelle édition revue et augmentée (comportant index, table de concordance, dossier, orientation bibliographique par thèmes) donnera ainsi, nous l'espérons bien, une deuxième vie à ce joyau de la recherche francophone sur la religion et la sagesse grecque archaïque, tout en réveillant le vieux sage de son grand sommeil en plein milieu du XXIe siècle. -
La recherche de l'absolu et le devenir des corps, de Plotin aux romantiques allemands Tome 2 : une histoire critique de la philosophie occidentale
Arnaud Villani
- Encre Marine
- 6 Septembre 2024
- 9782350882147
Ce deuxième volume d'une Histoire critique de la Philosophie occidentale, aux éditions Les Belles Lettres - faisant suite à L'Énigme de la philosophie grecque -, couvre une période de seize siècles. Il n'était donc pas envisageable de consacrer une étude détaillée à chaque philosophe important. Mais j'ai tenu à faire apparaître, pour chacun de ces philosophes ou penseurs, des éléments pouvant s'inscrire de façon pertinente dans le thème d'une guerre, consciente ou inconsciente, des idées et des concepts pour s'opposer autant que possible à la présence et la prégnance des faits, des corps et de la Nature, autrement dit, les minimiser, voire les éliminer.
Le troisième et dernier volume sera consacré à la période qui va de Hölderlin aux philosophes et penseurs contemporains, avec sa richesse incomparable de renversements et de revirements
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Incipit vita nova !... Ainsi s'expriment les créateurs quand ils créent. Et peu importe ce qu'ils créent - des images, des poèmes, des concepts ou des dieux. Incipit vita nova est ce qu'affirment les créateurs, en silence ou à voix haute, parce que créer est au commencement d'une vie nouvelle, ce commencement lui-même.
Pour être lié au commencement de quelque chose qui parvient à prendre forme grâce à lui, l'acte de création ne fait jamais la part belle aux puissances destructrices qui font inlassablement le siège de la vie afin d'y mettre fin. De même qu'il n'entend rien concéder à cet insidieux esprit de morbidité, à ce démon mortifère, que l'on voit régner un peu partout dans le monde de la culture. Au contraire, créer est cet événement
générateur et généreux, singulier et singularisant, vital et vivifiant, qui élève en plein coeur de la vie comme une protestation de survie, à tous les sens du mot « survie ».
Pour l'éprouver à tout moment dans le tréfonds sa chair, tout créateur sait bien que l'antonyme de « mourir » n'est jamais « vivre », mais « créer ». C'est là, en tout cas, une des thèses que vise à élaborer et à justifier la théorie esth/éthique qui occupe
la première partie de cet ouvrage, sa seconde partie étant consacrée à mettre en oeuvre la question de l'expression comme « ex-pression » du Soi. -
La fin des phénomènes n'est pas la fin du monde. Seulement l'essoufflement d'un monde. C'est la dissipation, que l'ère numérique a précipitée, du mode d'évidence propre à la représentation comme relation franche d'un sujet à des objets. Ceux-ci ne sont plus perçus ni pensés comme des « entiers », car ils sont soumis à des processus de réduction (dissolution) qui n'ont de cesse de dynamiter l'unité clairement dessinée qu'ils présentaient tant pour l'esprit que pour la sensibilité.
En ce sens, la fin des phénomènes désigne simultanément l'invalidation de la métaphysique, dans la mesure où celle-ci oppose en les appariant les sensibles et les intelligibles : deux classes d'objets corrélés dans leur séparation. La crise de l'objet est le dernier avatar de la déconstruction du sujet.
Si le phénomène est ce qui apparaît, la Figure est ce qui transparaît.
Elle n'est pas seulement image, mais événement, dans lequel l'annonce est voilée, obligeant à l'interprétation. Tertullien ne dit-il pas de la figura qu'elle est aussi umbra ? À un monde de l'évidence tranchant sur l'opacité qui l'environne, se substitue ainsi l'univers unique d'une transparence ombreuse. La Figure en tant qu'image vérace, est selon l'auteur, l'instrument de pensée qui, après la fin des phénomènes, rebat radicalement les cartes héritées de la métaphysique (le chôrismos platonicien, soit la participation dans la séparation du sensible à l'intelligible) en s'inspirant à la fois de sources chrétiennes (Pascal) et de l'oeuvre de Rainer Maria Rilke, poète et penseur de la Figur. -
Les bonheurs de Sophie ; une initiation en 30 mini-leçons
Dominique Janicaud
- Encre Marine
- 21 Août 2012
- 9782350880570
Mystérieuse. C'est ainsi qu'est né ce petit livre : de la perplexité d'élèves de Première désireux de faire connaissance avec la Philosophie durant leurs vacances d'été. S'il existe en effet beaucoup de manuels et d'ouvrages scolaires, aucune initiation préalable ne répond à cette situation unique et singulière.
L'auteur a donc tenté de combler une lacune en guidant le plus agréablement possible l'élève qui vient de terminer sa Première vers des travaux plus documentés, plus précis et, bien sûr, vers les textes fondamentaux des grands philosophes. Ces trente mini-leçons, correspondant aux trente jours d'un mois d'été, constituent, du fait des circonstances de leur composition, le testament philosophique de l'auteur à l'usage des jeunes générations.
La langue claire, élégante et mesurée, le ton souriant de cet ouvrage sans pesanteur le destinent à tous ceux qui s'intéressent aux enjeux de la réflexion philosophique. Puissent-ils y prendre plaisir et tomber sous son charme !
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Shobogenzo muchu setsumu : en rêve, dire le rêve
Dôgen, Hiroshi Sugimoto
- Encre Marine
- 22 Octobre 2021
- 9782350881935
En rêve, dire le rêve fait partie des textes fondamentaux de Dogen (1200-1253) nécessaires à la compréhension du « Shobogenzo » et du bouddhisme qu'il représente, le Zen. Cependant, peu de traducteurs occidentaux se sont aventurés à en faire une analyse en profondeur.
Le « rêve », selon la tradition du bouddhisme, se développe selon deux axes qui se confondent : le caractère illusoire et éphémère du monde conventionnel et le vide, où toutes les distinctions et dichotomies se trouvent abolies.
Ce « rêve » unitaire est le monde archétypal où évoluent les bouddhas, un archétype qui inspire tous les bouddhas depuis un temps immémorial.
La traduction proposée par Charles Vacher est accompagnée d'un important appareil critique : introduction conséquente et commentaires.
Françoise Dastur, philosophe et phénoménologue, a rédigé une postface qui élargit le débat et met en regard la pensée de Dogen et la philosophie européenne.
L'ouvrage est complété par la photographie d'un artefact propre au bouddhisme japonais, le stupa des Cinq Éléments. L'artiste japonais, Sugimoto Hiroshi, qui fait de la lumière son champ d'action, en a réalisé une version très originale. Un essai lui est consacré. -
Cette lumière est l'un des fascicules de l'oeuvre maîtresse de Dôgen, le Shôbôgenzô, qui réunit les discours adressés à ses élèves. Entré dans sa quarantième année, il compose ceux qui constituent le coeur philosophique de son oeuvre.
La traduction ici proposée fait suite aux traductions déjà proposées par Charles Vacher, les plus récentes étant Je suis temps et En rêve, dire le rêve.
Cette lumière, insaisissable par l'intellect, insubstantielle, immense et indivise, habite tous les êtres, tout ce qui existe. Et, c'est seulement par sa réflexion sur la nature de l'esprit, dans l'exercice de la méditation assise, autrement dit par la pratique de soi, que l'homme peut y accéder et ainsi s'éveiller à la réalité, lumineuse, fluide, luxuriante qui est celle du monde qui l'entoure -
Le premier livre d'André Leroi-Gourhan, publié en 1936, méritait bien une seconde édition. La Civilisation du renne, dédiée à Marcel Mauss, est certes un livre de jeunesse, comme le pointe Lucien Febvre, mais c'est aussi un livre-promesse, un livre-jalon, car l'ambition extrême de l'auteur, alors âgé de 25 ans, le pousse à multiplier les incursions dans un nombre considérable de disciplines (géographie, ethnologie, technologie, préhistoire, orientalisme) qu'il entend coordonner afin d'étudier, en dépit de l'éloignement temporel et du déplacement des milieux climatiques, trois époques d'une même culture du renne en milieu arctique (toundra-taïga) : dans l'Europe du Pléistocène, chez les Eskimos actuels, chez les peuples qui ont domestiqué l'animal.
Le livre est impressionnant par « une masse de faits et d'idées à méditer, et de perspectives singulièrement larges sur le plus lointain passé de l'humanité » (Febvre encore). Il annonce tant les maîtres-livres de l'auteur sur la technologie, que son livre illustré sur la Préhistoire de l'art occidental (1965) ou encore son chef d'oeuvre qui sut toucher un large public cultivé au-delà des spécialistes, Le Geste et la parole, dans lequel l'auteur interroge l'avenir de l'homme en prenant appui sur son passé à l'échelle paléontologique.
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« Ce petit livre est consacré à une dernière (je l'espère pour moi et pour mes lecteurs) tentative d'analyse et de description de la joie de vivre et de la joie d'exister. » Clément Rosset
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Les choses mêmes : la pensée du réel chez Aristote
Gilbert Romeyer-dherbey
- Encre Marine
- 15 Avril 2022
- 9782350881966
Quand on lit Aristote dans son texte, on est frappé par la fréquence du retour d'expressions comme « la science de la chose », « à partir de la chose elle-même », « dans la nature de la chose » ; les physiciens présocratiques n'ont pu deviner l'essence, dit Aristote, que parce qu'ils ont été « poussés par la chose elle-même ». Si ce retour insistant ne se manifeste pas toujours dans la version française du texte, c'est parce que le terme grec de pragma/p???µa recueille en lui tout un faisceau de sens que la traduction fait éclater en termes distincts : p???µa se traduit par chose, mais aussi par cause, au sens juridique du terme, et par affaire. ????µa recouvre donc le champ des choses naturelles, mais aussi celui de la politique ; qui est l'affaire de tous et la cause d'un chacun, et que les Anciens nommaient « affaires communes » et « chose publique ». Ce sens anthropologique s'est oblitéré de nos jours, si bien que la signification de p???µa est beaucoup plus large que celle du vocable moderne de chose.
La largeur du champ de p???µa invite à faire porter l'analyse sur l'ensemble de l'oeuvre d'Aristote. Sous son aspect négatif d'abord, avec la critique de là sophistique et du platonisme ; sous son aspect positif ensuite, tel qu'il se déploie en trois perspectives essentielles : la relation de l'homme aux choses par la connaissance ; la nature propre de la chose concrète telle qu'elle subsiste par soi dans la nature ; la réalité politique, qui certes est l'oeuvre de l'homme, mais qui aussi subsiste à l'extérieur de lui dans la Cité d'une manière autonome comme ré-publique.
On sait que les textes publiés par le Stagirite ont été perdus, et que le Corpus est constitué de notes de cours rédigées à des époques différentes. C'est dire que le philosophe méditant les écrits d'Aristote ne peut faire l'économie de considérations philologiques, lesquelles ne sont pas ici surcharge érudite mais font corps avec l'interprétation. Ainsi, l'étude précise de l'évolution d'Aristote dans sa théorie du sentir éclaire la genèse du traité De l'âme et invite à reconsidérer le problème de la date de sa rédaction.
On résume souvent par le mot de « réalisme » l'inspiration de la pensée d'Aristote, réalisme « naïf » ajoutent certains naïfs pour désigner une pensée parfaitement au fait de ses présupposés. Mais si le réalisme se définit comme visée du réel, il se trouve affecté d'une énorme ambiguïté puisque la réalité est ce que tente d'exprimer toute philosophie. Une inspiration philosophique va donc se caractériser par le lieu particulier où elle invente de situer ce réel énigmatique ; si Aristote ramène la philosophie du ciel sur la terre c'est parce que, refusant de voir ce réel dans un monde idéal séparé, il veut lire l'essence dans les choses de ce monde, les p???µata. Le recours ici fait, à travers la pensée d'Aristote, au sens ancien de p???µa vise à revaloriser la notion de chose, à lui redonner l'ampleur qu'elle a perdue en se bornant à désigner de nos jours l'objet simplement inerte. -
Esquisse d'une morale sans obligation ni sanction
Jean-Marie Guyau
- Encre Marine
- 3 Octobre 2008
- 9782350880037
publiée pour la première fois en 1885, l'esquisse d'une morale sans obligation ni sanction nous propose une théorie éthique inspirée par l'évolutionnisme et la psychophysiologie naissante.
son principe, la tendance de la vie à plus d'expansion et plus d'intensité, permet à son auteur, jean-marie guyau (1854-1888), de se placer en concurrence des " deux tendances de la morale " selon lui : l'utilitarisme anglo-saxon et le kantisme continental. il le conduit aussi à nous offrir la perspective originale d'une " morale de la vie " dans ce livre " raffiné, mélancoliquement courageux " (nietzsche).
né en 1854 à laval, jean-marie guyau est le fils d'augustine tuillerie, connue pour avoir publié sous le pseudonyme de giordano bruno plusieurs livres, dont le fameux tour de france de deux enfants (1877) ; il est le beau-fils du philosophe alfred fouillée, qui diffusera sa pensée et publiera une partie de l'oeuvre de guyau après sa mort précoce (1888). guyau, historien de la philosophie morale, historien des religions, philosophe de l'art et théoricien de la pédagogie, était aussi l'auteur de manuels de lecture et de classiques scolaires, un poète, un musicien.
esquisse d'une morale sans obligation ni sanction, pour la première fois publiée avec l'indication des modifications apportées à la première édition, est sans conteste son ouvrage le plus personnel et le plus fameux.
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Vers une pensée mouvement : voyage entre les choses et les mots
Arnaud Villani
- Encre Marine
- 8 Septembre 2023
- 9782350882062
Travaillant sur les Présocratiques, j'avais remarqué une profonde différence entre ce que dit Parménide dans son Poème, et les commentaires traditionnels qui font de lui un logicien, un métaphysicien de l'Un absolu, écrasant le réel multiple de toute sa hauteur. Cette prise de conscience s'est approfondie lorsque j'ai constaté que cette disjonction, initiée par Socrate et Platon, prenait la forme d'une vraie fracture entre « anciens » partisans du cosmos, de la nature et des corps, et partisans « nouveaux » de l'humain, avec sa culture, ses concepts et son monde d'idées. J'ai alors soumis l'histoire de la philosophie grecque à un examen tendant à vérifier l'existence de cette guerre oubliée entre « Nature » et « Culture ». Les résultats de cette recherche ont été récemment publiés par les éditions Les Belles Lettres, collection « Encre marine », sous le titre : L'Énigme de la philosophie grecque. J'y désignais la pensée des corps : « pensée-mouvement », et la pensée des idées : « pensée-substance ». Une telle distinction demandait évidemment à être soumise à discussion. Elle demandait aussi de préciser les caractères de cette pensée-mouvement, sans doute plus moderne qu'on ne l'imagine. C'est pourquoi j'ai rédigé l'ouvrage que les Belles Lettres « Encre marine » présentent aujourd'hui, sous le titre : Vers une pensée-mouvement. Voyage entre les corps et les mots.
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Sourire résigné. - Un autre fera ce que je n'ai pu faire, je ne suis, peut-être, que le primitif d'un art nouveau. Puis, une sorte de révolte effarée le traverse. - C'est effrayant, la vie, ! Et comme une prière, dans le soir qui tombe, je l'entends qui, plusieurs fois, murmure : - Je veux mourir en peignant, mourir en peignant...
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Cette vie est en même temps sa propre invention, saisie et voulue comme telle. Elle met en scène les actes de rupture, les créations et les fulgurances qui sont en fait le déploiement même du Désir et de la liberté. Dans le mouvement concret de la vie, dramatique ou comblée, prend place aussi le mouvement de la réflexion.
L'auteur suit le fil mnémonique de sa propre pensée et rend compte du travail et de la gestation de chacun de ses livres. L'oeuvre qui a exprimé et construit la vie heureuse est ici éclairée en retour par cette vie même. Une vérité, ni morale ni psychologique, prend forme peu à peu : au-delà de toutes les idéologies du siècle, une philosophie du sujet et de la liberté peut être à la fois le miroir d'une vie et la source même de cette vie.
C'est la pensée de la liberté heureuse qui crée et la liberté vraie et la joie.
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L'ouvrage ici présenté ne prétend pas constituer une histoire de plus de la philosophie grecque. Pour tenter d'en résoudre l'énigme, il propose une histoire à deux caractéristiques typiques : 1) elle est gouvernée, des premiers Milésiens jusqu'aux Néo-platoniciens tardifs, par une idée qui sert de trame. Autrement dit, ce n'est pas le récit d'une évolution des systèmes sur un mode paisiblement chronologique, mais l'illustration d'une formidable guerre dans la pensée, d'un « combat de géants » que j'ai déjà évoqué dans d'autres ouvrages, et qui demande d'interroger le fait majeur d'un « virage dans la pensée » dont l'Occident provient ; 2) cet aspect polémologique de la première philosophie m'a semblé reposer sur un changement de paradigme : on serait passé d'une pensée-mouvement, ambiguë, s'intéressant non pas aux êtres et aux choses, mais à l'intervalle ou l'interstice entre ces entités, et voyant dans cet intervalle le mouvement vif de la réalité et le gage paradoxal de sa stabilité contrastée - à une pensée-substance, tenant les formes diverses (corps et en concepts), pour des réalités arrêtées et « absolues », entre lesquelles nul partage n'existe que hiérarchique, les unes pleinement positives, vouées à prendre la direction des affaires, les autres traînant leur vie d'inférieures au service des premières. Je fais l'hypothèse que ce passage d'une pensée à un autre a laissé sa trace dans la forme « duel » du grec, dont on peut noter qu'elle disparaît en latin : ni « un » ni « deux », mais l'unité duelle d'un conflit créateur, aucun des antagonistes n'ayant de raison de céder devant l'autre. La pensée grecque, sous sa forme crépitante, serait l'histoire de ce paradigme perdu et de la longue bataille qui en est résultée.
L'ouvrage est destiné à tout public, excepté les notes en encadré, plus techniques -
Les textes choisis du Journal de Kafka traitent du corps souffrant, de la famille, de l'identité, et servent de support au travail de l'artiste Anne Gorouben qui les dispose et les interprète à la mine de plomb.
Il n'est ici pas question d'illustrer un texte mais d'offrir au lecteur de voir l'invisible que les mots ne peuvent traduire. « Avec chaque bouchée du visible une invisible bouchée nous est donnée. Sous chaque vêtement visible un invisible vêtement. » Ces propos de Kafka pourraient servir de viatique à cet ouvrage.
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Entrevoir et vouloir ; Vladimir Jankélévitch
Lucien Jerphagnon
- Encre Marine
- 9 Février 2016
- 9782350880983
« Je travaille pour le XXIe siècle. » Bonne raison pour y rendre de nouveau présente cette courte initiation qu'on m'avait demandée au siècle dernier. On était alors dans ces années de l'après-guerre, où par-delà les désastres et crimes imprescriptibles, chacun se refaisait tant bien que mal une santé et un moral, et tentait de redonner un sens à l'humain. Comme tout un chacun, je cherchais des réponses, des solutions, bref, un absolu, et qui - excusez du peu - se serait traduit en mots. Des mots, on en trouvait. La mode était à l'existentialisme, au marxisme, au personnalisme et autres mots en isme. Des mots, des mots, mais d'absolu, point. Tel, du moins, que je m'en faisais l'idée - ou l'image. Jusqu'au jour où me tomba entre les mains un livre de Jankélévitch. Nous étions en 1949 : c'était la première édition du Traité des vertus. Et si je ne craignais de pousser un peu loin le pastiche, je dirais que m'advint ce qui était arrivé à saint Augustin à qui l'on avait prêté des textes de Plotin et de Porphyre : ma façon de voir s'en trouvait changée du tout au tout. Je n'aurais de cesse, à mesure que passeraient les années, que je n'aie lu l'oeuvre en son entier. Mais sur le moment, comment aurais-je imaginé que onze de ces volumes me seraient offerts au cours des ans par leur auteur, avec un mot de sa main ?
Lucien JERPHAGNON
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Les études réunies dans ce livre portent sut l'histoire de la philosophie antique, des présocratiques aux stoïciens, avec une préférence pour Aristote. L'ouvrage regroupe des articles parus dans diverses revues et des contributions à des ouvrages collectifs ; certains textes sont inédits ou inédits en français.
Entendre la parole des Anciens exige de nous un effort particulier, puisque le monde qui était le leur a disparu. Or la philosophie, bien qu'elle vise à l'universalité, fait malgré tout partie d'un monde ; elle entretient une correspondance étroite avec des formes culturelles (religion, art, littérature) qui avaient élaboré des évidences dont certaines étaient si fondamentales, si consubstantielles à l'être-grec, qu'elles allaient sans dire. La philosophie elle-même ne les énonçait pas, c'est pourquoi l'histoire de la philosophie se doit de dire ce qui, à l'origine, allait sans dire, afin de faire appréhender au lecteur actuel des évidences qui, depuis, se sont déplacées.
Faire surgir ces évidences oubliées exige que l'on se dépayse et que l'on vive soi-même dans le monde dont on parle. Démarche de patience et de douceur, qui ne cherche pas à faire comparaître les textes du passé devant le tribunal de la modernité, mais qui s'avance à l'écoute de cette parole archaïque, vers elle qui a fait tant de chemin vers nous.