Grasset
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Vipère au poing est le récit, largement autobiographique, du combat impitoyable que livrent Jean Rezeau, dit Brasse-Bouillon, et ses frères, à leur mère, Folcoche. Jean Rezeau, que nous suivons de quatre à seize ans, n'est pas pour autant un enfant martyr. Il a beaucoup trop de combativité pour être de ceux qui subissent : la haine l'occupe comme d'autre la tendresse. N'avoue-t-il pas, à la dernière ligne : « Merci ma mère ! Grâce à vous, je suis celui qui marche, une vipère au poing ».
Cri de haine et de révolte, Vipère au poing, le premier roman d'Hervé Bazin, lui apporta la célébrité et le classa d'emblée parmi les écrivains français les plus lus de notre époque. -
Siddhartha, sorti en France en 1925, est une profession de foi individualiste contre toutes les doctrines, une condamnation de la puissance, de l'argent, un éloge de la vie contemplative en Inde. Avec ce roman initiatique, Hesse est devenu dans les années 1960 l'un des maîtres à penser de la jeunesse occidentale.
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Cinquantième anniversaire de la mort de Jean CocteauOedipe, Jocaste, Antigone et Créon: voilà les personnages de Sophocle au filtre de Cocteau, qui modernise ici un drame connu, et transforme les dieux en machines infernales apportant le malheur sur terre. Dans cette pièce publiée en 1934, Cocteau s'amuse et surprend par l'infernale diversité de son style.
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Nous sommes au lendemain de la Grande Guerre. Le mal du siècle envahit les âmes. C'est l'époque de la Prohibition et des fortunes rapides. En 1922, Jay Gatz, devenu Gatsby, se retrouve fabuleusement riche. Personnage mystérieux, installé à Long Island dans une somptueuse propriété il est l'objet de mille légendes. A-t-il été étudiant à Oxford ? Est-ce un mafieux ? Elles n'empêchent pas les gens chics et moins chics, de venir en troupe boire ses cocktails et danser sur ses pelouses.Gatsby cherche à séduire Daisy, la fiancée de Tom Buchanan, un millionnaire qui, contrairement à lui, a hérité sa fortune. Il cherche à l'éblouir, fait des dépenses folles. Mais c'est argent contre argent, vieille fortune contre parvenu?L'ouvrage, publié aux Etats-Unis en 1925, est précédé d'une préface de Fitzgerald à une réédition de 1934, et suivi des trois préfaces mythiques à l'édition Grasset de 1962, par Antoine Blondin, Bernard Frank et Jean François Revel.Cette nouvelle traduction de Jacques Tournier a été établie à partir des manuscrits, des corrections d'épreuves et des dernières révisions de Scott Fitzgerald.:
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Tout le monde connaît le chef-d'oeuvre d'Oscar Wilde tel qu'il a été publié en volume en 1891. Cette version diffère considérablement du manuscrit qu'il avait soumis quelques mois plus tôt au Lippincott's Magazine où le roman devait paraître en prépublication. Le directeur, par pruderie, l'avait sérieusement raboté, ce qui ne l'a pas empêché de provoquer un premier soulèvement d'indignation. Par la suite, Wilde a augmenté et remanié son roman, estompant ses passages les plus audacieux. La critique instruisait déjà son procès en immoralité. Il a fallu attendre 2011 pour que, en Angleterre, des universitaires rendent disponible le texte initial, avant les censures successives. C'est cette version que les Cahiers rouges publient pour la première fois en France.
La trame reste inchangée. Dans le Londres fin de siècle, le peintre Basil Hallward tombe en adoration devant son modèle, le beau Dorian Gray. Leur chaste idylle commence, troublée par l'intervention d'un vieux camarade de Hallward, Lord Henry. Dandy hédoniste amoureux des bons mots, affichant avec insolence son homosexualité, il convainc Dorian de l'importance capitale de sa beauté. Un jour viendra où la vieillesse l'aura défiguré et plus personne ne le regardera. Horrifié, Dorian conclut un pacte faustien avec le portrait que Hallward a peint de lui : ce n'est plus lui que le temps abîmera, mais l'image du tableau. Le Portrait de Dorian Gray non censuré est encore plus délicieusement décadent et surtout plus ouvertement homosexuel. Le pouvoir érotique de Dorian est exacerbé, nombre de phrases rendent indubitable et intense la nature des sentiments de Hallward pour lui. On retrouvera bien sûr les saillies du spirituel Lord Henry, notamment le fameux :
« De nos jours on sait le prix de tout, mais on ne connaît la valeur de rien. »
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Lettres à un jeune poète
Rainer Maria Rilke
- Grasset
- Les Cahiers Rouges
- 25 Septembre 2002
- 9782246639718
Les Lettres à un jeune poète ont été écrites entre 1903 et 1908. Rainer-Maria Rilke, depuis sa rencontre avec Lou Andréas Salomé en 1897 à Munich, poursuit sa vie errante. Autrichien né à Prague en 1875, poète de langue allemande, il vivra presque toujours hors d'Allemagne. La lecture de Mir zur Feier (A moi pour me fêter, 1899) décide un jeune homme de vingt ans, Franz Xaver Kappus, élève du prytanée militaire de Sankt-Poelten, à lui envoyer ses premiers essais politiques. Rilke lui répond longuement et une correspondance s'engage. En 1929, trois ans après la mort de Rilke, Kappus publie les dix Lettres à un jeune poète.
« On assiste, en un mot, au spectacle extrêmement rare d'une formation par accomplissement intérieur. » Rilke a donc pu, dès 1903, faire de ses conseils à une jeune homme qui lui demande s'il doit se consacrer entièrement à l'écriture un véritable bilan, un « guide spirituel ». Les convictions de Rilke ne changeront jamais lorsqu'il s'agit des problèmes essentiels qui se posent à un poète. Il insiste avec passion sur la nécessaire solitude du créateur, celle qui permet de voir clairement le monde. Mais l'on doit répondre avec sincérité à la question primordiale : « Suis-je vraiment contraint d'écrire ? » Il faut être simple, s'approcher de la nature, savoir que la volupté de la chair « est une expérience sans limites qui nous est donnée, une connaissance de tout l'univers. » Avec une concision fulgurante, Rilke établit des règles de comportement, d'écriture et d'exercice littéraire. -
Falsifiant des ordonnances, Thérèse a tenté d'empoisonner Bernard, son mari, un homme respectable mais froid, buté. Pour préserver sa famille du scandale, ce dernier a déposé en faveur de sa femme; Thérèse a obtenu un non-lieu. Sur le chemin qui la ramène du tribunal vers son mari, la jeune femme fait défiler sa vie, les blessures qui l'ont poussée à commettre ce crime démoniaque. Peut-être la plus belle, la plus violente prière romanesque de Mauriac.
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Après ses vies de Magellan, de Marie Stuart ou de Fouché, faut-il rappeler le génie de biographe de Stefan Zweig ? Marie-Antoinette (1933) rétablit la courbe et la vérité d'un destin obscurci par la passion ou la honte posthumes. L'auteur a fait le ménage dans la documentation, puisant dans la correspondance de Marie-Antoinette avec sa mère, Marie-Thérèse d'Autriche, et dans les papiers de Fersen, grand amour de la reine.
Qui était Marie-Antoinette faite, l'année de ses quinze ans et par raison d'Etat, reine de France ? Une débauchée futile ? Une icône pour la Restauration ? Nous la suivons de la chambre de son époux, qu'elle appelait son « nonchalant mari », le falot Louis XVI, jusqu'au lit de la guillotine. Quel voyage ! Quelle histoire ! Le monde enchanté et dispendieux de Trianon, la maternité, le début de l'impopularité, l'affaire du collier, la Révolution qui la prit pour cible, la fuite à Varennes, la Conciergerie, l'échafaud...
Zweig s'est penché sur Marie-Antoinette en psychologue. Il ne la divinise pas : elle « n'était ni la grande sainte du royalisme ni la grande « grue » de la Révolution, mais un être moyen, une femme en somme ordinaire ». Il analyse la chimie d'une âme bouleversé par les événements, qui, sous le poids du malheur et de l'Histoire, se révèle à elle-même et se rachète, passant de l'ombre de la jouissance à la lumière de la souffrance. « A la toute dernière heure, Marie-Antoinette, nature moyenne, atteint au tragique et devient égale à son destin ».
Davantage qu'un livre d'histoire : un roman vrai. -
Ils ne sont plus que trois à Aubignane, près de Manosque, parmi les masures et les chemins fantômes. Après le départ du vieux forgeron et de la veuve du puisatier, Panturle se retrouve seul. L'arrivée d'une femme le sauvera de la folie. Panturle retrouvera la force de rouvrir la terre, de l'ensemencer de blé. Regain (1930) est un livre solaire, tragique et païen.
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C'est sur un paquebot trop confortable, en route pour l'Amérique du Sud, que Stefan Zweig eut l'idée de cette odyssée biographique. Il songea aux conditions épouvantables des voyages d'autrefois, au parfum de mort salée qui flottait sur les bougres et les héros, à leur solitude. Il songea à Magellan, qui entreprit, le 20 septembre 1519, à 39 ans, le premier voyage autour du monde. Un destin exceptionnel...
Sept ans de campagne militaire en Inde n'avaient rapporté à Magellan le Portugais qu'indifférence dans sa patrie. Il convainc alors le roi d'Espagne, Charles-Quint, d'un projet fou ; Il existe un passage conduisant de l'océan Atlantique à l'océan Indien. Donnez-moi une flotte et je vous le montrerai et je ferai le tour de la terre en allant de l'est à l'ouest (C'était compter sans l'océan Pacifique, inconnu à l'époque..). Jalousies espagnoles, erreurs cartographiques, rivalités, mutineries, désertions de ses seconds pendant la traversée, froids polaires, faim et maladies, rien ne viendra à bout de la détermination de Magellan, qui trouvera à l'extrême sud du continent américain le détroit qui porte aujourd'hui son nom.
Partie de Séville avec cinq cotres et 265 hommes, l'expédition reviendra trois ans plus tard, réduite à 18 hommes sur un raffiot. Epuisée, glorieuse. Sans Magellan qui trouva une mort absurde lors d'une rixe avec des sauvages aux Philippines, son exploit accompli.
Dans ce formidable roman d'aventures, Zweig exalte la volonté héroïque de Magellan, qui prouve qu' une idée animée par le génie et portée par la passion est plus forte que tous les éléments réunis et que toujours un homme, avec sa petite vie périssable, peut faire de ce qui a paru un rêve à des centaines de générations une réalité et une vérité impérissables . -
{Que ma joie demeure} excède le genre romanesque et confine à la parabole. Bobi, acrobate et saltimbanque, s'installe sur un plateau, en Provence, et offre à tous son gai savoir, sa jeunesse, son goût de l'autre. Ses enseignements vont révolutionner le "travail triste" des paysans... Une vie plus libre commence.
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Chronique d'une mort annoncée
Gabriel García Márquez
- Grasset
- Les Cahiers Rouges
- 18 Avril 2002
- 9782246267447
Dans un village de Colombie, un jeune homme, Santiago Nasar, est assassiné un matin à l'issue d'une nuit blanche très mouvementée et d'une visite au port pour apercevoir l'évêque dont le passage est un événement. Une enquête menée par le narrateur révèle l'aspect insolite de ce fait divers : tout le monde, en fait, était au courant du projet des deux assassins. Cette mort était "annoncée" et même clamée par les tueurs. Pourquoi n'a-t-on rien fait pour empêcher l'assassinat en avertissant la future victime ?Des servantes familiales au responsable de la sécurité du village, en passant par le curé, ou les bouchers des abattoirs, on avait, semble-t-il, ses raisons. Consultés par le narrateur, les témoins expliquent ce qu'ils savent, ou mieux, ce qu'ils savaient. Mais pourquoi les frères Vicario ont-ils tué Santiago Nasar à l'aube, alors qu'ils ont passé une partie de la nuit avec lui à festoyer et à s'enivrer à l'occasion du fastueux mariage de leur soeur Angela ? En pleine nuit de noces, le marié, Bayardo, congédie brusquement sa femme car il s'aperçoit qu'elle n'est pas vierge. Interrogée par ses deux frères, Angela révèle le nom de celui qui l'a déflorée : Santiago Nasar. Mais est-ce vrai ? Et le mari mérite-t-il vraiment cette vengeance familiale ?Ainsi l'affaire est reconstituée peu à peu, mais les détails fournis, loin d'éclairer l'ensemble, le rendent de plus en plus mystérieux et rocambolesque. Voici un livre hallucinant où l'humour et l'imagination de Garcia Marquez se débrident plus que jamais pour créer une nouvelle et géniale fiction sur les vieux et éternels thèmes de l'honneur et de la fatalité.
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Contes de la folie ordinaire
Charles Bukowski
- Grasset
- Les Cahiers Rouges
- 25 Janvier 2012
- 9782246794912
Aux États-Unis, rien ne se discute, rien ne s'écrit, sans que d'une façon ou d'une autre Bukowski n'y soit mêlé. Or que raconte cet Américain de cinquante-sept ans, né en Allema-gne et ancien facteur de son état ?
Tout simplement que l'époque n'a pas bonne mine, que nos moeurs ne s'améliorent pas et que la vie ne vaut d'être vécue qu'entre un comptoir et un lit. Toutes choses que chacun de nous sait mais que Bukowski redit sur un ton inimitable, entre pleurs et rires. À peine lues, ses histoires ne vous quit-tent plus parce qu'immédiatement vous les reconnaissez pour ce qu'elles sont : en prise directe avec nos déboires, nos misères, notre corps, notre esprit.
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Un hameau provençal cerné de blé, de lavande, de genièvre. Le père Janet contemple cette nature depuis des années, il en connaît les sortilèges, et les secrets qui bruissent sur la colline. En montrant jadis où il fallait creuser pour capter l'eau, il a donné une fontaine, la vie, au village. Mais aujourd'hui Janet est vieux, couché près de l'âtre, il attend la mort en délirant. Ses paroles mystérieuses, menaçantes, inquiètent ses proches : c'est peut-être le signe qu'un danger plane sur le village. La fontaine tarit, une fillette tombe gravement malade, un incendie détruit les terres... Et si le vieux sorcier, se sentant finir, avait décidé de précipiter le village avec lui dans la mort ?
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Il existe des dizaines de traductions en français de Macbeth (1606), une des plus célèbres tragédies de Shakespeare. Celle de François-Victor Hugo, qui date du XIXe siècle et a longtemps été la référence, apparaît aujourd'hui datée. Depuis, la pièce a donné lieu à des multiples travaux scientifiques, réalisées par des universitaires, linguistes et grammairiens, qui ont privilégié l'exactitude plutôt que l'esthétique.
Voici enfin une traduction littéraire du chef-d'oeuvre de William Shakespeare par un des écrivains les plus imaginatifs de la littérature française : Marcel Schwob, également auteur, avec Eugène Morand (père de Paul Morand), d'une traduction de Hamlet parue en 1901. Son Macbeth, publié posthume en 1927, n'a jamais été réédité depuis.
Seuls les écrivains savent traduire les écrivains. Il fallait le sens poétique et l'imagination de Schwob pour retrouver, en français, la richesse, la finesse et l'énergie du texte de William Shakespeare.
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« Tel qu'il se présente dans l'édition définitive, le Journal de Franz Kafka est un document d'une importance essentielle pour la connaissance de l'oeuvre et de la personne d'un écrivain qui demandait à la littérature plus qu'on ne lui a jamais demandé et qui, en conséquence, n'a jamais écrit une ligne qui ne fût en quelque manière liée au but de sa vie. En s'accrochant à son Journal comme il s'imposait de le faire, Kafka entendait moins s'observer que connaître, et si, tout au début, il écrit : Il faut qu'une ligne au moins soit braquée chaque jour sur moi comme on braque aujourd'hui un télescope sur les comètes, il définira plus tard dans un aphorisme le sens de cette connaissance de soi-même qui, pour lui, impliquait d'abord une destruction : Connais-toi toi-même ne signifie pas : observe-toi. Observe-toi est le mot du serpent. Cela signifie : transforme toi en maître de tes actes. Or, tu l'es déjà, tu es maître de tes actes. Le mot signifie donc : Méconnais-toi ! Détruis-toi ! c'est-à-dire quelque chose de mauvais, et c'est seulement si l'on se penche très bas que l'on entend aussi ce qu'il a de bons, qui s'exprime ainsi : Afin de te transformer en celui que tu es.
Ces treize cahiers tenus presque régulièrement pendant treize ans ne peuvent être regardés comme une confession dont la sincérité ferait le prix, dans son effort pour se connaître, Kafka ne cherchait pas à être sincère, mais à être vrai, aussi ne s'est-il pas promis de tout dire, ni comme un document autobiographique qui livrerait, avec les idées et les préoccupations de son auteur, l'histoire complète de sa vie. » Marthe Robert -
50e anniversaire de la mort de Jean Cocteau
Paru en 1929 aux éditions Grasset, acclamés par la critique comme le chef-d'oeuvre romanesque de Jean Cocteau, Les Enfants terribles racontent l'histoire d'un frère et d'une soeur, Paul et Elisabeth. Paul est blessé à la sortie du lycée Condorcet par une pierre que Dargelos, un de ses camarades de classe, avait dissimulée dans une boule de neige. Convalescent, il garde la chambre où Elisabeth le soigne. Cette chambre devient le théâtre de ce qu'ils appellent « le jeu », c'est-à-dire une histoire qu'ils s'inventent chaque soir et dont ils sont les héros. Leur rêve se confond dangereusement avec la réalité ; Paul veut quitter « le jeu » ; Elisabeth veut l'y maintenir. La comédie cesse, commence la tragédie...
Avec ce roman, Cocteau a montré qu'à l'enchantement de l'adolescence se mêlait le drame. En 1950, le livre a été adapté au cinéma par Jean-Pierre Melville. Gloire encore plus grande, le titre du roman est devenu une expression courante de la langue française. -
La plus grande poésie des temps modernes, égale à celles d'Homère, Shakespeare et Dante, sonne dans ces Feuilles d'herbe. Elles eurent pour créateur un solitaire américain poussé comme un gratte-ciel dans un désert inculte de maisons à bas étages. En 1855, Walt Whitman, de Brooklyn et de Manhattan, fit claquer ses vers comme des drapeaux de joie pour célébrer un seul et unique patriotisme : l'homme ! l'homme de tous les temps, couleurs ou religions. Osons ce paradoxe : jamais les bons sentiments ne firent de meilleure littérature.
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La guerre de Troie n'aura pas lieu
Jean Giraudoux
- Grasset
- Les Cahiers Rouges
- 10 Novembre 2010
- 9782246125129
Cette tragédie réanime d'illsutres personnages de l'Iliade d'Homère et le thème en est connu : Hélène vient de se faire compliasamment enlever par Pâris, le prince troyen ; les Grecs attaqueront si elle ne leur est pas rendue. A Troie, ce fait-divers vaudevillesque déclenche les passions entre partisans de la paix (Hector, Andromaque) et bellicistes (le roi Priam et le poète Demokos). Dans le camp des Grecs qui crient vengeance, l'ambassadeur Ulysse semble bien seul...
Sur un casting mythologique, cette pièce de 1935 est très contemporaine, inspirée à Jean Giraudoux par la montée des périls en Europe. L'auteur s'engage pour la paix. Cette oeuvre n'est pourtant pas un manifeste. On y retrouve la langue de Giraudoux, son drapé, son esprit, sa causticité. Que valent tous ces talents face au destin ? En tenant "seulement compte de deux bêtises, celle des hommes et celles des éléments", Cassandre l'avait prédit : la guerre aura bien lieu. A Troie, et dans le monde. -
Journal d'un vieux dégueulasse
Charles Bukowski
- Grasset
- Les Cahiers Rouges
- 22 Septembre 2010
- 9782246347927
Livre-culte, qui annonce aussi bien Contes de la folie ordinaire que l'ultime Pulp. En vérité, tout Bukowski est déjà dans ce Journal d'un vieux dégueulasse. Gérard Guegan, qui contribua en France à sa découverte, s'est chargé d'en assurer une nouvelle traduction et d'en donner la version intégrale.
De quoi s'agit-il ? Du bloc-notes que tint, dès 1967 dans un magazine underground, un esprit libre, sceptique, mais furieux. Jusqu'alors poète confiné dans des tirages confidentiels, Charles Bukowski, l'écorché vif, mit à profit cette audience soudaine et régla ses comptes avec l'univers tout entier. Avec son père, sa mère, ses copains d'école, comme avec les puissants, qu'ils siègent à la Maison Blanche ou à Wall Street. Avec les paris truqués comme avec les truqueurs de la révolution. Sans oublier ces arbitres du bon goût littéraire qui l'avaient si souvent méprisé.
Ainsi, au rebours des habituels cireurs de pompes, Bukowski n'hésite pas à faire les poches à Henry Miller, même s'il en camoufle, par un reste de sympathie, l'identité. En revanche, quand il s'en prend à Genet, Ginsberg, Burroughs, alors porte-drapeaux du mouvement étudiant, il frappe fort et sans pitié. Un seul trouve grâce à ses yeux : Neal Cassady, l'ami et le modèle de Kerouac. Sans doute parce que Neal était un prolétaire et un déchireur de fausses certitudes. Tout comme lui, qui interpelle l'éternité avec les mots de tous les jours. -
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Reine d'Ecosse à la mort de son père, en 1542, alors qu'elle n'a que six jours et reine de France à dix sept ans, après son mariage avec François II, Marie Stuart est une des figures les plus romanesques de l'histoire.
Veuve en 1560, elle rentre en Ecosse et épouse Lord Darnley, avec qui elle ne s'entend bientôt plus. Elle devient la maîtresse de Bothwell - une liaison qui entraînera sa perte. Lorsque Bothwell assassine Darnley, l'horreur causée dans le pays par ce forfait est si grande que Bothwell est exilé : Marie Stuart doit se réfugier auprès de sa rivale Elisabeth Ier, reine d'Angleterre. Celle-ci la gardera captive vingt ans, jusqu'au jour où, tombant dans le piège d'une conspiration contre la vie d'Elisabeth, la malheureuse Marie est condamnée à mort.
Parée de mille grâces par les uns, peinte comme une criminelle par les autres, chacun reconnaît en Marie Stuart une victime, dont l'énergie dans l'épreuve et la fierté devant la mort furent admirables. Il fallait un esprit libre et l'immense talent de Stefan Zweig pour faire revivre en toute justice la femme et la reine si cruellement unies par le destin.
Sans négliger aucun des témoignages ni des travaux qui l'ont précédé, éclairant en grand psychologue les caractères des personnages de ce drame, reconstituant avec une minutieuse exactitude cette époque pleine de bruit et de fureur, Stefan Zweig a réussi pour Marie Stuart à concilier rigueur de scientifique et passion de l'artiste. -
Joseph Fouché (1759-1820) a servi avec zèle la République, le Directoire, le Consulat, l'Empire et la Monarchie. Homme de l'ombre, disciple de Machiavel, Fouché aura survécu à tous les changements de régime sans jamais se départir de cette « absence de conviction » qui fascina Balzac autant que Stefan Zweig.
Elève chez les Oratoriens, il devint sous la Révolution un pilleur d'églises. Conventionnel modéré, il vota la mort du roi et participa activement au massacre des Lyonnais royalistes. Ambassadeur du Directoire à Dresde, il cambriola son ambassade. Ministre de la Police, à l'abri derrière ses fiches et ses mouchards, il tint tête à Talleyrand et à Bonaparte. Signataire du premier manifeste sur l'égalité, il meurt richissime, duc d'Otrante et sénateur.
Joseph Fouché, c'est l'art du reniement, la grâce du traître. Il n'y a pas de personnalité plus décriée que cet homme politique au sang froid. Stefan Zweig nous fait découvrir, à sa manière subjective, une figure cachée et essentielle de l'Histoire française.