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Bulletin de la Société française de philosophie n.2019/1 : le monde : norme ou donné ?
Michaël Foessel
- Societe Francaise De Philosophie
- Bulletin De La Societe Francaise De Philosophie
- 3 Décembre 2019
- 9782711650910
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Bulletin de la Société française de philosophie n.2019/2 : le monde sans nous ; réflexions sur le réalisme des modernes
Philippe Hamou
- Societe Francaise De Philosophie
- Bulletin De La Societe Francaise De Philosophie
- 7 Janvier 2019
- 9782711650927
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Bulletin de la Société française de philosophie : religion, politique et idéologie : un regard de philosophie des sciences sociales
Bruno Karsenti
- Societe Francaise De Philosophie
- Bulletin De La Societe Francaise De Philosophie
- 28 Octobre 2021
- 9782711650965
Religion et politique sont entrées dans de nouveaux rapports, qu'on n'attendait pas : des rapports de dépacification, voire de guerre civile, qui exigent de notre part un auto-examen sans concession et une interrogation sur ce que nous avons manqué. Sur ce plan, ce qui est exigé de nous, c'est que nous reconsidérions la thèse majeure de la séparation moderne du politique et du religieux. On adoptera une démarche de philosophie des sciences sociales pour affronter cette question. Cette démarche se pose en alternative au récit canonique de la philosophie politique moderne qui, précisément, entérine et considère pour acquise la grande séparation. Elle permet d'aborder les religions, dans leurs formes singulières et irréductibles, en relation à la constitution des idéologies qui structurent la modernité politique. La philosophie des sciences sociales, en effet, se définit par un lien intrinsèque à la sociologie des idéologies, exemplairement pratiquée par Karl Mannheim et Norbert Elias. Mais elle est aussi en mesure, pour cette raison même, de définir le point par lequel les religions se distinguent des idéologies. Ce point tient, non au fait que, ramenées à leur supposée pureté, elles ne seraient pas politiques, et par conséquent toujours déjà disposées à la grande séparation, mais au fait qu'elles le sont essentiellement et le demeurent chacune à leur manière, en un sens spécifique qui exige d'être caractérisé. On tâchera, dans cette conférence, d'user de cette méthode discriminante pour se doter d'un meilleur aiguillon dans cette zone particulièrement tourmentée de notre condition actuelle.
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Bulletin de la Société française de philosophie n.3 : des oeuvres et des discours : portrait de l'artiste en chercheur
Carole Talon-Hugon
- Societe Francaise De Philosophie
- Bulletin De La Societe Francaise De Philosophie
- 24 Février 2022
- 9782711650972
Dans Le Mot peint (1975), l'écrivain Tom Wolfe imaginait ironiquement le moment où les musées n'exposeraient plus les oeuvres des peintres Jackson Pollock, Willem De Kooning ou Jasper Johns accompagnées de petits cartels portant des commentaires des critiques Clement Greenberg, Harold Rosenberg ou Leo Steinberg, mais accrocheraient sur leurs murs les reproductions agrandies de ces mêmes textes accompagnées de petits cartels où figureraient les reproductions des oeuvres commentées. De fait, la chose s'est réalisée : l'artiste John Baldessari a effectivement exposé une toile intitulée Clement Greenberg (1967-1968), qui ne consiste en rien d'autre qu'en la reproduction d'un texte du critique, réalisant ainsi la superposition parfaite de l'oeuvre et du texte.C'était là une étape dans un processus continu d'intellectualisation de l'art dont il s'agira ici d'identifier les divers moments saillants et les formes spécifiques, depuis les premiers textes théoriques sur les arts du dessin à la Renaissance jusqu'à la posture contemporaine de l'artiste en chercheur de sciences sociales, en passant par les Conférences de l'Académie royale de Peinture et de Sculpture, le temps des Manifestes et celui des « théories persuasives » de la Modernité tardive. Il s'agira plus particulièrement d'étudier ce qui a rendu possible les formes les plus contemporaines de cette prolifération discursive, en montrant qu'elles sont nées de la convergence de deux phénomènes distincts qui, au cours du XXe siècle, ont affecté la sphère artistique d'une part et la sphère académique de l'autre. Le premier est la désartification de l'art; le second, la dé-régulation des sciences humaines.
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Bulletin de la Société française de philosophie n.4 : d'un sensible l'autre : sur la signification métaphysique des sensibles
Jocelyn Benoist
- Societe Francaise De Philosophie
- Bulletin De La Societe Francaise De Philosophie
- 24 Février 2022
- 9782711650989
On partira d'une représentation qui, sous diverses formes, a dominé une part importante de la philosophie du XXe siècle : celle de « la fin des arrière-mondes ». On essaiera de comprendre comment la récession du désir d'évasion en direction de quelque chose qui serait désigné comme suprasensible n'a pas reconduit la philosophie contemporaine, tant s'en faut, vers une prise en compte du sensible comme tel. La philosophie contemporaine, dans l'ensemble, certes, ne raisonne plus en termes d'opposition entre un sensible et un suprasensible et ne se donne plus comme tâche prioritaire le passage de l'un à l'autre, mais on peut avoir l'impression que, en perdant le sens du suprasensible, elle a perdu celui du sensible aussi.Pour essayer d'en comprendre les raisons, on reviendra sur la fameuse fable nietzschéenne du Crépuscule des idoles et on proposera diverses interprétations de la fin du « platonisme » que, apparemment, il faudrait diagnostiquer à sa lumière. On discutera si cette fin, ainsi que ceux qui l'ont thématisée ont pu parfois le croire, doit être interprétée comme un retournement ou comme un renversement, ou bien si ce motif n'offre pas d'autres possibilités : si sortir du platonisme ne consiste pas en autre chose que le renverser. La représentation d'une telle sortie n'est cependant possible que si l'on parvient à la juste appréhension de ce dont on serait censé sortir ou être déjà sorti. On rouvrira donc la question de la constitution platonisante du rapport métaphysique au sensible - ce qui conduira aussi bien à faire réentendre l'ambiguïté et la tension inhérentes à la notion de métaphysique, quelque peu étouffées aujourd'hui. Plutôt que d'y voir une pure et simple occultation du sensible, on y reconnaîtra une façon de prendre en charge la réalité du sensible et, en fait, l'invention même de ce sensible comme tel. On mettra en lumière, à cet égard, un double mouvement : comment la métaphorisation métaphysique du sensible est indissociable de sa constitution en genre unifié par le moyen d'une synecdoque. À partir de là, on pourra réfléchir sur les différentes façons dont le sensible, plutôt que de voir sa réalité s'effacer avec la métaphore métaphysique qui l'avait produit au profit d'une « métaphysique sans métaphore », ce rêve constitutif de la philosophie moderne, peut aujourd'hui être remis en jeu dans sa diversité, en déplaçant les leviers mêmes actionnés par le platonisme pour le constituer.
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Bulletin de la Société française de philosophie n.117/1 : Anthropologie et philosophie : comment symétriser des ontologies?
Philippe Descola
- Societe Francaise De Philosophie
- Bulletin De La Societe Francaise De Philosophie
- 26 Janvier 2024
- 9782711651078
Plus que dans d'autres traditions nationales, l'anthropologie française s'est développée dans le sillage de la philosophie, non pas de façon ancillaire, mais comme une tentative de prendre en charge des problèmes que la philosophie a longtemps ignorés ou dédaignés. Les anthropologues français et européens se sont engagés dans cette voie depuis un peu plus d'un siècle en s'efforçant de symétriser des modes de pensée et des constructions intellectuelles radicalement étrangères à la philosophie occidentale avec les problèmes et les entités caractéristiques de sa métaphysique. Trois démarches ont principalement été employées pour ce faire : la généralisation de la valeur opératoire d'un concept local (mana, tabou...), dès lors invité à rejoindre l'outillage intellectuel du patrimoine philosophique; la systématisation d'une pensée autochtone promue, implicitement ou explicitement, en contre-modèle de la philosophie européenne; enfin l'intégration d'une grande diversité de formes de pensée locales - dont la métaphysique occidentale - au sein d'une combinatoire structurale où elles sont traitées comme des variantes les unes des autres. Si aucun de ces efforts de symétrisation n'est pleinement satisfaisant pour des raisons que l'on examinera, chacun d'entre eux implique des types de bifurcation différents, à partir des circonstances ethnographiques toujours particulières, vers des formes de généralisation anthropologique, bifurcations qui font appel à des ressources conceptuelles caractéristiques de l'exercice philosophique : l'induction et la déduction. La dernière partie de la conférence est consacrée à l'examen de l'usage de ces deux méthodes dans l'anthropologie contemporaine et à une explicitation de la manière dont nous avons déployé la combinaison entre induction et déduction dans le modèle transformationnel proposé dans Par-delà nature et culture (2005).
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Bulletin de la Société française de philosophie n.3 : Démocratie et écologie
Collectif
- Societe Francaise De Philosophie
- Bulletin De La Societe Francaise De Philosophie
- 5 Septembre 2024
- 9782711651092
En 1971 a été créé le ministère français de l'environnement, plusieurs fois rebaptisé par la suite. Depuis lors, des politiques publiques écologiques ont été mises en oeuvre, en lien avec les textes internationaux et aux différentes échelles du territoire. Comment interpréter le peu d'effet de ces politiques? Cela tient-il à l'impuissance des démocraties à faire face aux enjeux écologiques? Ou bien doit-on adopter l'idée symétrique que l'écologie ne peut être que punitive et s'imposer aux dépens des libertés individuelles? Quelle que soit l'interprétation retenue, il semble que l'incompatibilité entre démocratie et écologie soit une conviction fortement partagée. Nous l'examinerons dans trois directions principales :
1) La généalogie droitière des mouvements écologiques : cette assignation conservatrice ne résiste pas à l'étude historique des mouvements écologiques. La défense de la nature, qui fut une idée moderne, ne se placerait-elle plutôt pas au-delà, plutôt qu'en deçà, de la modernité?
2) Lanceurs d'alerte sur la crise écologique, les scientifiques jouent un rôle extrêmement important dans la question écologique, devenue une question politique. Cela justifie-t-il une forme d'« épistocratie », marquée par la participation des scientifiques, à partir d'instances non élues, à la décision politique sur les questions écologiques?
3) Il s'agirait alors d'imposer les modèles élaborés par des experts à des populations présumées récalcitrantes. N'assiste-t-on pas au contraire à des initiatives citoyennes d'expérimentation de nouvelles façons d'habiter la nature et à des mobilisations populaires visant à obliger les gouvernements à satisfaire à leurs propres engagements internationaux, ceux qu'ils s'empressent d'oublier?
L'originalité des mouvements écologiques, par rapport aux mouvements sociaux des siècles précédents, vient de ce qu'ils ne sont pas en demande d'État, mais pratiquent des formes nouvelles de démocratie. Ce sont celles-ci qu'il faut interroger. -
Bulletin de la Société française de philosophie : le rôle de l'imagination dans l'interprétation du langage
Eleonore Le Jalle
- Societe Francaise De Philosophie
- Bulletin De La Societe Francaise De Philosophie
- 7 Octobre 2014
- 9782711650712
L'objet de cette conférence sera de révéler la place de l'imagination dans l'interprétation du langage en m'appuyant sur les travaux du philosophe Donald Davidson, puis en discutant la manière dont, chez cet auteur, cette mise en évidence s'accompagne d'une critique de l'existence de conventions dans le langage.
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Bulletin de la Société française de philosophie : pour introduire en philosophie le concept de stridence
Michèle Cohen-Halimi
- Societe Francaise De Philosophie
- Bulletin De La Societe Francaise De Philosophie
- 24 Août 2014
- 9782711650705
Le concept de stridence (emprunté aux Voix du silence de Malraux) sert à définir une nouvelle méthode d'écriture de l'histoire de la philosophie. Cette méthode part d'un constat négatif : les historiens de la philosophie restent trop souvent débiteurs de ce dont ils prétendent s'émanciper, les motivations individuelles des auteurs, les accidents biographiques et toutes les figures subjectives et contingentes d'une prétendue autonomie de la pensée. Il s'agira par contraste de s'émanciper résolument des concepts malheureux d'intention et de rationalité autonome. La méthode de la stridence se donne pour point focal un conflit doctrinal entre deux philosophes, conflit dont elle s'assure qu'il a eu des effets d'après-coup. Cette méthode ambitionne de reconstruire une rationalité a-subjective et événementielle de l'histoire philosophique.
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Bulletin de la Société française de philosophie : réflexions sur la tragédie de notre temps ; de l'appropriation à l'inappropriabilité de la terre
Yves-Charles Zarka
- Societe Francaise De Philosophie
- Bulletin De La Societe Francaise De Philosophie
- 21 Mai 2013
- 9782711650668
Parler d'inappropriabilité de la Terre peut paraître hautement paradoxal. La Terre n'a-t-elle pas été, et n'est-elle pas encore, le lieu par excellence de toutes les tentatives d'appropriation ? Mieux, le concept de l'acquisition primitive d'une chose n'a-t-il pas pour paradigme l'appropriation de la Terre ou du sol ? Si la propriété est donc originairement celle de la Terre, cette origine de l'acte d'appropriation est loin d'être neutre parce qu'il inclut dans sa définition même l'exclusion d'autrui de la possession ou de l'usage de la même chose. L'élucidation du concept de l'inappropriabilité de la Terre ne relève donc pas d'une question simplement juridique, ni même de philosophie du droit. Elle suppose l'explicitation des conditions anthropologiques, économiques, politiques et même théologiques de la prise de possession individuelle et exclusive de la Terre-sol.
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Bulletin de la Société française de philosophie n.4 : l'attachement
Yvon Brès
- Societe Francaise De Philosophie
- Bulletin De La Societe Francaise De Philosophie
- 5 Juin 2012
- 9782711650620
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Bulletin de la Société française de philosophie n.1 : la politique cosmopolitique ; de l'universalisme au pluralisme
Monique Castillo
- Societe Francaise De Philosophie
- Bulletin De La Societe Francaise De Philosophie
- 15 Juin 2012
- 9782711650637
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Bulletin de la Société française de philosophie n.2 : que faire ?
Jean-Luc Nancy
- Societe Francaise De Philosophie
- Bulletin De La Societe Francaise De Philosophie
- 9 Septembre 2012
- 9782711650644
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Bulletin de la Société française de philosophie : esquisse d'une critique de la raison humoristique
Daniel Schulthess
- Societe Francaise De Philosophie
- Bulletin De La Societe Francaise De Philosophie
- 4 Mars 2014
- 9782711650699
Parmi les traits saillants du rire, nous retenons son aptitude à administrer une sorte de punition. Henri Bergson, reprenant une formule traditionnelle, notait ainsi que « le rire châtie les moeurs » (Le Rire I. 2). Sous cet angle, le rire véhicule de façon originale et simultanée une évaluation de l'objet du rire et une sanction immédiate, sans sursis ni délai. Par cette réalité duale, le rire constitue une conduite d'une nature bien spécifique. Le pivot de notre propos est le suivant : en tant que conduite enveloppant un jugement, le rire est lui-même passible d'une évaluation, une évaluation de second ordre, pour ainsi dire : le rire est approprié ou non, acceptable ou non, mérité ou non. Cela en fonction principalement de l'objet du rire. Nous nous proposons d'identifier quelques-unes des normes qui peuvent sous-tendre une telle évaluation de second ordre. Nous postulons ensuite que de tels jugements s'appliquent aussi à l'humour, en tant qu'il tend à susciter le rire dans telle ou telle situation. La présence de conflits de normes nous incite alors à nous demander comment ils peuvent être résolus.
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Bulletin de la Société française de philosophie : image (de la) critique
Georges Didi-Huberman
- Societe Francaise De Philosophie
- Bulletin De La Societe Francaise De Philosophie
- 3 Janvier 2017
- 9782711650804
Qu'il faille critiquer les images, cela va de soi pour toute une tradition philosophique qui entend, depuis Platon, séparer le bon grain de l'ivraie : la vérité de l'illusion, la réalité de l'apparence, etc. C'est aussi ce qu'un philosophe tel que Theodor W. Adorno n'aura pas manqué de revendiquer en reprenant à son compte la notion de critique héritée des Lumières et en l'appliquant, notamment, aux productions culturelles dont les images font généralement partie. Un tel héritage critique nous est évidemment précieux, à condition toutefois de ne pas confondre la critique avec l'anathème, qui est volonté d'ignorance. À condition, surtout, de comprendre que l'opération critique elle-même - séparer le bon grain de l'ivraie - ne va pas de soi et ne discrimine pas toujours de façon aussi « claire et distincte » qu'on le voudrait. On ira ici jusqu'à proposer l'hypothèse que les images elles-mêmes, en certains cas, sont riches de possibilités critiques, et peuvent même se constituer en gestes critiques bien au-delà de la partition canonique entre illusion et vérité.
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Bulletin de la Société française de philosophie : l'Encyclopédie et nous
Collectif
- Societe Francaise De Philosophie
- Bulletin De La Societe Francaise De Philosophie
- 3 Février 2015
- 9782711650729
La Société française de philosophie a décidé de fêter à sa manière le tricentenaire de la naissance de Diderot, avec, certes, une semaine de retard (Diderot étant né à Langres le 5 octobre 1713 alors que notre demi-journée s'est tenue le 12 octobre).
Mais c'est aussi à l'idée même d'encyclopédie que nous voulions rendre hommage. Rappelons que la Cyclopaedia de Chambers (1728) constituait le premier motif de l'entreprise de Diderot et d'Alembert et devait primitivement être l'objet d'une traduction-adaptation. Bien entendu, ce projet initial a rapidement fait place à une initiative sans réel précédent et d'une dimension inégalée. L'Encyclopédie, telle que nous la connaissons demeure encore, malgré les évidentes évolutions scientifiques et techniques, un document irremplaçable, ne serait-ce que par l'esprit critique qui l'anime et dont témoigne, entre autres, l'astucieux système des renvois.
Avec des contributions de B. Bourgeois, A. Cohen, D. Deleule, F. Markovits, M. Parmentier et B. Saint-Sernin
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Bulletin de la Société française de philosophie : la vie subalterne
Guillaume Le Blanc
- Societe Francaise De Philosophie
- Bulletin De La Societe Francaise De Philosophie
- 18 Août 2015
- 9782711650736
Prenant appui sur les études subalternes l'auteur s'interroge sur la possibilité théorique d'un déplacement, offert dans le champ même des études subalternes, de la question coloniale à laquelle sont arrimées de telles études vers la question sociale. L'évaluation de la portée de ce déplacement (ainsi que la possibilité d'un va-et-vient entre ces deux questions) est l'enjeu de cette conférence. Une nouvelle orientation en philosophie peut en résulter, s'attachant à rendre raison de la logique pragmatique des vies ordinaires depuis leur propre difficulté à prendre la voix ou à être entendues. Cette difficulté à redonner voix aux sans-voix a été particulièrement mise en avant, dans l'argumentaire critique colonial, par la théoricienne Gayatri Chakravorty Spivak, sous le titre Les subalternes peuvent-elles parler? (1988). Critiquant les apports de la nouvelle théorie de l'intellectuel telle que formulée par Foucault ou par Deleuze, elle réfute l'argument politique et éthique de la nécessité de parler au nom des autres et nous rend attentive, par contraste, au fait que la voix qui prétend parler à la place de quelqu'un finit par remplacer la voix qu'elle est censée représenter. Cette perspective, pour intéressante qu'elle soit, risque d'oblitérer l'argumentaire social initial de la subalternité, défini par Gramsci, comme expérience de relégation et d'infériorisation, portant sur l'histoire des « groupes sociaux subalternes » (Cahiers de prison, cahier 25). Concevoir la subalternité comme épreuve sociale et non plus simplement raciale, en considérant la subalternité comme l'état de toute personne dont l'action et la voix ne sont pas appréhendées, c'est alors s'attacher à l'analyse des conditions sociales qui font et défont les vies ordinaires. La désignation de la vie comme vie subalterne (et il faudra se demander qui désigne certaines vies de la sorte) peut ainsi renvoyer, dans les limites du transfert évoqué précédemment, aux différentes épreuves de fragilisation sociale des vies. Précarité, exclusion, invisibilité sociale peuvent dès lors être interprétées comme autant de foyers d'engendrement de la subalternité dans les limites d'une philosophie sociale dont le projet de refondation de l'idée même de philosophie sera alors examiné dans le contexte élargi, fourni par l'argument de la subalternité, d'une volonté de philosopher par en bas. C'est ainsi vers la formulation d'une basse philosophie que s'acheminera l'analyse.
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Bulletin de la Société française de philosophie : cité naturelle et cité juste dans la République de Platon
Michel Narcy
- Societe Francaise De Philosophie
- Bulletin De La Societe Francaise De Philosophie
- 18 Août 2015
- 9782711650743
Ce n'est qu'à partir du livre II que la République de Platon mérite son titre. Requis par Glaucon et Adimante, les deux demi-frères de Platon, de fonder la démonstration de la supériorité de la justice sur l'essence de celle-ci, et non sur les avantages qui pourraient lui être attachés, Socrate déplace le problème, de l'âme à la cité, au motif que la différence d'échelle rend la justice plus lisible dans la cité.
À l'inverse de Rousseau qui, plus tard, cherchera dans la constitution des premières sociétés l'origine de l'inégalité, c'est donc dans la façon dont se constitue une cité que Socrate va montrer comment y survient la justice. Rien d'étonnant à cela : la cité est à ses yeux connaturelle à l'homme. Nul n'étant capable de satisfaire seul la pluralité de ses besoins, la vie de chacun dépend du concours d'autrui, d'où la nécessité de l'association, heureusement favorisée par la nature qui, diversifiant ses dons à l'égal des besoins, rend l'un apte à telle tâche, l'autre à telle autre. C'est donc du règne des besoins que découle pour l'homme la vie en société, et de l'inventaire de ces besoins que Socrate déduit la formation d'une cité vouée à leur satisfaction, sans plus : une fois assuré le strict nécessaire, nourriture, habitat, vêtement, le tout sous la forme la plus simple, Socrate tient sa construction pour achevée. À cette simplicité déductive, Glaucon oppose les faits : la cité dans laquelle nous vivons n'est pas celle-là, mais une cité où l'on dort dans des lits, où l'on s'assied à table pour goûter des plats cuisinés, des friandises, etc. Pour le dire en termes plus modernes, si, à l'état de nature, la société humaine est telle que la dépeint Socrate, nous en sommes bien éloignés. Fût-elle cependant dénaturée, c'est dans la société qui est la nôtre qu'il importe de savoir ce qu'est la justice, pas dans une société dont on ne trouve pas trace.
C'est de cette objection de Glaucon que prend son élan la construction par Socrate de ce qu'on tient pour la cité idéale de Platon. Il convient de noter cependant que Socrate ne s'engage pas dans cette entreprise sans avoir réitéré sa conviction que « la vraie cité », c'est celle qu'il a décrite, « en tant précisément qu'elle est en bonne santé ». Par contraste, la cité dont veut entendre parler Glaucon, à savoir la nôtre, est une cité « enfiévrée », malade. Où il apparaît que le vrai sujet de la République, s'il est d'exposer les moyens d'instaurer la justice dans cette cité malade, est en réalité de la guérir. Mais la guérir n'est pas la ramener à l'état initial, l'état de nature, décrit par Socrate. En effet, ce n'est pas en en retranchant tout ce qui s'est ajouté à cet état initial qu'on la guérira, mais au contraire en lui ajoutant des éléments absents de la première cité : les gardiens et, sélectionnés parmi eux, les philosophes chargés de gouverner. En d'autres termes, le traitement recommandé par Socrate, ce n'est pas l'administration de purgatifs qui délivreraient la cité de ses humeurs malsaines, mais la pose de prothèses, dont la fabrication - je veux dire l'éducation des gardiens et des philosophes -, va constituer l'essentiel du propos à venir. D'où il ressort qu'ainsi appareillée, la cité juste ne présentera guère de ressemblance avec la cité naturelle dont elle est cependant supposée retrouver la santé
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Bulletin de la Société française de philosophie : les questions de la vivisection au XVIIIe siècle
François Delaporte
- Societe Francaise De Philosophie
- Bulletin De La Societe Francaise De Philosophie
- 6 Octobre 2015
- 9782711650750
Au XVIIe siècle, les expérimentateurs fouillaient dans les entrailles des animaux vivants sans penser à la torture. Au XVIIIe siècle, la volonté d'en finir avec la vivisection est l'expression d'un intolérable au sein des sociétés occidentales : le supplice des condamnés fait problème. Sur un versant, la critique du système pénal a permis l'apparition de la vivisection animale dans le champ de la perception sociale. Il suffi t de voir le corps du condamné dans la bête sacrifiée pour que l'on prête un tel pouvoir d'évocation aux expériences vivisectrices. Sur un autre versant, quelques philosophes ont proposé un programme audacieux : étendre les vivisections aux criminels. Cette idée fut largement divulguée dans l'Encyclopédie. Que l'aversion pour la vivisection animale exprime l'horreur du châtiment sans que l'on soit pour autant hostile aux vivisections humaines, c'est le paradoxe qu'il faudra dissiper.
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Bulletin de la Société française de philosophie : Descartes ; l'expérience et la raison
Mariafranca Spallanzani
- Societe Francaise De Philosophie
- Bulletin De La Societe Francaise De Philosophie
- 12 Janvier 2016
- 9782711650767
Peut-on examiner la philosophie de Descartes sub specie experientiæ ? Peut-on relire sa philosophie au fil de l'expérience ? L'entreprise a tout l'air d'un paradoxe : la philosophie de Descartes a été interprétée dans la tradition comme une philosophie a priori et comme un système agencé selon l'ordre des raisons plutôt que selon les données de l'expérience. Pourtant certaines voix de la tradition et d'autres, plus contemporaines, n'ont pas manqué de souligner l'importance de cette notion, dont elles ont examiné la richesse thématique et la plasticité théorique. Et enfin n'est-ce pas une expérience de pensée qui permet à Descartes de formuler les hypothèses métaphysiques des doutes hyperboliques sur l'origine et le statut de la raison humaine, le Dieu trompeur et le malin génie ? C'est bien sur ces expériences paradoxales mais « inéluctables » de la philosophie moderne que se joue la conquête d'autonomie philosophique de la raison par la mise en question de son origine.
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Bulletin de la Société française de philosophie : l'instrument de musique à l'intersection de l'art et de la technique
Bernard Sève
- Societe Francaise De Philosophie
- Bulletin De La Societe Francaise De Philosophie
- 12 Janvier 2016
- 9782711650774
La musique est le seul art, remarque Hegel, qui doive produire son matériau (le son musical, qui n'est pas le son du monde) ; elle doit donc préalablement fabriquer des objets destinés à produire ce matériau.
Ce sont les instruments de musique, qui n'ont aucun équivalent ou correspondant dans les autres arts.
Condition de la musique, l'instrument n'est pourtant pas une oeuvre d'art au sens complet de cette notion (encore que sa beauté plastique ne soit pas réductible à une ornementation de surface) ; le luthier, qui le fabrique, n'est pas considéré comme un artiste de plein droit, quoique sans lui la musique n'existerait pas (l'objection de la musique a cappella n'est pas ignorée). À l'intersection de l'histoire des arts et de l'histoire des techniques, l'instrument de musique offre un point d'appui empirique et conceptuel remarquable pour problématiser les ressorts de l'invention artistique et technique, non moins que pour articuler les logiques divergentes de ces deux formes d'histoire.
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Bulletin de la Société française de philosophie n.109/4 : avoir des droits : pourquoi, comment, lesquels ?
Jean-françois Kervegan, Collectif
- Societe Francaise De Philosophie
- Bulletin De La Societe Francaise De Philosophie
- 26 Octobre 2016
- 9782711650781
Suspendons la croyance qui est la nôtre quant au fait que les individus et certains groupes humains (peut-être aussi d'autres êtres) ont des droits; un rapide examen historique montre d'ailleurs que la conviction que les hommes ont ou doivent avoir des droits est assez récente. Demandons-nous donc s'il y a des raisons fortes qui, indépendamment de nos convictions humanistes, nous contraignent d'admettre que les hommes ont des droits. Et d'abord, que signifie exactement avoir un droit?
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Bulletin de la Société française de philosophie n.110/1 : la philosophie politique du critère de justice au projet de la liberté
Pierre Manent, Collectif
- Societe Francaise De Philosophie
- Bulletin De La Societe Francaise De Philosophie
- 3 Novembre 2016
- 9782711650798
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Bulletin de la Société française de philosophie n.2016/3 : qui a dit animale rationale ?
Bulletin De La Societe Francaise De Philosophie
- Societe Francaise De Philosophie
- Bulletin De La Societe Francaise De Philosophie
- 3 Janvier 2017
- 9782711650811
Les meilleurs historiens de la philosophie disent traditionnelle ou classique la définition de l'homme comme animal raisonnable. Saint Augustin déjà l'attribue aux anciens. Locke la qualifie de scolastique et ironiquement de sacrée, Leibniz dans sa réponse la dit « consacrée ». Heidegger en fait le centre de sa critique de l'humanisme, lequel aurait manqué l'humanité de l'homme parce qu'il l'a pensée à partir de l'animalité, rangeant l'homme dans le genre animal, avec la raison comme différence spécifique, et de là serait venu le biologisme. Foucault lui aussi prétend que cette définition règne depuis 2000 ans en occident, mais ne lui donne pas ce sens. Ce ne sont que quelques exemples.
Cette définition n'est qu'une fiction scolaire : un exemple donné dans les manuels de logique pour montrer ce qu'est la définition par genre et différence spécifique, et non une thèse sur l'humanité de l'homme. Au contraire, chaque fois qu'elle est reprise dans un contexte métaphysique et anthropologique, par Montaigne, Descartes, Locke, Leibniz, Kant, Hegel, elle est rejetée. Il est faux de prétendre que tout le monde l'a admise et qu'elle consisterait à penser l'humanité à partir de l'animalité.
Auguste Comte affirme la parenté de l'homme et de l'animal contre cette définition, expression d'un mépris théologique des animaux : son jugement est l'exact contraire de celui de Heidegger. Et d'un même mouvement il condamne un matérialisme qui croirait trouver dans la biologie le principe d'explication de la sociologie. On pourra donc voir que penser l'homme à partir de l'animalité ne débouche nullement chez lui sur un biologisme.
Et revenant à Descartes, on rappellera que l'homme n'est pas l'objet d'une connaissance métaphysique ou mathématique, puisque, comme il l'écrit à Elisabeth, chacun éprouve en soi-même l'union de l'âme et du corps sans philosopher.