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Societe Francaise De Philosophie
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Bulletin de la Société française de philosophie n.3 : des oeuvres et des discours : portrait de l'artiste en chercheur
Carole Talon-Hugon
- Societe Francaise De Philosophie
- Bulletin De La Societe Francaise De Philosophie
- 24 Février 2022
- 9782711650972
Dans Le Mot peint (1975), l'écrivain Tom Wolfe imaginait ironiquement le moment où les musées n'exposeraient plus les oeuvres des peintres Jackson Pollock, Willem De Kooning ou Jasper Johns accompagnées de petits cartels portant des commentaires des critiques Clement Greenberg, Harold Rosenberg ou Leo Steinberg, mais accrocheraient sur leurs murs les reproductions agrandies de ces mêmes textes accompagnées de petits cartels où figureraient les reproductions des oeuvres commentées. De fait, la chose s'est réalisée : l'artiste John Baldessari a effectivement exposé une toile intitulée Clement Greenberg (1967-1968), qui ne consiste en rien d'autre qu'en la reproduction d'un texte du critique, réalisant ainsi la superposition parfaite de l'oeuvre et du texte.C'était là une étape dans un processus continu d'intellectualisation de l'art dont il s'agira ici d'identifier les divers moments saillants et les formes spécifiques, depuis les premiers textes théoriques sur les arts du dessin à la Renaissance jusqu'à la posture contemporaine de l'artiste en chercheur de sciences sociales, en passant par les Conférences de l'Académie royale de Peinture et de Sculpture, le temps des Manifestes et celui des « théories persuasives » de la Modernité tardive. Il s'agira plus particulièrement d'étudier ce qui a rendu possible les formes les plus contemporaines de cette prolifération discursive, en montrant qu'elles sont nées de la convergence de deux phénomènes distincts qui, au cours du XXe siècle, ont affecté la sphère artistique d'une part et la sphère académique de l'autre. Le premier est la désartification de l'art; le second, la dé-régulation des sciences humaines.
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Bulletin de la Société française de philosophie n.4 : d'un sensible l'autre : sur la signification métaphysique des sensibles
Jocelyn Benoist
- Societe Francaise De Philosophie
- Bulletin De La Societe Francaise De Philosophie
- 24 Février 2022
- 9782711650989
On partira d'une représentation qui, sous diverses formes, a dominé une part importante de la philosophie du XXe siècle : celle de « la fin des arrière-mondes ». On essaiera de comprendre comment la récession du désir d'évasion en direction de quelque chose qui serait désigné comme suprasensible n'a pas reconduit la philosophie contemporaine, tant s'en faut, vers une prise en compte du sensible comme tel. La philosophie contemporaine, dans l'ensemble, certes, ne raisonne plus en termes d'opposition entre un sensible et un suprasensible et ne se donne plus comme tâche prioritaire le passage de l'un à l'autre, mais on peut avoir l'impression que, en perdant le sens du suprasensible, elle a perdu celui du sensible aussi.Pour essayer d'en comprendre les raisons, on reviendra sur la fameuse fable nietzschéenne du Crépuscule des idoles et on proposera diverses interprétations de la fin du « platonisme » que, apparemment, il faudrait diagnostiquer à sa lumière. On discutera si cette fin, ainsi que ceux qui l'ont thématisée ont pu parfois le croire, doit être interprétée comme un retournement ou comme un renversement, ou bien si ce motif n'offre pas d'autres possibilités : si sortir du platonisme ne consiste pas en autre chose que le renverser. La représentation d'une telle sortie n'est cependant possible que si l'on parvient à la juste appréhension de ce dont on serait censé sortir ou être déjà sorti. On rouvrira donc la question de la constitution platonisante du rapport métaphysique au sensible - ce qui conduira aussi bien à faire réentendre l'ambiguïté et la tension inhérentes à la notion de métaphysique, quelque peu étouffées aujourd'hui. Plutôt que d'y voir une pure et simple occultation du sensible, on y reconnaîtra une façon de prendre en charge la réalité du sensible et, en fait, l'invention même de ce sensible comme tel. On mettra en lumière, à cet égard, un double mouvement : comment la métaphorisation métaphysique du sensible est indissociable de sa constitution en genre unifié par le moyen d'une synecdoque. À partir de là, on pourra réfléchir sur les différentes façons dont le sensible, plutôt que de voir sa réalité s'effacer avec la métaphore métaphysique qui l'avait produit au profit d'une « métaphysique sans métaphore », ce rêve constitutif de la philosophie moderne, peut aujourd'hui être remis en jeu dans sa diversité, en déplaçant les leviers mêmes actionnés par le platonisme pour le constituer.
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Bulletin de la Société française de philosophie n.3 : Démocratie et écologie
Collectif
- Societe Francaise De Philosophie
- Bulletin De La Societe Francaise De Philosophie
- 5 Septembre 2024
- 9782711651092
En 1971 a été créé le ministère français de l'environnement, plusieurs fois rebaptisé par la suite. Depuis lors, des politiques publiques écologiques ont été mises en oeuvre, en lien avec les textes internationaux et aux différentes échelles du territoire. Comment interpréter le peu d'effet de ces politiques? Cela tient-il à l'impuissance des démocraties à faire face aux enjeux écologiques? Ou bien doit-on adopter l'idée symétrique que l'écologie ne peut être que punitive et s'imposer aux dépens des libertés individuelles? Quelle que soit l'interprétation retenue, il semble que l'incompatibilité entre démocratie et écologie soit une conviction fortement partagée. Nous l'examinerons dans trois directions principales :
1) La généalogie droitière des mouvements écologiques : cette assignation conservatrice ne résiste pas à l'étude historique des mouvements écologiques. La défense de la nature, qui fut une idée moderne, ne se placerait-elle plutôt pas au-delà, plutôt qu'en deçà, de la modernité?
2) Lanceurs d'alerte sur la crise écologique, les scientifiques jouent un rôle extrêmement important dans la question écologique, devenue une question politique. Cela justifie-t-il une forme d'« épistocratie », marquée par la participation des scientifiques, à partir d'instances non élues, à la décision politique sur les questions écologiques?
3) Il s'agirait alors d'imposer les modèles élaborés par des experts à des populations présumées récalcitrantes. N'assiste-t-on pas au contraire à des initiatives citoyennes d'expérimentation de nouvelles façons d'habiter la nature et à des mobilisations populaires visant à obliger les gouvernements à satisfaire à leurs propres engagements internationaux, ceux qu'ils s'empressent d'oublier?
L'originalité des mouvements écologiques, par rapport aux mouvements sociaux des siècles précédents, vient de ce qu'ils ne sont pas en demande d'État, mais pratiquent des formes nouvelles de démocratie. Ce sont celles-ci qu'il faut interroger. -
Bulletin de la Société française de philosophie n.2019/1 : le monde : norme ou donné ?
Michaël Foessel
- Societe Francaise De Philosophie
- Bulletin De La Societe Francaise De Philosophie
- 3 Décembre 2019
- 9782711650910
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Bulletin de la Société française de philosophie n.2019/2 : le monde sans nous ; réflexions sur le réalisme des modernes
Philippe Hamou
- Societe Francaise De Philosophie
- Bulletin De La Societe Francaise De Philosophie
- 7 Janvier 2019
- 9782711650927
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Bulletin de la Société française de philosophie : science et philosophie : le cas de l'esprit
Andler
- Societe Francaise De Philosophie
- Bulletin De La Societe Francaise De Philosophie
- 7 Octobre 2002
- 9782711650118
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Bulletin de la Société française de philosophie : philosophie et ergologie
Yves Schwartz
- Societe Francaise De Philosophie
- Bulletin De La Societe Francaise De Philosophie
- 7 Octobre 2002
- 9782711650149
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Bulletin de la Société française de philosophie : qu'est-ce qu'un auteur ?
Chartier
- Societe Francaise De Philosophie
- Bulletin De La Societe Francaise De Philosophie
- 1 Janvier 2001
- 9782711650163
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Bulletin de la Société française de philosophie n.117 : Sur l'acrasie
Collectif
- Societe Francaise De Philosophie
- Bulletin De La Societe Francaise De Philosophie
- 11 Juillet 2024
- 9782711651085
Paradigme supposé d'irrationalité, l'acrasie se manifeste quand on agit intentionnellement contre son meilleur jugement, alors qu'on croit être libre de le suivre et qu'on n'en est pas empêché. Ces deux conférences abordent respectivement l'acrasie sous l'angle de sa possible immoralité et sous celui des émotions.
Dans « L'acrasie : irrationalité ou immoralité? », Laurent Jaffro examine comment ce problème de rationalité pratique pourrait donner lieu à un problème de moralité. L'action acratique peut trahir les principes moraux de l'agent. Elle peut aussi consister, indépendamment de cela, en une action immorale. Enfin, une disposition chronique à agir contre son meilleur jugement pointe dans la direction d'un manque de contrôle de soi qui ressemble à un vice. À quelles conditions l'acrasie pourrait-elle être moralement blâmable?
À rebours de ces circonstances malheureuses, Monika Betzler examine, dans « Acrasie inverse et rationalité diachronique », les cas où un agent, contre son meilleur jugement et en vertu d'une émotion, fait ce qui est le plus raisonnable de faire. Cette forme d'acrasie est dite inverse. L'exemple classique est celui de Huckleberry Finn qui écoute son coeur malgré son meilleur jugement et ne dénonce pas son compagnon Jim. Ni la conception standard qui voit dans l'acrasie un paradigme d'irrationalité, ni des tentatives récentes de décrire ces cas comme rationnels, ne sont satisfaisantes. Ce qu'il est rationnel de faire dans les situations où nous éprouvons des émotions contraires à notre jugement, c'est de réexaminer ce jugement, puis de le réviser ou de le réaffirmer à la lumière de nos émotions. -
Bulletin de la Société française de philosophie : avant l'epistémologie la quête prémoderne du savoir parfait
Robert Pasnau
- Societe Francaise De Philosophie
- Bulletin De La Societe Francaise De Philosophie
- 28 Octobre 2021
- 9782711650958
L'épistémologie, au sens que le terme a en langue anglaise n'a pas toujours été un objet philosophique spécifique. Pour le comprendre, l'auteur décrit la formation d'une distinction entre la connaissance et la science - u n développement qui a s es origines dans la désintégration de la métaphysique scolastique issue d'Aristote. Si l'épistémologie est maintenant devenue une question fondatrice de la philosophie, c'est que nous avons largement suivi la solution de John Locke, en nous en remettant à la science quand il s'agit de savoir à quoi ressemble le monde et pourquoi il en va ainsi. Ainsi, la tendance philosophique dominante depuis trois siècles, du moins chez les philosophes de langue anglaise, a été de se concentrer sur les sujets qui relevaient autrefois de la logique dans son sens traditionnel large :
L'étude de la connaissance, de la langue et des modèles d'inférence. Pourtant, il n'est pas trop tard pour nous demander si la philosophie doit céder le pas aux sciences dans la recherche des explications ultimes qui disent pourquoi le monde est tel qu'il est.
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Bulletin de la Société française de philosophie : religion, politique et idéologie : un regard de philosophie des sciences sociales
Bruno Karsenti
- Societe Francaise De Philosophie
- Bulletin De La Societe Francaise De Philosophie
- 28 Octobre 2021
- 9782711650965
Religion et politique sont entrées dans de nouveaux rapports, qu'on n'attendait pas : des rapports de dépacification, voire de guerre civile, qui exigent de notre part un auto-examen sans concession et une interrogation sur ce que nous avons manqué. Sur ce plan, ce qui est exigé de nous, c'est que nous reconsidérions la thèse majeure de la séparation moderne du politique et du religieux. On adoptera une démarche de philosophie des sciences sociales pour affronter cette question. Cette démarche se pose en alternative au récit canonique de la philosophie politique moderne qui, précisément, entérine et considère pour acquise la grande séparation. Elle permet d'aborder les religions, dans leurs formes singulières et irréductibles, en relation à la constitution des idéologies qui structurent la modernité politique. La philosophie des sciences sociales, en effet, se définit par un lien intrinsèque à la sociologie des idéologies, exemplairement pratiquée par Karl Mannheim et Norbert Elias. Mais elle est aussi en mesure, pour cette raison même, de définir le point par lequel les religions se distinguent des idéologies. Ce point tient, non au fait que, ramenées à leur supposée pureté, elles ne seraient pas politiques, et par conséquent toujours déjà disposées à la grande séparation, mais au fait qu'elles le sont essentiellement et le demeurent chacune à leur manière, en un sens spécifique qui exige d'être caractérisé. On tâchera, dans cette conférence, d'user de cette méthode discriminante pour se doter d'un meilleur aiguillon dans cette zone particulièrement tourmentée de notre condition actuelle.
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Bulletin de la Société française de philosophie n.115-1 : l'universel en langue
Collectif
- Societe Francaise De Philosophie
- Bulletin De La Societe Francaise De Philosophie
- 3 Novembre 2022
- 9782711650996
Le propos est de contribuer à la transformation de ce qui aujourd'hui, dans l'espace public, a les apparences d'une querelle mettant aux prises l'universalisme et ce qui est présenté comme des particularismes postcoloniaux en une discussion philosophique de la notion d'universel. En commençant par reconnaître aux dits « postcoloniaux » non pas la position qui leur est prêtée mais celle qu'ils ont pour la plupart effectivement défendue : la visée d'un universel qui soit « véritablement universel » (I. Wallerstein) parce que « riche de tous les particuliers » (Césaire). Il s'agit de montrer que la remise en question d'un universel impérial, « vertical », n'est pas récusation mais invitation à mettre en chantier, depuis le pluriel d'un monde décolonisé, dont aucune province n'a le privilège d'être le centre, un universel de la rencontre, de la traduction, un universel latéral (Merleau-Ponty). L'invitation est donc de construire philosophiquement la notion de (multi)latéralisme.
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Bulletin de la Société française de philosophie n.115-2 : Spinoza et Descartes : sur la seconde partie des Principia philosophiae cartesianae
Collectif
- Societe Francaise De Philosophie
- Bulletin De La Societe Francaise De Philosophie
- 3 Novembre 2022
- 9782711651009
Le premier traité publié par Spinoza, et le seul qu'il ait donné sous son nom, Renati Des Cartes Principiorum Philosophiæ Pars I & II, avait initialement pour objet de présenter les résultats de la partie de physique générale de Descartes en leur donnant une forme géométrique, suivant le modèle euclidien. Dans cette forme que Descartes n'avait pas cru devoir retenir, Spinoza expose les thèses cartésiennes en en modifiant l'ordre, en supprimant certains éléments et en en ajoutant d'autres. Sur les points importants, le propos ne soutient pas de thèses très différentes des propositions originales. Mais, par exemple, tout l'ensemble des propositions qui fait suite à l'énoncé des règles du choc est profondément remanié.
Parmi les passages ajoutés ou fortement remaniés figure le long scolie de la proposition 6, qui vaut transition entre les propositions portant sur l'essence de la matière et celles qui concernent la théorie du mouvement. Ce scolie comporte une réfutation totalement inédite de thèses prêtées, sans doute un peu abusivement, à Zénon d'Elée contre la réalité du mouvement. La portée de cette réfutation, tout à fait absente du texte de Descartes, est pourtant elle-même problématique. S'agit-il de prouver (démonstrativement et non ostensivement) la réalité du mouvement? Ou bien d'affirmer ce qui est le moyen terme de cette réfutation : la continuité du temps? Et, dans ce cas comme dans l'autre, Spinoza se servirait-il de cet argument pour réfuter la conception cartésienne du temps?
Nous chercherons à montrer que la conception spinozienne sur ce point ne s'oppose pas à celle de Descartes, mais vise à l'expliciter. L'idée d'un atomisme temporel cartésien, soutenue par de nombreux commentateurs depuis Wahl et Vigier, est, comme on le sait par les travaux de Laporte et de Beyssade, une thèse interprétative contestable. Rien sous la plume de Spinoza ne témoigne que la pensée cartésienne soit ainsi interprétée, et moins encore visée ou critiquée. Bien au contraire, en conclusion des deux réfutations originales qu'il propose, Spinoza renvoie son lecteur aux textes cartésiens traitant de l'Achille. L'argumentation spinozienne met en oeuvre, à propos des rapports entre les quantités de matière et les vitesses de déplacement, un raisonnement qui n'est explicite chez Descartes que dans les dimensions spatiales. Il revient ainsi à Spinoza de rendre explicite la dimension temporelle du problème.
Il s'agit ainsi de conclure sur Descartes, Spinoza et la divisibilité du temps; puis de montrer que le travail spinozien revient pour l'essentiel à donner aux thèses cartésiennes l'allure de propositions réciproques, et, partant, à en montrer le caractère réellement systématique. -
Bulletin de la Société française de philosophie n.115-4 : retour sur le galiléisme philosophique et héritage : questions pour aujourd'hui
Collectif
- Societe Francaise De Philosophie
- Bulletin De La Societe Francaise De Philosophie
- 16 Mars 2023
- 9782711651023
Cette communication a deux parties :La première reviendra sur l'âge classique, entendu dans les limites larges que lui a données Michel Foucault, en incluant les Lumières. L'analyse d'un fragment connu de Galilée introduira au galiléisme philosophique, c'est-à-dire à la référence à Galilée telle qu'elle fut élaborée diversement par Descartes, Pascal et Kant. En résultèrent trois paradigmes de jugement, trois choix quant à l'approche philosophique du réel et de son énonciation. Cette diversification fut soutenue par trois diagrammes (règle coulissante, triangle arithmétique, table kantienne des jugements) auxquels ces philosophes eurent recours. Ces trois manières de configurer le rationalisme y associaient une morale.La deuxième partie rappellera l'héritage controversé du galiléisme philosophique, mais aussi son développement au-delà de ses premières motivations. Le but est d'ouvrir un point de vue comparatif sur un autre épisode - qui n'est pas achevé. On évoquera le défi que l'énonciation scientifique a posé, au seuil du XXe siècle, à l'écriture conceptuelle, à sa demande de réel et à sa déontologie. Ici, Cavaillès et ce qu'il tint pour un enrichissement, et Merleau-Ponty qui l'a suivi plus qu'on ne le dit, seront nos points d'appui. En confirmant la division naguère proposée entre phénoménologies et langues formulaires, on se propose d'en donner les raisons aujourd'hui claires. Elles ont décidé de quelques choix philosophiques irrémissibles mis à l'épreuve dans les dernières décennies.
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Bulletin de la Société française de philosophie n.116-1 : l'origine de l'apparaître : pour une cosmologie phénoménologique
Collectif
- Societe Francaise De Philosophie
- Bulletin De La Societe Francaise De Philosophie
- 7 Juillet 2023
- 9782711651030
Dès les Ideen I, Husserl pose avec lucidité le problème qui est au coeur de toute démarche phénoménologique : « D'un côté la conscience doit être l'absolu au sein duquel se constitue tout être transcendant et donc finalement le monde psycho-physique dans sa totalité; et d'autre part la conscience doit être un événement réel (reales) et subordonné à l'intérieur de ce monde. Comment concilier les deux choses? ». Formulé ainsi, le problème paraît sans solution: comment la conscience peut-elle être à la fois condition de l'apparaître du monde et chose du monde, constituante et constituée?
Plutôt que d'opter pour l'un des termes de l'alternative, un idéalisme transcendantal ou un réalisme empirique, il faut se demander à quelles conditions cette situation est pensable. Il s'agit donc de transformer le problème en solution et d'affirmer que le propre du sujet est à la fois et indistinctement d'appartenir au monde et de le faire paraître, de vivre le monde dans la mesure exacte où il vit en lui, de telle sorte que l'appartenance n'est plus un obstacle à la phénoménalisation mais sa condition même. Mais alors, si l'appartenance du sujet signifie sa parenté ontologique avec le monde, force est de conclure que ce dernier est le sujet véritable de la phénoménalité. Ce n'est pas moi qui fais paraître le monde mais celui-ci qui paraît en moi, qui se phénoménalise à travers moi; le sujet n'est plus la source mais le simple destinataire de la phénoménalité.
En ce point, le problème phénoménologique devient un problème cosmologique puisqu'il requiert de penser l'être du monde de telle sorte qu'il puisse être la source de la phénoménalité, l'origine même de l'apparaître. La question que nous nous proposons de traiter est donc double : 1) À quelles conditions l'insertion du sujet dans le monde est-elle conciliable avec l'apparition de ce monde? Et 2) dès lors, comment penser le monde de telle sorte que sa présence dans l'étant signifie nécessairement sa présence à l'étant? -
Bulletin de la Société française de philosophie : La vieille querelle entre philosophie et poésie
Charles Larmore
- Societe Francaise De Philosophie
- Bulletin De La Societe Francaise De Philosophie
- 7 Juillet 2023
- 9782711651047
En République, 607b, Platon parle d'une « vieille querelle entre la philosophie et la poésie ». Inconnue en Grèce ancienne avant lui, cette querelle est inventée par lui pour légitimer son abandon de la poésie en faveur de ce qu'il appelait « philosophie », et qui serait, à l'instar de la géométrie, une forme de savoir systématique de son objet - en l'occurrence, du rapport fondamental entre l'esprit et le monde. La querelle, telle qu'il nous l'a léguée, tourne ainsi autour de l'opposition entre la recherche d'explications des phénomènes et l'inclination à se fier à ses impressions.
Mais la poésie ne se réduit pas à un simple divertissement : un poème peut nous faire ressentir des vérités que notre propre conception du monde - ou (comme chez Lucrèce) la philosophie du poète lui-même - est incapable de reconnaître. Il faut en effet distinguer entre la connaissance de vérités et la connaissance de choses. La poésie ne s'attache pas à communiquer des vérités; elle cherche plutôt à évoquer des expériences. Et l'évocation d'expériences peut avoir pour effet secondaire, même involontaire, de suggérer des vérités jusque-là insoupçonnées. Ainsi, la vieille querelle entre philosophie et poésie repose sur un malentendu, car connaissance de vérités et connaissances d'expériences ne sont pas en concurrence. La poésie cherche à exprimer des expériences, l'effet que cela fait d'être ceci ou cela, de manière puissante et mémorable, ce qui ne relève pas de la compétence de la philosophie. -
Bulletin de la Société française de philosophie : Retour sur l'universalisme : Autour du travail de Francis Wolff
Collectif
- Societe Francaise De Philosophie
- Bulletin De La Societe Francaise De Philosophie
- 7 Septembre 2023
- 9782711651054
Par l'intitulé « Retour sur l'universalisme : autour du travail de Francis Wolff », la Société française de philosophie inscrit ce moment de réflexion au sein de recherches et de travaux qu'elle a menés ou accueillis récemment; elle entend aussi faire signe vers l'oeuvre de Francis Wolff.
« Dire le monde et plaider pour l'universel » : la formule par laquelle Francis Wolff résume son programme philosophique peut se lire en équivalence : dire le monde, c'est-à-dire plaider pour l'universel. Selon l'auteur, constituer un monde hors de moi et constituer un monde commun procèdent d'un même noyau : la forme prédicative initiale donne sa forme au monde et d'un même geste engage le rapport entre des consciences réflexives. À partir de « la raison dialogique comme différence anthropologique », les grands champs de l'universel - réflexion sur les procédures de la connaissance, quête d'une éthique, construction d'une esthétique - se déploient en un mouvement d'« aspiration à l'achèvement de l'interlocution » nourri par l'histoire de la philosophie, et constituent un humanisme.
La demi-journée d'étude, en présence de Francis Wolff, propose une discussion de quelques-uns de ces thèmes centraux dans son travail. André Comte-Sponville et Alain Policar, auteurs d'ouvrages récents consacrés à l'oeuvre de Francis Wolff, y sont invités d'honneur. -
Bulletin de la Société française de philosophie n.117/1 : Anthropologie et philosophie : comment symétriser des ontologies?
Philippe Descola
- Societe Francaise De Philosophie
- Bulletin De La Societe Francaise De Philosophie
- 26 Janvier 2024
- 9782711651078
Plus que dans d'autres traditions nationales, l'anthropologie française s'est développée dans le sillage de la philosophie, non pas de façon ancillaire, mais comme une tentative de prendre en charge des problèmes que la philosophie a longtemps ignorés ou dédaignés. Les anthropologues français et européens se sont engagés dans cette voie depuis un peu plus d'un siècle en s'efforçant de symétriser des modes de pensée et des constructions intellectuelles radicalement étrangères à la philosophie occidentale avec les problèmes et les entités caractéristiques de sa métaphysique. Trois démarches ont principalement été employées pour ce faire : la généralisation de la valeur opératoire d'un concept local (mana, tabou...), dès lors invité à rejoindre l'outillage intellectuel du patrimoine philosophique; la systématisation d'une pensée autochtone promue, implicitement ou explicitement, en contre-modèle de la philosophie européenne; enfin l'intégration d'une grande diversité de formes de pensée locales - dont la métaphysique occidentale - au sein d'une combinatoire structurale où elles sont traitées comme des variantes les unes des autres. Si aucun de ces efforts de symétrisation n'est pleinement satisfaisant pour des raisons que l'on examinera, chacun d'entre eux implique des types de bifurcation différents, à partir des circonstances ethnographiques toujours particulières, vers des formes de généralisation anthropologique, bifurcations qui font appel à des ressources conceptuelles caractéristiques de l'exercice philosophique : l'induction et la déduction. La dernière partie de la conférence est consacrée à l'examen de l'usage de ces deux méthodes dans l'anthropologie contemporaine et à une explicitation de la manière dont nous avons déployé la combinaison entre induction et déduction dans le modèle transformationnel proposé dans Par-delà nature et culture (2005).
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Bulletin de la Société française de philosophie n.4 : Descartes chimiste? sur quelques pages oubliées des Principia philosophiae
Joly
- Societe Francaise De Philosophie
- Bulletin De La Societe Francaise De Philosophie
- 31 Mai 2017
- 9782711650828
Dans une lettre du 4 août 1645 à Constantin Huygens, Descartes déclarait avoir déjà écrit tout le peu qu'il savait touchant la chimie dans la quatrième partie de ses Principes. Il n'avait pas eu l'intention d'écrire un traité de chimie ; il n'espérait pas même faire progresser cette science, dont il connaissait à la fois l'importance pratique et les insuffisances théoriques. Il s'agissait donc simplement pour lui de proposer des explications des diverses opérations chimiques qui fassent l'économie des thèses paracelsiennes alors dominantes et de remplacer l'invocation d'une présence agissante des principes chimiques par des explications mécaniques. Aucun chimiste ne reprit jamais à son compte le détail des explications cartésiennes qui tombèrent rapidement dans l'oubli. Bien plus, et cela jusqu'à nos jours, rares sont les historiens des sciences ou de la philosophie à avoir tenté d'interpréter ces pages obscures. Ce sont les raisons de cet oubli historique de la chimie cartésienne qu'il faut essayer de comprendre. C'est à la fois une part importante de la conception cartésienne de la matière et la place de la chimie dans les processus de la Révolution scientifique qu'il convient ainsi de réévaluer.
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Bulletin de la Société française de philosophie n.111/1 : Spinoza, l'énigme ?
Elhanan Yakira
- Societe Francaise De Philosophie
- Bulletin De La Societe Francaise De Philosophie
- 5 Décembre 2017
- 9782711650835
Il y a sans doute une énigme spinoziste. Elle persiste en dépit du vaste corpus qui, consacré à la philosophie ou à la vie du philosophe, ne cesse de croître en quantité comme souvent aussi en qualité. Qui fut ce penseur étrange et solitaire ? Qu'a t-il voulu au juste ? Comment comprendre l'intérêt dont il fait l'objet et son influence sur la pensée moderne, voire sur la culture moderne elle-même ? Mais surtout, peut-on trouver dans sa pensée un intérêt non pour les érudits ou les historiens, ni en vertu d'inspirations vagues, mais pour des raisons proprement philosophiques ? En répondant de manière favorable à cette question, l'auteur cherche à reconstruire le sens positif de l'éthique spinoziste, à partir de sa théorie de l'âme et du corps et de la lecture que fit Jean Cavaillès de sa notion de nécessité.
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Bulletin de la Société française de philosophie n.2017/3 : tristes réalismes ; exploration d'un tropisme philosophique contemporain
Isabelle Thomas-fogiel
- Societe Francaise De Philosophie
- Bulletin De La Societe Francaise De Philosophie
- 5 Décembre 2017
- 9782711650842
La réflexion proposée ici prend sa source dans un étonnement, voire une stupéfaction, face à la configuration de la philosophie de ces trente dernières années. En effet, la production philosophique paraît s'y réduire à une unique revendication, que l'on pourrait résumer par cette injonction lancée aux enfants du siècle : « Faites-vous réalistes ». Ce phénomène de cristallisation est d'autant plus étonnant que ses origines sont à ce point multiples qu'il transcende les grandes partitions qui ont structuré, depuis l'après-guerre, notre paysage philosophique (notamment celle entre analytique et continentale). Que signifie, pour ceux qui le revendiquent aujourd'hui, le terme « réalisme » ? Qu'en est-il de leur définition de la vérité ? Etc. Toutes ces questions nous entraîneront, à terme, à tenter de comprendre comment les philosophes sont moins des montreurs de réel que des architectes de l'universel.
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Bulletin de la Société française de philosophie n.2017/3 : l'endurance de l'homme
Jean-françois Balaudé
- Societe Francaise De Philosophie
- Bulletin De La Societe Francaise De Philosophie
- 17 Juillet 2018
- 9782711650859
La réflexion proposée par Jean-François Balaudé sur l'endurance humaine se situe au croisement de plusieurs perspectives.
La première procède de travaux récents de paléoanthropologues. Dennis Bramble et Daniel Lieberman ont les premiers mis en évidence qu'un facteur décisif d'évolution de l'homo a tenu, à partir de la station debout de l'homo erectus, et d'une série d'adaptations musculosquelettiques et métaboliques, à sa capacité à développer, d'une façon qui n'avait pas d'équivalent chez les animaux terrestres, l'aptitude à la course d'endurance longue. Il est ce faisant devenu un prédateur d'un genre nouveau, développant une chasse dite à l'épuisement, et cette pratique a conduit, en un processus étalé sur plusieurs centaines de milliers d'années, à des évolutions physiologiques et intellectuelles décisives.
La deuxième s'appuie sur l'observation de pratiques contemporaines doublée d'expériences personnelles. On peut avancer que les pratiques d'activité physique et sportive tendent à se développer, au-delà du simple souci de l'hygiène de vie et de l'entretien physique. Un certain engouement de masse pour les pratiques sportives apparaît en effet désormais comme une donnée anthropologique contemporaine remarquable. Depuis les années 70, c'est un mouvement continu de développement des sports d'extérieur et des pratiques d'endurance que l'on peut observer, dans des formes très diverses : cyclisme, course à pied, randonnées, trails, raids...
Ces activités sont peut-être socialement déterminées, mais leur développement, dans presque tous les milieux, leur persistance et l'engouement qu'elles suscitent, se laissent difficilement expliquer par le simple supposé culte de la performance.
L'interprétation de ces pratiques conduit à soutenir que des formes d'expérience individuelle sans équivalent s'y éprouvent, comportant une véritable dimension spirituelle. Peut-être un besoin physiologique essentiel affleure-t-il ici, peut-être des formes cruciales de connaissance, de soi, du monde, s'y révèlent-elles également.
Le concept d'endurance est alors crucial pour tenter de cerner à la fois ce besoin, cette expérience et ce qui constitue en définitive notre humanité. Indurare signifie en latin impérial endurcir son corps ou son esprit, et en latin classique durcir, au même titre que durare. Mais le même durare signifie aussi avoir une durée, durer. Les deux sens de durare, durer, durcir, se sont trouvés en latin étroitement liés dès le départ.
La capacité d'endurer serait ainsi étroitement liée à cette « continuité de la vie intérieure » dont parle Bergson, et qui selon lui distingue à jamais l'homme de l'animal. Dans et par l'endurance serait né l'homme. Par sa capacité à endurer, aussi bien aux plans physique que psychologique et moral, l'homme manifeste son humanité, et en déroule indéfiniment les potentialités.
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Bulletin de la Société française de philosophie n.2018/3 : Karl Marx penseur de l'émancipation
Henri Pena-Ruiz
- Societe Francaise De Philosophie
- Bulletin De La Societe Francaise De Philosophie
- 24 Octobre 2019
- 9782711650897
Si Marx insiste sur la dialectique des émancipations ce n'est pas pour disqualifier la définition juridique des droits de l'homme, mais pour montrer les limites de tout registre d'émancipation séparé, quand son formalisme vire à l'hypocrisie. La liberté d'un chômeur en fin de droits est nulle au regard du contrat de travail proposé-imposé.
Penseur du premier âge du capitalisme dépourvu de lois sociales, Marx l'est par là même du troisième âge, qui se rêve comme celui de la dérégulation générale, marquée par l'externalisation des coûts écologiques, humains et sociaux de la frénésie de profit et de compétitivité. Une dérégulation préoccupante au regard du réchauffement climatique et de l'épuisement des ressources naturelles mais aussi d'une humanité minée par des écarts de fortune abyssaux, du fait d'un système « qui produit la richesse en créant la misère » (V. Hugo)
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Bulletin de la Société française de philosophie n.2018/4 : éditer Descartes aujourd'hui
Collectif
- Societe Francaise De Philosophie
- Bulletin De La Societe Francaise De Philosophie
- 24 Octobre 2019
- 9782711650903
Pourquoi et comment, aujourd'hui, réaliser une nouvelle édition des oeuvres complètes de Descartes? La question peut être posée en référence à la grande édition Adam-Tannery, achevée voici un peu plus d'un siècle (1913), et qu'il ne s'agit pas de remplacer (même si elle doit pouvoir un jour être refaite). En l'espace d'un siècle, les études cartésiennes ont connu un essor spectaculaire, que ce soit en France, en Europe ou sur d'autres continents. La connaissance philologique de l'oeuvre n'a donc cessé de s'enrichir, y compris par de nouvelles découvertes, telle celle du manuscrit de Cambridge (encore inédit) pour les Regulæ ad directionem ingenii. Dans le même temps, selon un paradoxe qui demande à être mesuré, la présence de Descartes dans la culture académique n'a cessé de régresser. De là, pour toute nouvelle entreprise d'édition complète, un quadruple impératif s'ajoutant à ceux de l'exactitude et de l'exhaustivité textuelles : fiabilité des traductions nouvelles; réexamen des traductions anciennes; lisibilité optimale; ouverture maximale de l'annotation sur les recherches anciennes ou récentes, notamment quant à la culture du premier XVIIe siècle.
La présente séance permettra d'aborder plusieurs des questions techniques et philosophiques associées à cette entreprise. On reviendra sur l'historique de l'édition en cours de parution (Michelle Beyssade), sur les divers types de problèmes de traduction (Frédéric de Buzon), ainsi que sur la manière dont l'image ou les images de l'oeuvre de Descartes peuvent être par là soumises à révision (Denis Kambouchner). Emanuela Scribano s'exprimera sur l'apport scientifique de la nouvelle édition.
Michelle Beyssade, Frédéric de Buzon, Denis Kambouchner et Emanuela Scribano.