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JEAN-FRANCOIS SENE
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Les passagers, munis de titres de transport électroniques, de bagages de cabine passés aux rayons X, attendent, guidés par un personnel aux uniformes seyants et sous l'oeil d'une police affairée à regarder les écrans de contrôle de sécurité, d'embarquer pour Wapenamanda, Goroka, Kikori, Kundiawa et Wewak. Nous sommes à Port Moresby, capitale de la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Rien que de normal.
L'essentiel est ailleurs : ces hommes d'équipage, ces policiers à gadgets électroniques et ces passagers coutumiers de l'avion sont les descendants directs de ces millions de Papous, découverts par une expédition australienne en 1931, vivants isolés dans leurs diverses vallées montagneuses, en petites sociétés closes, dépourvues d'écriture, de monnaie, d'écoles et de gouvernement centralisé, à un âge trop vite jugé 'de pierre'. En quelque quatre-vingts années, la population des Highlands de Nouvelle-Guinée a vécu des changements qui prirent des millénaires à advenir dans le reste du monde.
Jared Diamond, qui découvrit la Nouvelle-Guinée en 1964 pour sa première étude de terrain ornithologique, pose la question, rarement envisagée : que nous apprennent ces Papous de ce que les Occidentaux ont perdu avec la disparition des sociétés traditionnelles - ces sociétés structurées en groupes de faible densité de population (allant de quelques dizaines à quelques milliers d'individus), subsistant de la chasse et de la cueillette, de la culture ou de l'élevage, et que les contacts avec les grandes sociétés industrielles ont transformées de façon limitée ?
Elles ont en effet inventé des milliers de solutions aux problèmes humains différentes de celles adoptées par nos sociétés modernes. Certaines - par exemple, des manières d'élever les enfants, de traiter les personnes âgées, de demeurer en bonne santé, de bavarder, de passer le temps libre, de pratiquer le multilinguisme ou de régler les litiges - semblent supérieures à celles des pays occidentalisés et riches. Les sociétés traditionnelles peuvent nous inspirer quelques meilleures pratiques de vie, mais également nous aider à évaluer d'autres avantages de notre propre société que nous avons fini par considérer comme normaux.
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Le récit et l'analyse magistrale de la première guerre moderne, par le plus grand historien de la guerre de notre temps.
La guerre de Sécession (1861-1865), la plus coûteuse en vies humaines et en pertes matérielles de toute l'histoire des États-Unis, marqua le passage de l'ère napoléonienne du combat à la " guerre totale ". Pour raconter ce conflit sans précédent, il fallait un historien d'envergure internationale. Dans la lignée de ses synthèses renommées sur les deux guerres mondiales, John Keegan retrace les grandes batailles (Bull Run, Gettysburg) et le duel des généraux (Lee contre Grant) tout en donnant une large part aux enjeux stratégiques, à l'analyse psychologique et à certains aspects trop souvent négligés comme l'approvisionnement, la géographie militaire ou le rôle des Noirs dans le conflit. Ce grand livre, déjà considéré comme un classique, permet ainsi de comprendre comment la déchirure de deux peuples fonda une nation. -
éditer et pirater ; le commerce des livres en France et en Europe au seuil de la Révolution
Robert Darnton
- Gallimard
- Nrf Essais
- 18 Mars 2021
- 9782072842191
Comment expliquer le pouvoir du livre à l'époque des Lumières si on ignore le fonctionnement de l'industrie de l'édition? Il importe de savoir que la moitié au moins des livres vendus en France entre 1750 et 1789 étaient piratés.Du fait des politiques centralisées de l'État, soucieux de surveillance, la Communauté des libraires et imprimeurs de Paris monopolisait les privilèges des livres et ruinait presque toute édition dans les provinces.En réaction, hors de la capitale, les libraires s'approvisionnaient de plus en plus auprès de maisons d'édition qui produisaient des livres français en des lieux stratégiques hors des frontières du royaume - dans ce que Robet Darnton appelle le «Croissant fertile»:d'Amsterdam à Bruxelles, par la Rhénanie, à travers la Suisse et en descendant vers Avignon, les éditeurs pirataient tout ce qui en France se vendait avec quelque succès.Grâce à une main-d'oeuvre et à un papier peu coûteux, les contrefaçons étaient moins chères que les oeuvres produites avec privilèges à Paris. En conséquence, une alliance naturelle se développa entre les libraires de province et les éditeurs étrangers qui razziaient le marché avec un esprit d'entreprise audacieux. Tel fut l'autre visage des Lumières:un capitalisme de butin.
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Un tour de France littéraire ; le monde du livre à la veille de la Révolution
Robert Darnton
- Gallimard
- Nrf Essais
- 1 Novembre 2018
- 9782072744921
Spécialiste des Lumières, Robert Darnton a développé une approche anthropologique par le biais de l'histoire du livre et de la lecture. Pour ce faire, il a puisé dans un fonds inédit, les archives de la Société typographique de Neufchâtel, fondée en 1769 - une correspondance de 50 000 lettres, les états des stocks, les pièces comptables, les livres de commandes qui recréent l'univers du livre, des imprimeurs, colporteurs, libraires et lecteurs pendant les vingt dernières années de l'Ancien Régime. Or, il s'y trouve le carnet tenu au jour le jour par un commis voyageur, Jean-François Favarger, qui entreprend, pour la STN en 1778 et pendant plusieurs mois, un tour de France littéraire en rendant visite aux libraires (un quadrilatère de Pontarlier et Besançon jusqu'à Poitiers et La Rochelle puis Bordeaux, Toulouse, Montpellier et Marseille, retour par Lyon et Bourg-en-Bresse). Il prend des commandes, classe les libraires en partenaires fiables ou aventuriers mauvais payeurs, affiche des valeurs calvinistes rigoureuses (se défier d'un libraire catholique, bon bougre mais qui a trop d'enfants et conséquemment ne se concentre pas assez sur son commerce). Il négocie des traites ou des échanges d'ouvrages publiés par la STN contre d'autres succès imprimés par les libraires-éditeurs et livrés dans des balles de feuilles non reliées et mélangées avec des ouvrages édifiants et autorisés car le commerce porte sur des textes soit censurés, soit interdits puisque piratés en violation du privilège des éditeurs parisiens; enfin, il évalue les risques des voies empruntées par les colporteurs-passeurs à la barbe des douaniers ou avec leur complicité, tant la corruption règne. Cette chaîne du livre, depuis les entrepôts de la STN jusqu'aux mains des lecteurs, permet enfin d'évaluer ce que furent à la STN les meilleures ventes des Lumières en dehors des élites politiques et sociales:Anecdotes sur Mme la comtesse du Barry de Pisandat de Mairobert; l'An 2440 de Mercier; le Mémoire de Necker; La révolution opérée par M. de Maupeou de Mouffle d'Angerville; l'Histoire philosophique de l'abbé Raynal, loin devant La Pucelle d'Orléans de Voltaire. Il s'agit donc ici d'un livre essentiel à la compréhension des Lumières et des origines culturelles et intellectuelles de la Révolution.
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KL ; une histoire des camps de concentration nazis
Nikolaus Wachsmann
- Gallimard
- Nrf Essais
- 2 Novembre 2017
- 9782070773022
Le camp de concentration (KL) est constitutif du nazisme. Il en est le miroir le plus fidèle.
Dès les premières heures du régime, il sert d'abord à éliminer les opposants politiques dans des bâtiments réquisitionnés en pleine ville, puis très vite est érigé hors des zones urbaines selon une architecture particulière. De concentration des prisonniers sans droits, il élargit ses fonctions selon les besoins de l'État : instrument de la terreur idéologique, il devient la machine de l'épuration sociale (malades mentaux, asociaux, homosexuels), le centre d'une économie du travail par le mortel esclavage de la main-d'oeuvre (les prisonniers russes et les Slaves au premier chef), un univers de convois ferrovaires et de rampes de sélection, d'expérimentations médicales selon les pathologies des différentes catégories de déportés, l'épicentre enfin du génocide des populations juives et tziganes en provenance de tous les pays occupés. D'emblée, le camp fut le règne de la violence absolue, sitôt que la garde en fut confiée à la SS des camps dont les rangs s'ouvrirent aux militants de base sans autre formation idéologique que les sanglantes batailles de rues.
Le camp ne répond pas seulement aux évolutions du régime nazi, il est un univers en soi avec ses propres règles, mélange de bureaucratisme tatillon et d'arbitraire déchaîné, sur lequel entend régner Himmler.
Un univers dont les Allemands ne pouvaient ignorer l'existence, tant il fit l'objet de reportages écrits, radiophoniques et cinématographiques afin que chacun sache de quel prix se payait la moindre dissidence. Un univers dont nombre de survivants périrent aux dernières heures dans les marches forcées par lesquelles les nazis voulurent effacer les traces de leur crime devant la progression des armées russes et alliées.
Nikolaus Wachsmann, professeur d'histoire contemporaine à Birkbeck College (université de Londres), a écrit la première histoire globale du camp nazi de 1933 à 1945, puis de sa survivance dans la mémoire occidentale. Un de ces livres majeurs qui, par le recours à des milliers de pages d'archives administratives ou de témoignages personnels, par le jeu d'échelles du centre du pouvoir hitlérien à la condition du détenu au ras de son châlit, marquent une étape dans la discipline.
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Abraham Aboulafia, cabaliste et prophète : herméneutique, théosophie et théurigie
Elliot R. Wolfson
- Eclat
- Philosophie Imaginaire
- 3 Février 2023
- 9782841626380
Abraham Aboulafia (1240-1290?) est l'une des figures les plus hautes en couleur du mysticisme juif. Prophète auto-proclamé aux prétentions messianiques, il vécut et oeuvra à un moment précis de l'histoire juive médiévale qui connut une activité mystique intense. À la différence de la plupart des cabalistes dont on connaît mieux l'oeuvre que la biographie, nous disposons pour Aboulafia d'une relative richesse d'informations concernant sa vie et ses pérégrinations méditerranéennes, grâce essentiellement à l'attention dont il témoigne lui-même dans ses écrits, que l'on commence seulement à pouvoir lire. Après les travaux pionniers de Gershom Scholem, ou ceux de Moshé Idel, Elliot Wolfson s'attache à montrer la dimension éminemment paradoxale d'une oeuvre sans équivalent dans la «pensée juive».
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De la censure ; essai d'histoire comparée
Robert Darnton
- Gallimard
- Nrf Essais
- 18 Septembre 2014
- 9782070144846
Qu'est-ce que la censure? L'historien croit disposer d'un concept unitaire mais plonge-t-il dans les archives qu'il est alors saisi par la diversité des expériences qu'en firent ceux qui la subirent - en l'occurrence, dans la France des Bourbons, dans l'Inde coloniale et dans la République démocratique allemande.
Peut-on cependant dégager des trais communs à ces trois situations?
La première dimension est la répression : Mlle Bonafon, treize ans d'internement dans un couvent pour avoir écrit un conte de fées politique (Tanastès) ; Mukunda Lal Das, trois ans d'«emprisonnement rigoureux» pour avoir entonné la très suggestive «Chanson du rat blanc» ; Walter Janka, cinq ans d'isolement carcéral pour avoir publié Lukács, un auteur tombé en disgrâce.
La seconde dimension comparative est l'herméneutique : la censure est une lutte sur le sens. Elle implique le décodage de références dans un roman à clé ou des querelles sur la grammaire sanskrite, elle suppose toujours des débats interprétatifs qui conduisent peu ou prou à une collaboration entre censeurs et auteurs. Les deux parties comprennent la nature du donnant-donnant : la coopération, la complicité et la négociation caractérisent la façon dont les auteurs et les censeurs opèrent, au moins dans les trois systèmes étudiés ici. Plus qu'un simple affrontement entre création et oppression, la censure, en particulier aux yeux du censeur, apparaît coextensive à la littérature, au point de s'en croire la source.
L'écrivain Norman Manea, quand il reconsidérait les coupes qu'il avait acceptées afin que son roman L'enveloppe noire parût dans la Roumanie de Ceaus,escu, ne regrettait pas tant l'amputation des passages critiques que le processus de compromis et de complicité qui lui faisait conclure au «succès à plus long terme de la Censure, là où il n'était pas visible...».
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L'affaire des quatorze ; poésie, police et réseaux de communication à Paris au XVIIIe siècle
Robert Darnton
- Gallimard
- Nrf Essais
- 18 Septembre 2014
- 9782070145249
C'est un étrange dossier des archives de la Bastille et l'un des plus fascinants, fait de paperolles, qu'ouvre, pour la première fois, Robert Darnton.
Au printemps de 1749, le lieutenant général de police à Paris reçut l'ordre de capturer l'auteur d'une
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Le code de l'honneur ; comment surviennent les révolutions morales
Kwame anthony Appiah
- Gallimard
- Nrf Essais
- 1 Avril 2012
- 9782070135097
Que peut-on apprendre sur la morale en étudiant les révolutions morales ? Historiens et philosophes ont découvert bien des choses sur la science en examinant avec attention les révolutions scientifiques.
La morale, ainsi que le soutenait Emmanuel Kant, est en fin de compte pratique ; elle concerne ce que nous faisons. Aussi, comme toute révolution est un changement profond en un bref laps de temps, une révolution morale doit impliquer une transformation rapide du comportement moral et non pas simplement des sentiments moraux. Kwame Anthony Appiah, professeur de philosophie à l'Université Princeton, examine quelques révolutions morales, la tombée en désuétude du duel, l'abandon du bandage des pieds en Chine, la fin de la traite négrière dans l'Atlantique, pour cerner ce qu'elles ont en commun.
Le premier trait est qu'il ne s'est passé aucun retournement d'opinion suite à des arguments nouveaux politiques, religieux ou moraux. Ceux-ci, hostiles à chacune de ces pratiques étaient bien connus depuis longtemps ; le duel avait toujours été meurtrier et irrationnel, le bandage des pieds cruellement mutilant, l'asservissement une atteinte à la dignité humaine de l'esclave. L'important est ailleurs ; dans chacune de ces transitions le rôle central est revenu à quelque chose que l'on nommait très naturellement " honneur ".
Ainsi des conceptions de l'honneur national et de l'honneur d'ouvriers très éloignés des plantations du Nouveau Monde ont respectivement occupé une place éminente dans la fin du bandage des pieds et de l'esclavage moderne. Ce qui s'avère essentiel, c'est dans chaque cas le rôle des identités sociales et plus exactement la lutte pour la reconnaissance ; nous avons besoin que d'autres personnes nous reconnaissent en tant qu'êtres conscients et nous témoignent que nous les reconnaissons.
Appiah restaure donc, au coeur de la philosophie politique et morale, la notion aujourd'hui négligée d'honneur, essentielle à notre réflexion sur la question de savoir ce qu'est vivre une vie humaine réussie. Tant le respect et l'amour-propre ou respect de soi sont clairement des biens humains cruciaux.
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Le monde jusqu'à hier ; ce que nous apprennent les sociétés traditonnelles
Jared Diamond
- Gallimard
- Nrf Essais
- 17 Octobre 2013
- 9782070139392
Les passagers, munis de titres de transport électroniques, de bagages de cabine passés aux rayons X, attendent, guidés par un personnel aux uniformes seyants et sous l'oeil d'une police affairée à regarder les écrans de contrôle de sécurité, d'embarquer pour Wapenamanda, Goroka, Kikori, Kundiawa et Wewak. Nous sommes à Port Moresby, capitale de la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Rien que de normal.
L'essentiel est ailleurs : ces hommes d'équipage, ces policiers à gadgets électroniques et ces passagers coutumiers de l'avion sont les descendants directs de ces millions de Papous, découverts par une expédition australienne en 1931, vivants isolés dans leurs diverses vallées montagneuses, en petites sociétés closes, dépourvues d'écriture, de monnaie, d'écoles et de gouvernement centralisé, à un âge trop vite jugé 'de pierre'. En quelque quatre-vingts années, la population des Highlands de Nouvelle-Guinée a vécu des changements qui prirent des millénaires à advenir dans le reste du monde.
Jared Diamond, qui découvrit la Nouvelle-Guinée en 1964 pour sa première étude de terrain ornithologique, pose la question, rarement envisagée : que nous apprennent ces Papous de ce que les Occidentaux ont perdu avec la disparition des sociétés traditionnelles - ces sociétés structurées en groupes de faible densité de population (allant de quelques dizaines à quelques milliers d'individus), subsistant de la chasse et de la cueillette, de la culture ou de l'élevage, et que les contacts avec les grandes sociétés industrielles ont transformées de façon limitée?
Elles ont en effet inventé des milliers de solutions aux problèmes humains différentes de celles adoptées par nos sociétés modernes. Certaines - par exemple, des manières d'élever les enfants, de traiter les personnes âgées, de demeurer en bonne santé, de bavarder, de passer le temps libre, de pratiquer le multilinguisme ou de régler les litiges - semblent supérieures à celles des pays occidentalisés et riches. Les sociétés traditionnelles peuvent nous inspirer quelques meilleures pratiques de vie, mais également nous aider à évaluer d'autres avantages de notre propre société que nous avons fini par considérer comme normaux.
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Si l'on s'accorde aujourd'hui à voir en Baruch Spinoza l'un des philo- sophes les plus importants de tous les temps, on ne saurait oublier qu'il fut de son vivant l'un des penseurs les plus révolutionnaires et les plus contro- versés. Né dans une famille de négociants juifs portugais installée à Ams- terdam, Spinoza fut banni, jeune homme, de la communauté séfarade, semble-t-il pour ses opinions jugées hérétiques. Il consacra alors sa vie à la recherche de la vérité, du bien-être moral et de la liberté. Il s'efforça égale- ment de définir sa conception de la « vraie religion » et sa vision d'un État laïque et tolérant.
Avec cet ouvrage colossal (608 pages !), fruit d'une étude scrupuleuse des archives et des travaux les plus récents, Steven Nadler, professeur à l'uni- versité du Wisconsin (Madison) nous donne la première grande biographie de Spinoza. Plus qu'un simple récit de la vie du philosophe, il s'agit là en fait d'un voyage au coeur de la communauté juive d'Amsterdam au XVII e siècle et d'une plongée dans le tumulte, le bruit et la fureur du monde po- litique, social, intellectuel et religieux de la jeune République hollandaise.
Si ce livre constitue un outil précieux pour les philosophes, les historiens et les chercheurs, il est aussi destiné à tous ceux qui, sans être spécialistes, s'intéressent à la philosophie, à l'histoire, à l'Europe au XVII e siècle et à ce qu'il est convenu d'appeler l'âge d'or des Pays-Bas.
Une première édition de ce livre est parue chez Bayard en 2003.
Il s'agit ici d'une nouvelle version revue et augmentée par l'auteur.
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Au fil de fables dont les héros sont des êtres improbables ou d'inquiétants génies, Linda Quilt, avec un humour tout britannique teinté de cruauté, nous invite à concevoir la vie et le bonheur sous un jour autre.
Ses personnages sont dès l'enfance affligés d'une caractéristique monstrueuse qui transforme leur existence et celle de leur entourage en cauchemar. Avec habileté et esprit, l'auteure les entraîne, comme dans les contes philosophiques, dans une série d'épreuves cocasses ou effroyables qui sont autant de questions dont le lecteur tirera peut-être une leçon.
La vérité est-elle toujours bonne à dire ? Est-il sage de vouloir être différent des autres ? Est-ce une bénédiction d'être surdoué ? À ces énigmes, et à quelques autres, nos héros apportent, parfois à leurs dépens, une réponse inattendue, toujours réjouissante et instructive.
Loin des charmants bambins de cartes postales, nous sommes plus proches de ceux qui peuplent l'univers effrayant de William Golding et retrouvons surtout l'esprit grinçant d'un Roald Dahl, pour notre plus grand plaisir.
À savourer sans modération, seul, en famille, à tout âge !
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Danton est avec Robespierre l'une des figures mythiques de la Révolution française. Personnage flamboyant, impétueux et avide, il entre coeur et âme dans la Révolution à l'âge de vingt-neuf ans et est guillotiné à trente-quatre. De la modeste province qui vit naître le brillant orateur au tumulte populaire des rues de Paris, David Lawday fait revivre celui qui reste le symbole d'un « homme debout (...) qui lutte pour l'humanité contre le fanatisme idéologique ».« Lawday excelle à restituer l'atmosphère des débuts de la Révolution : ce mélange de folie et de vertu, d'altruisme irréfléchi et d'évidente auto-célébration. Il sait que Danton était plus que la somme de ses crimes, de ses secrets, et il célèbre son humanisme et ses élans de violence, conflit insoluble. »London Review of Books
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L'atelier de Rembrandt : la liberté, la peinture et l'argent
Svetlana Alpers
- Gallimard
- Nrf Essais
- 17 Septembre 1991
- 9782070722396
À l'origine, une durable légende : celle d'un Rembrandt, génie isolé, solitaire, incompris de ses contemporains et qui, pourtant, par ses gravures comme par ses peintures, devait révolutionner l'art occidental. Puis vint l'heure des experts, qui désattribuèrent nombre de chefs-d'oeuvre que l'on croyait exécutés par Rembrandt : ces tableaux, dont des plus fameux, auraient été le fruit du labeur d'élèves. On distingua dès lors la peinture de Rembrandt et la peinture rembranesque, l'oeuvre unique du Maître et la multiplication par les soins de son atelier de tableaux à la Rembrandt. Aujourd'hui, avec l'ouvrage de Svetlana Alpers, on comprend enfin cette situation paradoxale d'un artiste affirmant le caractère unique et singulier de son oeuvre grâce à la reproduction par d'autres de ses thèmes et de son style. Tout se joue dans l'atelier de Rembrandt, ce monde en soi où règne le peintre, pliant les désirs de ses clients à sa volonté de créer des valeurs artistiques qui lui soient propres. Rembrandt refuse de se conformer aux goûts et aux canons de représentation des mécènes. Sa peinture est l'affirmation originale de l'autonomie de l'artiste, de sa liberté que fonde et nourrit la production pour le marché : car désormais c'est l'échange ou la vente auprès du public qui établit la valeur d'une oeuvre. Dans l'atelier de Rembrandt, c'est tout simplement le statut et le rang de l'artiste moderne qui se fabriquent, ouvrant une page décisive et nouvelle dans l'histoire des peintres et de la peinture en Occident.
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Michael Oakeshott y donne les clés de ce qu'il décrit comme la "disposition au conservatisme" : une valorisation du présent, mais aussi de ce qui est familier, c'est-à-dire déjà connu et éprouvé, une prudence raisonnable par rapport au changement et une conception non utilitariste des relations sociales. En politique, cette disposition au conservatisme se traduit par une méfiance instinctive à l'encontre des idéologies rationalistes et par un scepticisme à l'égard de toutes les initiatives de l'État visant à transformer ou à améliorer la société. Cette pensée conservatrice reste d'une actualité brûlante et permet d'apporter certaines réponses aux interrogations qui se posent aujourd'hui sur l'identité, l'esprit d'entreprise, les relations intergénérationnelles et la place de l'État dans la société.
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L'inégalité entre nations riches - peu nombreuses - et nations pauvres - majoritaires - est un des problèmes les plus préoccupants de notre temps. David S. Landes, éminent historien de l'économie, a voulu faire de "l'histoire mondiale" : mettre l'accent sur les valeurs propres à chaque société comme facteur explicatif des performances économiques. S'attaquant avec un solide bon sens aux dogmatismes à la mode - le tiers-mondisme, le relativisme culturel, l'anti-occidentalisme, etc. -, il n'hésite pas à réhabiliter la géographie qui montre une "vérité désagréable" : la nature distribue inégalement ses bienfaits.
Ce sont les racines historiques des inégalités actuelles entre les nations que l'auteur s'est attaché à rechercher. De l'Europe de l'an Mille à celle de la Révolution industrielle, en passant, entre autres, par la Chine et le monde islamique, nous suivons, en trente chapitres d'une étourdissante érudition, la lente et irrésistible division du monde entre pays riches et pays pauvres.
On comprendra pourquoi, d'après David S. Landes, le prix d'excellence revient aux États-Unis, et la deuxième place au Japon - pays au capital humain "culturellement déterminé" ; on comprendra aussi pourquoi, depuis sa publication, cette somme d'histoire économique et sociale a provoqué d'âpres débats dans le monde anglo-saxon. Ce livre, en effet, nous oblige à porter un regard neuf sur un phénomène que l'auteur décrit de manière particulièrement convaincante : le rôle décisif de l'Occident comme force motrice du développement économique et de la modernité.
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On sait le rôle des intellectuels au xxe siècle, particulièrement en France. On sait de quel poids a pesé l'irresponsabilité de plusieurs d'entre eux, cautionnant envers et contre tout des régimes injustifiables.
Tony Judt s'intéresse ici à trois de ces grands personnages - Blum, Camus, Aron -, dont la particularité est au contraire d'avoir pensé à contre-courant de l'idéologie ambiante et d'avoir incarné la " responsabilité des intellectuels ".
Le combat de Blum contre le Parti communiste, le douloureux divorce de Camus d'avec l'équipe des Temps modernes groupée autour de Sartre, la solitude amère d'Aron méprisé par la gauche et apprécié par une droite dont lui-même désapprouve les orientations, tout cela est analysé par Judt dans cet essai brillant qui remet en perspective ces trois grandes figures françaises. Les plus importantes pages de l'histoire du xxe siècle, les plus notoires des polémiques entre intellectuels, constituent le cadre de ce livre, depuis le Congrès de Tours de 1920, qui voit la scission des socialistes et des communistes, jusqu'aux démêlés d'Aron avec De Gaulle en 1967, en passant par le Front populaire, la guerre d'Espagne, Londres, la guerre d'Algérie, etc.
Tony Judt est professeur d'histoire de la culture française à la New York University. Reconnu comme l'un des meilleurs spécialistes de l'histoire de la gauche et des intellectuels en France, il est l'auteur de trois livres traduits en français : La Reconstruction du Parti socialiste, 1921-1926 (Presses de Sciences-Po, 1976), Le Marxisme et la gauche française, 1830-1983, préface de François Furet (Hachette Littératures, 1987), Un passé imparfait. Les intellectuels en France, 1944-1956 (Fayard, 1992).
Ouvrage traduit avec le concours du Centre national du livre Traduit de l'anglais par Jean-François Sené.
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Lorsque Voltaire, brouillé avec Frédéric II, quitte précipitamment la cour de Prusse en 1753, il est interdit de séjour à Paris. Lui, le dramaturge favori de la Comédie-Française, l'historien du roi, doit se réfugier près de Genève, en terre calviniste. C'est là, à soixante ans, alors qu'il pourrait se retirer et jouir paisiblement de sa gloire, qu'il va entamer, avec une fougue et une passion d'adolescent, une carrière nouvelle de combats contre le fanatisme et l'intolérance. C'est l'histoire de cette lutte acharnée pour les " droits des hommes " que Ian Davidson conte avec élégance et vivacité. S'appuyant sur la correspondance et les écrits polémiques de Voltaire, il décrit son engagement dans les affaires Calas, Sirven et bien d'autres, et analyse son oeuvre de philosophe des Lumières aux côtés des Encyclopédistes. De même, il éclaire d'un jour nouveau le souci du patriarche de Ferney de contribuer au bonheur de ses semblables en propriétaire terrien et en homme d'affaires attentif. Ce tableau haut en couleur de la vie intime et publique de Voltaire à Ferney nous montre que ces années d'exil furent la période la plus active et la plus heureuse du philosophe. Par une étrange ironie de l'histoire, c'est dans les vingt-cinq dernières années de sa vie que Voltaire va construire et parfaire l'image que la postérité retiendra de lui : celle d'un intellectuel avant la lettre, engagé dans les luttes et les controverses les plus vives du siècle finissant, et non celle du grand poète et dramaturge classique français qu'il croyait être.
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De la lecture à l'écriture ; chroniques littéraires 2000-2005
John maxwell Coetzee
- Seuil
- Le Don Des Langues
- 2 Février 2012
- 9782020985949
L'acte d'écrire s'accompagne de celui de lire, deux passions qui s'épousent étroitement. Déjà dans Doubler le cap (le Seuil, 2007), recueil d'entretiens et d'essais, J. M. Coetzee évoquait les lectures qui sous-tendaient la genèse de ses livres. Avec ce recueil de chroniques littéraires publiées pour la plupart dans le New York Review of Books entre 2000 et 2005, Coetzee montre les " mécanismes internes " à l'oeuvre dans l'acte de création.
Dans ce volume, qui nous mène d'Europe centrale (avec I. Svevo, R. Walser, R. Musil, W. Benjamin, B. Schulz, J. Roth, Sándor Márai, Paul Celan, tous auteurs de la Mitteleuropa -- mosaïque linguistique et culturelle qui s'épanouit au lendemain de la Première Guerre mondiale et connut ensuite les régimes totalitaires et l'horreur de la Shoah-- ou avec Günter Grass et W. G. Sebald) aux Amériques (Walt Whitman, W. Faulkner, S. Bellow, Philip Roth, G. Garcia Marquez, V. S. Naipaul), du Japon en Afrique Australe (Nadine Gordimer), Coetzee met en évidence l'importance du contexte historique, politique et culturel dans lequel chacun des écrivains qu'il nous présente a composé son oeuvre. C'est " la relation de l'art et de la politique, la parenté entre l'esthétique et l'érotique, la responsabilité de l'écrivain et le potentiel éthique de l'art romanesque " qui est au coeur de sa démarche. Sans jamais recourir au jargon de la critique moderne, Coetzee nous fait découvrir des aspects cachés de l'oeuvre de ces auteurs, célèbres et moins célèbres.