« Je me suis longtemps refusée à imiter les confrères qui publient leurs Mémoires, persuadés que leur moi mérite exhibition et que les épisodes de leur vie personnelle et professionnelle suscite l'intérêt. Le journalisme est un métier comme un autre et la télévision n'est souvent qu'une usine à baudruches. A tous ceux qui m'interrogeaient à ce sujet, je n'ai cessé de déclarer qu'à ce petit jeu narcissique, on ne me prendrait pas. Publier cet ouvrage m'oblige à manger mon chapeau. Me voici à mon tour piégée dans ce paradoxe : écrire comme tout le monde, en espérant intéresser tout le monde à une vie qui ne serait pas celle de tout le monde. Il faut assumer ses contradictions et ne pas avoir peur de se désavouer. C'est dit...
Les personnes que je croise me regardent comme une vieille connaissance à laquelle elles associent deux images contradictoires : la présentatrice d'une émission qui fut célèbre il y a plus de vingt ans et qui demeure dans la mémoire collective ; la femme qui fit, à son corps défendant, des milliers de « une » de journaux à l'occasion d'un scandale planétaire impliquant son mari. N'étant pas seulement l'une et ne me reconnaissant pas dans l'autre, je me demande ce qui, de tout cela, peut rester pertinent.
Je vais tenter d'être juste. Pas exhaustive mais sincère. Je parlerai de mes parents, de cette enfance très protégée qui aurait pu mettre hors de ma portée les armes nécessaires pour lutter dans la vie ; je convoquerai certains personnages hauts en couleur que j'ai eu la chance de croiser et tenterai de brosser le portrait le plus fidèle possible du monde des médias tel que je l'ai connu ; j'évoquerai les grands bonheurs de la vie et les épreuves qui l'ont écorchée... ».
A.S
« Tel qu'il se présente dans l'édition définitive, le Journal de Franz Kafka est un document d'une importance essentielle pour la connaissance de l'oeuvre et de la personne d'un écrivain qui demandait à la littérature plus qu'on ne lui a jamais demandé et qui, en conséquence, n'a jamais écrit une ligne qui ne fût en quelque manière liée au but de sa vie. En s'accrochant à son Journal comme il s'imposait de le faire, Kafka entendait moins s'observer que connaître, et si, tout au début, il écrit : Il faut qu'une ligne au moins soit braquée chaque jour sur moi comme on braque aujourd'hui un télescope sur les comètes, il définira plus tard dans un aphorisme le sens de cette connaissance de soi-même qui, pour lui, impliquait d'abord une destruction : Connais-toi toi-même ne signifie pas : observe-toi. Observe-toi est le mot du serpent. Cela signifie : transforme toi en maître de tes actes. Or, tu l'es déjà, tu es maître de tes actes. Le mot signifie donc : Méconnais-toi ! Détruis-toi ! c'est-à-dire quelque chose de mauvais, et c'est seulement si l'on se penche très bas que l'on entend aussi ce qu'il a de bons, qui s'exprime ainsi : Afin de te transformer en celui que tu es.
Ces treize cahiers tenus presque régulièrement pendant treize ans ne peuvent être regardés comme une confession dont la sincérité ferait le prix, dans son effort pour se connaître, Kafka ne cherchait pas à être sincère, mais à être vrai, aussi ne s'est-il pas promis de tout dire, ni comme un document autobiographique qui livrerait, avec les idées et les préoccupations de son auteur, l'histoire complète de sa vie. » Marthe Robert
"Moi-même je le raconte, je le vois, et je me dis c'est pas possible d'avoir survécu..." Arrêtée par la Gestapo en mars 1944 à Avignon avec son père, son petit-frère de douze ans et son neveu, Ginette Kolinka est déportée à Auschwitz-Birkenau : elle sera seule à en revenir, après avoir été transférée à Bergen-Belsen, Raguhn et Theresienstadt. Dans ce convoi du printemps 1944 se trouvaient deux jeunes filles dont elle devint amie, plus tard : Simone Veil et Marceline Rosenberg, pas encore Loridan Ivens.
Aujourd'hui, à son tour, Ginette Kolinka raconte ce qu'elle a vu et connu dans les camps d'extermination. Ce à quoi elle a survécu. Les coups, la faim, le froid. La haine. Les mots. Le corps et la nudité. Les toilettes de ciment et de terre battue. La cruauté. Parfois, la fraternité. La robe que lui offrit Simone et qui la sauva. L'enfance, le yiddish. Que tous, nous sachions, non pas tout de ce qui fut à Birkenau, mais assez pour ne jamais oublier ; pour ne pas cesser d'y croire, même si Ginette Kolinka, à presque 94 ans, raconte en fermant les yeux et se demande encore et encore comment elle a pu survivre à "ça"...
Arrêtée en Juillet 1942 avec sa mère sur la ligne de démarcation, Francine Christophe est encore une enfant. Elle a presque neuf ans, l'âge des jours heureux quand elle est rattrapée par la folie nazie. Interrogée par la Gestapo, enfermée de prison en prison, ballotée de camp en camp, en France d'abord, elle est déportée en mai 1944 au camp de concentration de Bergen-Belsen. A son retour, quand elle essaye d'expliquer à ses camarades de classe ce que la guerre lui a fait, celles-ci la regardent, gentiment, mais tournent l'index sur la tempe, l'air de dire : elle est folle. La jeune Francine ne parle plus du cauchemar qui a duré trois ans.
Aujourd'hui, les mots refont surface. Francine Christophe raconte ce qu'elle vu et connu. Les coups, le froid, la faim. Les familles qu'on sépare. Les enfants qu'on entasse dans des wagons à bestiaux. La maladie et la mort. Les travées boueuses où les cadavres pourrissent. La cruauté. Mais aussi l'amour, celui d'une mère et de sa fille, indéfectible, qui résiste à la guerre. Et des miracles, comme ce bébé qui voit le jour dans l'enfer de Bergen-Belsen et survit grâce à l'entraide et la fraternité des femmes.
Pour que tous nous sachions et n'oublions pas ce que fut la Shoah.
« Cet Idiotie, qui peut faire suite aux textes dits « autobiographiques » que j'ai publiés de 2007 à 2010 (Gallimard), traite de mon entrée, jadis, dans l'âge adulte, entre ma dix-huitième et vingt-deuxième année, de 1958 à 1962. J'y ai choisi ces épisodes en raison de leur retentissement en moi alors et des forces qui s'y manifestent: ma recherche du corps féminin, mon rapport conflictuel à ce qu'on nomme le « réel », ma tension de tous les instants vers l'Art et vers plus grand que l'humain, ma pulsion de rébellion permanente: contre le père pourtant tellement aimé, contre l'autorité militaire, en tant que conscrit puis soldat dans la guerre d'Algérie, arrêté, inculpé, interrogé, incarcéré puis muté en section disciplinaire. Armée rejetée autant qu'attirante -l'ordre, la logique, comme la forme en Art.
Mes rébellions d'alors et leurs conséquences: fugue, faim, vol, remords, errances, coups et prisons militaires, manifestations corporelles de cette sorte de refus du réel imposé: on en trouvera ici des scènes marquantes.
Drames, intimes, politiques, amitiés, camaraderies, cocasseries, tout y est vécu dans l'élan physique de la jeunesse. Dans le collectif.» Pierre Guyotat
Deux carnets conservés par Joan Didion depuis les années 1970 sont aujourd'hui rassemblés en un seul volume.
Il s'agit tout d'abord d'un carnet de voyage : en juin 1970 Joan Didion et son mari ont sillonné le Sud des États-Unis (la Louisiane, le Mississippi, l'Alabama), et en de courts chapitres non datés Joan Didion livre ses observations sur les lieux, les paysages ou les gens rencontrés.
Le projet du voyage et son miroir littéraire découlent de la volonté de comprendre ce « Sud profond », pour la Californienne qu'est Joan Didion - et à travers le Sud, l'Amérique tout entière. Le Sud comme une terre tournée vers le passé - alors que la Californie est tournée vers l'avenir - et comme un pays aux certitudes inébranlables : chacun doit rester à sa place, les femmes, les Noirs, les pauvres, les étrangers. Joan Didion absorbe, commente, questionne, et se moque parfois. La plume est acérée, rapporte des conversations avec divers personnages, des entrepreneurs, des médecins, des esthéticiennes et note à quel point son apparence, ses vêtements et son attitude générale inspirent la méfiance. Elle décrit une société qui vit sur les vestiges d'un système féodal construit par les planteurs de coton.
Le deuxième carnet, daté de 1976, est constitué des notes prises par Didion quand elle s'est installée dans un hôtel à San Francisco pour couvrir le procès de Patty Hearst. L'auteure revient sur la figure de sa grand-mère, ses lectures, et sur son appartenance à cette Californie depuis qu'elle a traversé pour la première fois le Golden Gate Bridge.
Les deux textes nous permettent de mieux comprendre l'Amérique de ces années-là, et de ce fait, l'Amérique de Trump, dans ce court livre brillant où l'acuité du regard de Didion fait toujours mouche.
La directrice du lycée de Beer Sheva eut ce jugement définitif sur le petit Elie : « Ah, celui-là, c'est un bon à rien ! Il faudra lui dénicher une institution à poigne, sinon ça finira mal pour lui... » . Le « bon à rien », né dans l'immédiat après-guerre et dans une configuration tragiquement exemplaire de l'époque, s'est forgé la plus magnifique des existences.
Son père, Michaël Yhiel Shkolnik, est né en 1910 en Bessarabie, qui faisait alors partie de l'empire russe, puis de la Roumanie, puis de la Moldavie. Officier dans l'Armée Rouge, il participera aux grandes batailles du front de l'Est (Leningrad, Moscou, Stalingrad.) Sa mère a survécu à la déportation mais y a perdu deux enfants et y laissera sa santé mentale...
Le jeune Elie nait à Bucarest en 1946. C'est là qu'il apprend le français. Son père ne songe qu'à fuir la Roumanie communiste et à gagner Israël . Un jour il disparait, enlevé par la Securitate et emprisonné trois mois à cause de ses demandes répétées de visa. En 1961 leur parvient enfin un « certificat de voyage », Israël « achetant » à l'époque des Juifs à l'Etat roumain (« notre meilleur produit d'exportation avec le pétrole » dixit Ceaucescu). Au sein de la « drôle de famille » qui accueille les arrivants en Terre promise, l'oncle Avi exercera une profonde influence sur l'adolescent, d'où le choix d'un nouveau patronyme : Barnavi.
Après un séjour d'un an dans un kibboutz au nord du Neguev, les retrouvailles avec ses parents sont douloureuses : son père sera plus tard placé dans un Ehpad, et sa mère internée pour démence. Elie travaille pour payer ses études au collège français Saint-Joseph de Jaffa. Incorporé dans Tsahal, parachutiste volontaire, bientôt officier, il participe à la Guerre des Six Jours puis comme réserviste à la première guerre du Liban et à l'opération « Paix en Galilée ».
A Jérusalem puis à Tel Aviv, des études de sciences politiques et d'histoire le font se passionner pour la séquence historique qui va de la fin du Moyen Age à la Révolution française.
La France devient sa « seconde patrie intellectuelle et affective ». Il part faire sa thèse de Doctorat à La Sorbonne et c'est à Paris que se font les rencontres essentielles pour la suite de sa carrière intellectuelle : Roland Mousnier, Pierre Chaunu, Pierre Nora, Jacques Revel, François Furet, Jacques Le Goff...
La politique va prendre une grande importance, parallèlement à son activité d'historien : enseignant en Allemagne, à Montréal, à l'ENS d'Ulm, à Limoges, à Reims, il retournera vivre à Tel Aviv avec sa nouvelle épouse Kirsten rencontrée à Francfort. Membre du comité central du parti travailliste, il décline le poste de chef de cabinet de Shimon Peres pour apporter son appui à Shlomo Ben-Ami. L'assassinat de Rabin met fin au processus de paix auquel il avait oeuvré sans relâche.
Ambassadeur d'Israël en France de 2000 à 2002, il décrit ici l'envers des coulisses tout en brossant mille portraits de ses interlocuteurs à Paris (Lanzmann, Sarkozy, Chirac, Villepin, Jospin, Régis Debray, Edwy Plenel, Jean Daniel, DSK...).
Débarqué de son ambassade par Shimon Peres, il prend une année sabbatique pour proposer la création d'un musée de l'Europe à Bruxelles et consacrera de longues années à cette passion européenne tout en reprenant son enseignement d'histoire à l'université de Tel Aviv et la direction scientifique de la Maison de l'histoire européenne à Bruxelles.
« C'était il y a cinq ans. En ce temps-là, on ignorait l'existence des Gilets jaunes et le futur virus qui partirait d'un marché chinois. Allant atteindre l'âge de soixante ans, j'avais décidé de tenir assidument un Journal, en écho à celui que j'avais rédigé deux décennies auparavant, publié sous le titre de Quarante ans. Le diariste est un scrutateur de l'aléa.
Une élection présidentielle se profilait en France, on pouvait supputer que la période serait animée. Cette stimulante sismographie, incluant aussi les agréments de la vie privée, en un temps où l'on pouvait chaque soir jouir des conversations et des spectacles, allait placer la période sous le signe de la surprise. Qui aurait pu imaginer le stupéfiant rodéo qui verrait la marche d'un prétendant encore trentenaire vers l'Elysée ?
C'était l'année chinoise du Coq de Feu. D'expérience, je savais qu'un Journal existe autant par le moment où il est écrit que par celui où il est publié. Le donne-t-on trop tôt, c'est presque une éphéméride. Tel un vin, il gagne à vieillir en fût : le temps est un excellent co-auteur, tant il ajoute de la perspective au révolu. Cinq ans seulement, 2017-2022, ont conféré à l'état du monde une allonge qui, en d'autres époques, eût requis plusieurs décennies. C'est pourquoi cette archive prend tout son sel, en contrepoint d'une nouvelle année électorale. » M.L.
toute vie est une évasion. a chaque instant, nous devons scier des barreaux, lancer des cordes faites des draps où nous avons trop longtemps dormi, briser le silence des alcôves, des cabines d'essayage, des confessionnaux... chaque jour, crier, casser des habitudes : s'évader. a-t-on envie de s'évader lorsqu'on a pour mère nicole poiret, couturière talentueuse et aimée, pour père un décorateur célèbre (meubles de galuchat et de laque de chine), et pour marraine marie laurencin ? lorsque vos parents ont pour amis picasso, morand, jouhandeau et quelques autres ? pourtant, oui. si benoîte groult a longtemps considéré la jeunesse « comme un long noviciat avant le mariage », elle a su peu à peu conquérir ses libertés, dont elle connaît le prix, et la douceur : elle nous conte ici ses hommes et ses mariages, pierre heuyer, georges de caunes, paul guimard. elle nous dit ses combats, depuis le journalisme d'après-guerre à la féminisation des « noms de métiers, de grades et de fonctions », avec yvette roudy. dans ce style libre qu'on lui connaît, elle revient sur ses choix, ses amitiés : femme heureuse à qui la vie a donné une chance particulière : conquérir ses libertés une à une, les payer, les savourer, les aimer.
C'est sous le pavillon mélancolique d'un vers d'Apollinaire que Claire Chazal a choisi de rassembler ses souvenirs, ses secrets, ses joies, ses espérances, ses solitudes... Avec une lucidité rare, elle revisite ici son parcours de femme et de journaliste, convoque ses amis, ses regrets, ses enthousiasmes et se livre avec tendresse. On y retrouve la grande journaliste, la mère, l'amante, l'amie aux prises avec le Tout-Paris qui est parfois si injuste dans ses jugements et dans ses engouements. De chapitre en chapitre, défilent la plupart de ceux qui font ou ont fait sa vie professionnelle : on passe ainsi de Johnny à Adjani, de PPDA à Chéreau, de Houellebecq à « M. Chazal père », d'un chorégraphe à un homme politique, etc. Qui est vraiment Claire Chazal ? C'est ce que ce livre intime et sincère tente d'expliquer...
« Le comte René de Obaldia est vraiment un poète singulier et un être à part.
Né en 1918 à Hong Kong d'un père panaméen et d'une mère française, élevé par une nourrice chinoise, prisonnier en Silésie pendant la guerre, cousin de Michèle Morgan, partenaire au cinéma de Louis Jouvet, commandeur de l'Ordre de Balboa, et marié à une belle Américaine, on dirait qu'il a toujours vécu dans un univers parallèle. Le pays du roi René est planté de chênes et de palétuviers, survolé par des geais gélatineux qui geignent dans les jasmins, peuplé de grands vizirs, de cosmonautes agricoles, de satyres bucoliques, de bagnards de Cayenne et de Zazie cybernétiques.
On y parle l'obaldien. »Jérôme Garcin
Il y a d'abord une sage jeune fille du XVIe arrondissement, qui fait de la danse. Et puis ce sont les débuts comme cover-girl et comédienne, sous la houlette de Vadim. Et enfin - avec Et Dieu... créa la femme - c'est l'explosion, la naissance d'un mythe, d'autres diront d'un sex-symbol. Et tout s'emballe, carrière et amours, dans un tourbillon de strass et de flashes où la star, de tournage en tournage, d'homme en homme, se verra plus d'une fois au bord du désespoir...
Brigitte Bardot nous livre ici le meilleur et le pire de cette exceptionnelle existence : les amours décevantes ou vraies, de Sacha Distel à Gainsbourg, de Sami Frey à Gunther Sachs, les films, les maisons, les animaux, les succès et les chagrins.
Beaucoup de stars laissent des souvenirs arrangés, soigneusement calculés pour ne heurter personne. Ce n'est pas le style B.B. Coups de griffes ou aveux de tendresse, humour ou colère, tout ici vient du coeur, tout est dit avec une étonnante franchise.
Fantasque et passionnée, impudique et timide, lucide et naïve, excessive et retenue, drôle et poignante... À chaque page de ce livre, B.B. est splendidement elle-même.
Un livre légendaire publié en 1996 et qui offre une plongée pleine de révélations dans l'univers extraordinaire de Bardot, des États-Unis à la Madrague, de la détresse écrasante d'une femme adulée aux paillettes du show business.
Les Hommes de paille raconte la carrière politique de Ralph Singh, le narrateur de ce roman. Après des études en Angleterre, le héros revient dans sa terre natale, une île des Caraïbes et colonie anglaise inventée par Naipaul, non sans avoir pensé à sa propre île de naissance (Trinidad-et-Tobago). Singh y fait fortune. Avec cet argent, il fonde un parti politique socialiste, défenseur des droits des colonisés contre la domination britannique. Il remporte les élections et pense pouvoir corriger les injustices faites à son peuple ; mais l'ego des uns et l'ambition des autres le ramènent aux douloureuses réalités de la politique : jalousies, calomnies, trahisons, complots, et même, une jacquerie. Pour avoir des idéaux, Ralph Singh est aussi un ambitieux. Il est prêt à affronter ses ennemis. Gagnera-t-il sa dernière bataille ? Le portrait d'un arriviste flamboyant, d'un stratège de génie aussi irritant qu'attachant. Ce livre paraît concomitamment avec La Moitié d'une vie (Les Cahiers rouges).
Quatrième volume des mémoires de la duchesse de Gramont, La Treizième Heure a paru pour la première fois aux éditions Grasset en 1935. Après avoir raconté son enfance dans Au temps des équipages (Cahiers Rouges, 2017), ses débuts dans la vie d'adulte dans Les Marronniers en fleurs (Cahiers Rouges, 2018) et la Grande Guerre dans Clair de lune et taxi (Cahier Rouges, 2019), elle consacre ce quatrième volume aux années 1920 et au début des années 1930. Ce livre est l'herbier de luxe d'une société qui tente d'oublier le traumatisme de la guerre en menant un train de vie fastueux. Les grands bourgeois du XVIe arrondissement achètent des Rolls-Royce toujours plus longues, vivent dans des hôtels particuliers toujours plus grands et offrent des diamants toujours plus gros à leurs maîtresses. C'est aussi l'époque où les femmes se passionnent pour la couture : toutes admirent une jeune créatrice dont le nom deviendra célèbre, Gabrielle Chanel. Le luxe et la fête prennent fin avec la crise de 1929 : la IIIe République est contestée, le président de la République, Paul Doumer, est assassiné ; à l'étranger, Hitler, Staline et Mussolini menacent la paix et la démocratie. Fresque d'un monde crépusculaire, ces mémoires sont enfin un recueil de souvenirs littéraires de premier plan. Élisabeth de Gramont a connu les plus grands écrivains : Gide, Malraux, Valéry et bien d'autres. Les voici vivants devant nous, sous la plume vive et mordante d'Elisabeth de Gramont.
Ce dernier volet de la tétralogie gramontienne éclate du talent et de la lucidité ironique de la plus grande mémorialiste de sa génération. « La France est le pays où le plaisir est organisé, alors les nations aux changes élevés, Amérique du Nord, Amérique du Sud, Espagne, Angleterre, Égypte et Indes anglais y déversent leurs nationaux avides qui viennent renforcer le bataillon local. »
Ce recueil de lettres adressées à ses meilleurs amis (le dessinateur Frolich, le chanteur Faure, le graveur Bracquemond, le peintre Pissar-ro, l'écrivain Ludovic Halévy ou encore les frères Rouart) révèle un Degas différent de sa légende. Un être abrupt, farouche, renfermé, assassin dans ses répliques, c'est là l'image que s'est plu à entretenir le grand peintre tout au long de sa vie. Au centre de ces deux cent cinquante lettres, on voit l'homme tel qu'il était vraiment : un ami exemplaire prêt à effectuer quinze heures de train pour saluer un ami en deuil, un artiste ému par la grâce des danseuses et la beauté des femmes.
Voici le quotidien d'un génie et d'un homme qui disait de lui-même qu'il n'aimait ni parler, ni écrire, trouvant qu'il n'avait rien à dire. Passionnant pour la connaissance de l'homme, mais aussi de l'artiste, qui fait des confidences sur ses méthodes de travail, ses goûts, son indépendance jalouse.
Les mémoires de la princesse Mathilde, très partiellement publiés en 1927 dans la Revue des Deux Mondes, ont été censurés par les Bonaparte : ils avaient découvert que la nièce de Napoléon (elle est la fille du roi Jérôme) avait pris la plume, non seulement pour raconter sa jeunesse insolite à Rome et à Florence, mais aussi pour dévoiler par le menu détail les secrets les mieux gardés de la famille. Avec esprit et un sens du cocasse qui n'appartenait qu'à elle, elle brosse des portraits plein de piquant des siens, entre la chute du Premier Empire et la veille du Second. Si sa mère Catherine, fille et soeur des rois de Wurtemberg, avait peu de goût pour elle (une fille !), elle s'est trouvé d'autres modèles féminins, Hortense de Beauharnais, Julie Clary et surtout sa cousine Charlotte Bonaparte (fille de Joseph) dont elle dévoile les amours clandestines avec un prince polonais, lui aussi exilé. Elle n'épargne ni son père le roi Jérôme, dont elle dresse le tableau des conquêtes jusqu'à sa propre nièce, ni son cousin et fiancé, le futur Napoléon III, et moins encore son grand-oncle le cardinal Fesch. Ce texte récemment redécouvert révèle une femme de tête et de coeur qui s'est forgée une identité envers et contre tout, avec pour seule sauvegarde la fierté d'appartenir à la famille de l'Empereur et une passion pour la culture. Fuyant l'ambiance morne de la cour de Stuttgart, elle accepte la main d'un prince russe, Anatole Demidoff, imaginant y gagner une certaine indépendance et la possibilité de réaliser enfin son rêve, connaître Paris, ce Paris dont elle deviendra la Notre-Dame-des-arts.
Un livre passionnant qui servira à réécrire l'histoire de la famille Bonaparte.
Préface de Philippe Costamagna, conservateur en chef des musées d'Ajaccio et directeur du Palais Fesch, auteur de Histoires d'Oeil (Le Courage/Grasset, 2016).
Manuscrit établi par Carole Blumenfeld, docteur en histoire de l'art.
Le dernier projet d'écrivaine de Benoîte Groult était de publier son « Journal d'Irlande ». Elle avait l'intention d'entrecroiser ses « Carnets de pêche » en Irlande où elle avait passé plus de vingt étés avec son mari Paul Guimard, et les passages de son Journal intime tenu conjointement. Elle avait commencé ce travail d'orfèvrerie littéraire, que la maladie et la mort l'ont empêchée de mener à son terme. C'est sa fille Blandine qui a choisi de mettre ses pas dans ceux de sa mère pour lui rendre le plus beau des hommages en la faisant revivre à travers ce livre posthume établi selon sa volonté.
Le livre se présente comme un Journal tenu durant vingt-six étés, rythmé par une quadruple dramaturgie : l'installation en Irlande, la maison que Benoîte et Paul y achètent, la vie locale avec ses figures pittoresques, la passion de la pêche, de la mer, du bateau, des produits de la pêche à cuisiner, etc. L'expérience sans fard du trio amoureux dont la matière a donné lieu à la transposition fictionnelle de son best-seller Les vaisseaux du coeur : Benoîte tiraillée entre son mari Paul Guimard et Kurt, l'amant américain rencontré en 1945 et retrouvé dans les années 60. Elle s'éloigne de Paul sans parvenir à le quitter tandis que Kurt espérera en vain qu'elle divorce pour lui. Les visiteurs de l'été dont elle dresse un portrait saisissant de justesse et, parfois, de rosserie : ses filles et leurs maris, les amis de passage (François Mitterrand, Régis Debray, les Badinter, Tabarly, les Fasquelle...) Le temps qui passe pour une femme qui se sent vieillir et qui vit un amour platonique avec un mari de son âge et un amour charnel avec un amant plus âgé qu'elle. Benoîte a 57 ans quand elle commence ce Journal et 83 ans quand il s'achève.
Carabas est un chant et un coup de poing. Jacques Chessex, qui avait un peu roulé sa bosse à Paris, a fixé ses quartiers définitifs dans son pays vaudois. Il est devenu l'un des écrivains romands les plus brillants et les plus lus. Mais cette force acquise dans les tumultes et les rêves ne pouvait être contenue derrière la barrière du Jura. Chessex revient à Paris avec Carabas.
Autoportrait, Carabas est la salutation adressée à la France par un écrivain qui se donne, pour parler d'elle et de soi, une insolente liberté.
L'auteur dit " je " et dit tout. La saveur baroque du récit impose le livre. Du tohu bohu d'une vie de bretteur littéraire, d'avaleur d'alcool, d'amoureux chronique, de zigzagant des campagnes et de professeur parfaitement à l'aise dans ses classiques, se dégage comme un art poétique, avec des pointes. Les cousins francophones ne sont plus d'humeur à se laisser terroriser par le capitaine Barthes et les telquellisants.
Carabas est le livre de la femme. Chessex l'aime et fait surgir des figures et des corps dans la tendresse et les décombres. C'est aussi le livre d'un pays avec lacs et montagnes, histoires chuchotées, lectures, cafés et combats, et beaucoup de personnages, car Chessex a le front d'éprouver de l'affection pour ces bannis de l'ordre nouveau. Il aime rire. Il se moque de Guillemin, fait l'éloge d'Aragon, parodie Queneau, passe en revue les paons du jour, déclare sa ferveur pour Flaubert et Maupassant, bonshommes de poids et de trogne.
La Suisse romande connaît actuellement une véritable renaissance littéraire. Par Carabas, nous voyons de quel bois on s'y chauffe. Précédant le marquis, le chat lisse ses moustaches, tire son chapeau et découvre au regard du roi des terres allègres.
A Londres, en janvier 2005, l'exposition consacrée à la photographe Diane Arbus s'achève en gloire. La presse entière acclame ce travail longtemps jugé dérangeant, voire « pervers » comme le disait Susan Sontag. Les collectionneurs s'arrachent les tirages à prix d'or : « Boy with a toy grenade in his hand », cliché légendaire, se vend à 350.000 dollars. Nan Goldin, Steven Meisel ou Cindy Sherman sont les disciples plus ou moins conscients de ce style noir et blanc, au format carré sans concessions, parfois dévoyé entre le « porno-chic » et le trash. Il manque quelqu'un pour le happy end. Diane Arbus n'est plus là pour savourer la revanche sur le milieu frelâté de la mode où les directeurs artistiques l'exploitaient au rabais. En juillet 1971, à l'âge de 48 ans, un jour de moite chaleur new-yorkaise, un ami la trouve les veines tranchées, dans sa baignoire. Diane Arbus, née Nemerov sur Central Park West, petite fille gâtée de l'upper-class juive américaine, puis mère de famille se levant à 5 heures du matin pour courir les cirques ou les asiles psychiatriques, est une artiste en photographie, dont l'empreinte d'émotion, de douleur, de compassion brutale restera l'une des plus fortes en ce domaine. Passée par la photographie de mode, où travaillant pour Condé-Nast, Harper's Bazaar ou Vanity Fair, fréquentant Richard Avedon et Irving Penn, elle consacre son temps aux frivolités qu'on maquille, elle s'émancipe vite, puis se brûle sans doute au contact des damnés de la ville. C'est l'une des premières, sinon la seule avec Lisette Model, à saisir les ombres errantes de Manhattan : photographiés au flash dans des hôtels miteux, des recoins hors la loi de Central Park, elle saisit au vif avaleurs de sabre, femmes à peau de serpent, nudistes militants, aliénés hilares, géants, jumelles sybillines au regard de glace. Le Barnum américain, côté coulisses. En 1969, elle se rend incognito dans un établissement psychiatrique du New Jersey où la farandole des fous hilares tourbillonne devant la caméra. Elle touche alors au plus intime de la détresse américaine. « Je suis née tout en haut de l'échelle, et depuis toute ma vie, j'en ai dégringolé aussi vite que j'ai pu » disait-elle. Alors, comment rester intacte quand l'ambition d'une artiste est de traverser le miroir des apparences. Au risque de le briser. Se briser, aussi.
{Catherine-Paris }(1927) est un fragment autobiographique, fantasque et codé. Paris, Vienne, Berlin, Rome, ou les derniers feux de cette "internationale des princes" avant l'extinction finale par la Grande Guerre.
Récits de vies est un ouvrage majeur qui témoigne de l'engagement politique de Nadine Gordimer sur les questions les plus cruciales de ces cinquante dernières années, de l'aube de la domination coloniale en Afrique du Sud à la longue lutte contre le régime de l'Apartheid, jusqu'aux combats de ces vingt dernières années contre le SIDA, la mondialisation et les violences ethniques.
Récits de vies est l'autobiographie que Nadine Gordimer n'écrira pas : un document exceptionnel d'Histoire sociale, politique et littéraire du XXè siècle. Son rôle fut déterminant dans la reconnaissance des plus grands auteurs africains et européens, d'Achebe à Soyinka.
Nadine Gordimer (Prix Nobel de Littérature, 1991) est sans aucun doute l'un des plus grands écrivains de notre temps.
Napoléon III est, sûrement, le plus mal aimé des chefs d'Etat de la France et le Second Empire le plus mal connu de ses régimes. Pourtant de 1848 à 1870 se crée la France contemporaine. S'il inaugure son règne par un coup d'Etat, Louis Napoléon Bonaparte, aussitôt, rétablit le suffrage universel. A la différence de son oncle, il sera le champion du progrès social (droit à l'instruction pour les filles, droit de réunion, droit de grève...), autant que de la prospérité économique : il étend le réseau de chemin de fer, développe l'industrie, favorise la recherche scientifique, modernise les villes. Avec le Second Empire, le rayonnement de la France est à son apogée. La gloire militaire ne manque pas : Alma, Magenta, Solferino... L'Italie lui doit son unité et le Mexique sa liberté. L'empire colonial est déjà largement constitué. Mais il y aura Sedan. Le désastre. On ne pardonne ni les mauvais débuts ni les défaites ! En historien autant qu'en politique et dans la lignée des chercheurs anglo-saxons, contre Victor Hugo irréductible ennemi de l'Empereur, Philippe Séguin le proclame Louis Napoléon le Grand.
« A une époque où Mitchum est devenu une marque de déodorant pour homme, où les classiques hollywoodiens se vendent par packs de six en supermarché, et où le rayon cinéma des librairies engrange des livres de plus en plus spécialisés sur de moins en moins de sujets, la cinéphilie, ou ce qu'il en reste, ne peut être que buissonnière.
Si ce livre rend hommage à des figures familières mais sur lesquelles on sait peu de choses, les personnages traités ici ne sont pas tous des acteurs secondaires, ou « de composition », comme on disait dans le temps. Mais presque tous, à défaut d'avoir connu la consécration, sont de sacrés caractères... Ainsi Eugene Pallette, Eric Blore ou Edward Everett Horton - ou, plus obscurs, Luke Askew et autres Steve Cochran... Certains ne sont même pas acteurs. Se cachent, dans ce jeu des sept studios, un monteur, un pêcheur de poissons-chats, un metteur en scène, un pétomane auteur du long-métrage le moins vu de toute l'histoire du cinéma, une femme-panthère, bon nombre d'éclopés de la pellicule, et un escroc à côté de ses pompes funèbres.
En retraçant leurs carrières et leurs vies, on a parfois aussi été amené à raconter certains de leurs films, peu ou pas connus, mais dans lesquels ces acteurs d'exception donnent souvent plus leur mesure que dans les grands succès. L'auteur n'a d'autre ambition que d'amuser, et peut-être intriguer suffisamment pour que le lecteur se mette en quête de ces autres films, tout ce pan du cinéma américain, bon et mauvais, qui demeure ignoré, malgré le câble, les programmations institutionnelles et la pléthore de DVD sur le marché. » - Ph.G.
Sa vie, Henry de Monfreid l'a contée au fil de ses quelque soixante-treize romans. Mais la fiction se révèle pâlotte au regard de la vérité d'une incroyable existence. A l'aide d'une correspondance monumentale, des témoignages des survivants, en épluchant les fiches des diverses polices qui se sont, un jour ou l'autre, intéressées à lui, et, bien sûr, en analysant son oeuvre, Daniel Grandclément nous donne à voir un personnage à mille coudées au-dessus de l'image du pirate qu'il avait lui-même accréditée. Le lecteur des {Secrets de la mer Rouge} n'ignore rien des ruses de Monfreid pour camoufler des cargaisons de hachisch. Il ne savait pas que ce gentleman-trafiquant avait le père Teilhard de Chardin pour ami, et Daniel Grandclément lui apprendra comment le bon jésuite entreprit de convaincre Paul Vaillant-Couturier d'aider son protégé à se rendre au Turkestan où il devait trouver meilleure " marchandise "... Fascinant aventurier qui, à soixante-dix ans, approvisionne toujours quelques salons parisiens en substances vénéneuses et dont le nom même est le résultat d'un petit trafic, monté par une grand-mère intrépide... Daniel Grandclément nous restitue en vraie grandeur dans sa vie familiale, dans ses petites turpitudes, dans ses grands desseins et dans tout son talent cet " écrivain-corsaire ".