Je vais au marché, tu vas au marché, il va au marché. Et sur l'étal du marchand, à côté des légumes, de la viande ou du poisson, on trouve bon poids d'échanges, de contacts, de vivant, soigneusement emballés d'humanité. Au cours du marché, ce sont de brèves nouvelles qui passent d'un étal à l'autre, d'un état à l'autre. Au fil des allées, des femmes et des hommes trimballent leurs paniers chargés d'états d'âmes et de sentiments. Un militaire grognon, une soeur inquiète, un septuagénaire amoureux. Des amours à faire ou à défaire, une vie à rêver sur un bout de trottoir ou sur un coin de comptoir. Marché bonheur, marché malheur, marché colère à chacun son panier, à chacun son marché.
Des nouvelles comme des respirations. Comme des nouvelles du monde. Une façon de voir ou de regarder. De regarder ces vies parallèles, celles qui nous entourent et qu'on ne voit pas puisqu'elles sont parallèles aux nôtres... Des portraits aux contours non pas noirs et blancs mais un peu flous, un peu mélancoliques aussi. Patrick Bonjour, mon ami le dessinateur qui a illustré ces nouvelles, aimait bien l'idée de portraits en noir et bleu. Ça lui évoquait les bleus à l'âme de certains des personnages. C'est exactement ça, mes personnages ont parfois le blues... voire même de vrais bleus. Mais le bleu peut aussi être une couleur douce, de nostalgie ou de ciel bleu... (Isabelle Verneuil)
« (...) Dans ces textes d'une empathie extrême, on ne sait exactement qui s'exprime ou de qui on parle. Les humains n'ont ici pas de nom et d'ailleurs ne sont signalés comme humains que tard dans le récit, comme arrivent également avec retard (ou pas du tout) le nom générique des animaux. Nous sommes dans le monde de la vie, de la vie biologique, dans les froissements, les vibrations, les émotions du monde physique qui nous entoure et auquel nous prêtons si peu attention d'ordinaire. (...) » C'est ainsi que commence la préface signée Pierrette Fleutiaux (Prix Fémina 1990) qui présente ce recueil de nouvelles sur les relations entre l'être humain et la nature. Isabelle Verneuil « nous oblige à voir, à entendre le monde sensible qui nous entoure, à sentir combien nous lui sommes liés. » Elle souligne aussi que « les illustrations de Patrick Bonjour, sobres et puissantes (...) resserrent l'exubérance de chaque récit en une seule image concentrée, qui frappe fort, qui frappe juste ».
Moissons du monde est un recueil de nouvelles de voyage où chaque texte tourne autour d'une anecdote ou de quelques scènes prenant place dans un pays différent. Chaque histoire met en lumière une thématique particulière, la rencontre avec l'autre, l'émerveillement face à la nature ou une autre culture, la découverte de soi-même. Divers aspects du voyage sont ainsi abordés ainsi que les questionnements que cette expérience fait naître. Au sein d'une famille ou d'un groupe d'amis, dans un couple, quels sont les impacts de cette expérience particulière du voyage ? Les nouvelles emportent le lecteur dans un petit monde différent à chaque fois (même si on retrouve implicitement certains personnages) pour essayer de lui parler du monde tout court.
La Chair, premier recueil de textes de l'auteur, obtint un joli succès public à sa sortie en 1885. Baignant dans une composition singulière d'atmosphères au charme désuet, ces études de personnages originaux sont de la nature du naturalisme délicat pour certaines, d'un réalisme plus truculent pour d'autres, et constituent les prémices d'une incursion dans le Paris insolite, thème essentiel de ses ouvrages ultérieurs.
Parce que l'âme est une pellicule sensible. Parce que rien n'est tracé d'avance. Parce que rien n'est plus irréversible que la mort. Parce que l'on juge toujours trop tôt, toujours trop vite. Parce que la vie n'est ni plus ni moins qu'une histoire de fil et de failles. Parce que, si l'on écoute mieux, la langue, les langues, se délient Laurence Litique laisse les mots peindre nos maux, les mots du dedans, enfouis, loin, cachés au plus profond de nous, que l'on n'ose regarder. Des chemins se croisent mais s'arrêtent rarement, des regards s'arrêtent mais ne se croisent pas. Comme par magie, les mots ébauchent des histoires, délicates touches de couleurs ou d'impressions tenaces, d'émotions pures, de vibrations et d'espoirs. Et germe alors, du tréfonds dévoilé, un univers de failles intimes et d'espérances profondes.
Un touriste français, casanier et soucieux de son confort, prisonnier des guérilleros dans une baraque en tôle au fin fond de l'Amérique du sud. Un homme en fuite avec une Bimbo grincheuse, tous les deux coincés dans un motel miteux de l'Amérique profonde avec la mafia aux trousses. Un bon père de famille criblé de dettes prêt à tout pour s'en sortir. Une jeune fille innocente amoureuse d'un caïd de cité. Un enfant qui peine à s'intégrer dans sa famille d'accueil. Tous les personnages de ce recueil ont en commun de vouloir survivre coûte que coûte à leurs histoires. Car dixit Max, la vie c'est une succession d'emmerdements. Et lutter, l'essence même de l'existence.
Dessine-moi un Amour explore la mystérieuse alchimie des relations de couples, que ceux-ci soient en devenir, formés depuis peu ou usés par les années. Rencontres (réelles ou à la mode version 2.0), coup de foudre, retrouvailles, mariage, infidélité, séparation, veuvage... sont les axes suivant lesquels amours de jeunesse et de vieillesse sont déclinées au gré d'une partition où se chevauchent notes romantiques, pétillantes, nostalgiques, audacieuses, aigres-douces... Jouant sur une palette saupoudrée de sentiments et d'émotions et sur un faisceau de situations, les mots-pinceaux dessinent l'Amour sur un nuancier arc-en-ciel où se côtoient le rose tendresse de l'espoir, le rouge passion de l'exaltation, le vert jalousie de la (dé-)possession, le bleu machiavélisme de la vengeance, le gris désillusion de l'indifférence, le vert-de-gris désamour de la résignation, etc.
(...) J'aime ces clartés de la pénombre, ces instants sur fond de loufoquerie, extravagances des figurations aux corolles de couleurs. Le diable escorte mes récriminations divines, je suis passereau aux prédictions imprudentes. Mes évolutions se succèdent et me déguisent en peur d'approcher l'inconnaissable. Je deviens compliqué, je me distingue dans des méditations désordonnées, qu'elle est la bonne direction?? Le sens de la vie?? Quelle vie?? Les sons se courbent en bruits et se transforment en boulets à canon. Les parenthèses de fumée s'étouffent dans le ciel et sont rejetées par les nuages. C'est plus loin vers d'autres terres que retombe le souffle de la violence. Demain le silence ramassera les corps allongés sur le champ de fleurs à côté des EHPADs. Des remontrances qui délaisseront les querelles et évalueront le poids de l'ennui collé aux côtés de notre sagesse désappointée. (...) (Bernard Vassel) 35?auteur(e)s, 41 textes, un recueil éclectique pour cerner la vision d'un Nouveau Monde après une catastrophe mondiale que personne n'avait vu venir.
C'est un 22 octobre que j'ai disparu des radars. Dit ainsi tu pourras imaginer des scénarios et des raisons à cette disparition, mais, il est presque certain que tu seras dans l'erreur. Pour ma part, j'hésite encore. Le matin j'étais là, à faire ce qui devait l'être, à dire ce qui devait être dit, et puis... le soir de ce même jour, je ne suis pas rentré. Un départ impromptu ? Pas vraiment non plus. Il était temps, c'était le bon moment, le moment qui m'a choisi. J'ai pédalé jusqu'au port et le vélo du service, j'aurais pu le laisser là, contre le mur du Café de la Marine. Il est ou plutôt était d'un jaune or significatif. Je ne me souviens plus si PTT ou La Poste était inscrit sur le cadre, s'il avait une plaque avec un numéro, si les sacoches étaient en cuir ou en plastique... Il était 22 heures passées de 10 minutes. L'homme a poussé le vélo jusqu'au bout du môle et la machine a basculé dans l'eau noire sans éclaboussure et sans bruit. Elle a cessé d'exister et l'homme est revenu sur ses pas jusqu'à l'embarcadère. (...)
« C'est un château habité d'ombres et de voix. On y entre en curieux, en volontaire. Rien n'oblige d'y demeurer, ni contrainte, ni gardes, ni portes verrouillées. On y entre libre, par curiosité ou à desseins, pour en définitive créer sa propre prison et en perdre la clé. » C'est tout le paradoxe de l'histoire Le personnage de cette nouvelle cherche une issue et comme dans un conte de Kafka il n'aura pas vu l'ennemi venir. Mais peut-être qu'il était déjà tapi en lui. Une inquiétude sourd tout au long de ce Monologue du voisin Kafka. Ce dernier, il ne faudra pas le chercher dans l'histoire. Il est là en embuscade, pour voir si Alain Hoareau, l'auteur, va comprendre qu'il faut toujours finir par tuer quelqu'un pour survivre. Quelqu'un de cher et qui même mort ne libère de rien. Avec Le Monologue du voisin Kafka, Alain Hoareau nous livre une nouvelle courte, haletante, aux aguets. La nuit rôde et dans son froissé surgissent le questionnement et ses drames intérieurs.
Le propre de l'homme pour certains, l'impossibilité de communiquer pour d'autres, la folie est un thème riche et qui présente de multiples facettes pour accrocher l'imagination. Nombre d'auteurs de talent se sont penchés sur la folie et ont prononcé à son encontre une opinion tranchée. Ainsi... La folie est le prix à payer pour le temps passé à être trop lucide. (Elliot Perlman) Nous sommes tous obligés, pour rendre la vie supportable, d'entretenir en nous quelques petites folies. (Marcel Proust) La folie est un bateau sur lequel on peut danser toutes ses nuits et qui un jour peut s'éloigner en laissant la mer se refermer derrière lui. (Nadia Ghalem) La plus subtile folie se fait de la plus subtile sagesse. (Montaigne) Nous avons, en initiant ce recueil collectif, proposé à des auteurs et artistes en herbe, aguerris ou illustres, de décliner ce sentiment à leur manière, par les mots ou l'image, plus ou moins brièvement... 112 propositions ont été choisies. Les voici, dans ce recueil, objet de papier hybride et atypique.
Ce recueil est né de la rencontre des gestes de Géraldine Serbourdin et d'Audrey Chapon, et de l'envie de les nouer l'un à l'autre. Le poétique qui se décline dans la peinture ou dans l'écriture participe de la même énergie, celle qui les incite à l'irrévérence, à l'indignation, au chagrin. Un même élan vers la création de petites formes inédites qui changent leur regard sur le monde. La révolte ici croise l'intime, lui est indissociablement liée car leur imaginaire le plus personnel regorge de cadavres jetés à la mer, de corps asphyxiés dans les camions, de victimes de la haine et on ne peut pas dire « je » aujourd'hui sans intégrer cette autre part disparue.
La dernière fois que je suis resté cloué à un fauteuil de cinéma après que la lumière soit revenue dans la salle, c'était à la projection du film Le cuisinier, le voleur, la femme et son amant à la cinémathèque de la Maison des Jeunes du quartier de mon bled. Un film du temps de mes 18 ans, baroque et cruel. Carnassier. Fascinant. Avec Lucie, un nouveau scénario s'inventait. Elle ne pouvait pas m'ignorer. Nous étions seuls, j'étais cramponné aux accoudoirs de mon fauteuil et je la fixais avec ahurissement. Attention. Je ne dis pas que j'étais ahuri (quoi que j'en aie eu sûrement l'air) mais qu'en moi un ahurissement gonflait. Ce n'est pas parce que je n'ai pas d'éducation (comme disent les gens qui prétendent en avoir) que les mots ne m'intéressent pas. Au contraire. Je suis un malade des mots, un intraitable de leur subtilité, un psychopathe de leur sens, je ne connais qu'eux pour rétablir l'équilibre au milieu de la confusion qu'elle soit des genres, des situations ou des sentiments. Ils ne m'ont pas encore tué mais, détournés de leur intention, ils me rendent fou ; indigestes, ils me cognent au foie. Et je sais m'en servir. (...)
Les grandes décisions, on ne les regrette jamais. Aujourd'hui, vingt-deux octobre à vingt-deux heures dix exactement, je suis décidé. Le manque aurait été trop grand pour que j'arrive à nouveau à y faire face. J'ai beau tourner et retourner le problème dans tous les sens, je ne vois pas d'autre issue. Je me suis toujours promis de ne plus jamais vivre aucun déchirement, que le prochain serait décisif pour moi. Il l'est. À mon âge - presque soixante-deux ans - je finis par savoir ce que je peux encore endurer et ce qui risque de m'être fatal. Je ne veux pas mourir dans l'ennui, je veux être maître de ma mort et ne plus subir mes émotions. Depuis que j'existe je suis rongé par des hésitations : elles m'empêchent de m'ennuyer. J'aurais voulu poursuivre ma vie de cette manière. Hélas, ceci semble compromis. Je me suis toujours interdit de me projeter dans le temps, et bien maintenant l'anticipation n'est plus au programme, elle n'est qu'un stupide souvenir. Je refuse de m'apitoyer sur mon sort : l'avenir est dans le présent. (...)
Les étoiles sont montées dans le ciel. Un ciel d'un bleu franc et froid. Louise a encore pas mal de choses à préparer. Ils ont fixé le départ à 6 h. Pour être larges. Le temps de vérifier, recontrôler, fermer, charger, et ne pas louper le premier départ. Elle règle l'alarme sur 4 h 45. Elle ouvre la penderie, les tiroirs de la commode, regarde ses pulls, ses pantalons de marche, ses sous-vêtements thermiques, ses gants, son bonnet, ses écharpes. Les yeux fermés, ses paumes s'imprègnent de la chaleur de la laine et des mailles polaires, son cerveau s'embrase du silence attendu, rêvé. Mais chut ! Elle ouvre les paupières. Ne rien se dévoiler et ne rien attendre d'autre que les instants qui seront, la magie qu'ils vivront. Et revenir au sac à remplir. Pour le plus chaud, ils trouveront sur place. Son amoureux est bien plus simple. Pragmatique, avec juste ce qu'il faut d'anticipation. « Si tu as ton passeport, ta carte bancaire et ton billet d'avion, tu ne peux être perdue ! » (...)
22/10 2020, 22:10, depuis plus de deux heures, sur son canapé beige à la tache rouge, Misty ressasse. C'est l'automne (sa saison mentale), c'est la nuit (son refuge quotidien), pourtant tout est noir, Minnie partie pour Vierzon, embarqués Gwen (sa fille), Nanard (le doudou) et Germaine (le chienchien), un nouvel appartement, 28 rue du Grand-Treuil, dans l'immeuble où ont vécu Janek et ses parents à la fin des années soixante-dix (avant la mort du père), Janek, justement, dont Facebook se préoccupe algorithmiquement : « Montrez à Siranof Janek que vous pensez à lui pour son anniversaire. » Je revois la configuration des pièces : le couloir d'entrée, sombre, interminable, à gauche la cuisine où nous éclusions les pots familiaux de Nutella en buvant du Glenlivet (douze ans d'âge) ou du jus d'orange Hitchcock, plus amer (donc meilleur) que le Tropicana, à droite le salon avec l'antique télévision contre le mur (potentiellement achetée le 22 octobre 1967, après le passage à la couleur du début du mois sur la deuxième chaîne), le Cinéma de Minuit, les premiers Wenders (Alice dans les villes, Au fil du temps), Bergman, Fellini, Ford, Ozu et compagnie (la voix de Patrick Brion), au fond la chambre, nous nous allongions sur le lit après avoir mis Barbara (Ça ne prévient pas, ça arrive)... ou Erroll Garner (de préférence Contrasts) sur la platine, nous fermions les yeux, sentimentalement connectés. (...)
Le CIPALA est l'acronyme de Centre Incubateur de Production Alternative Littéraire et Artistique. Il propose des projets littéraires et artistiques pour tous où l'auteur (ou l'artiste) confirmé côtoie le débutant. Une diversité s'intégrant dans une dimension alternative clairement affichée et assumée. Dans ce deuxième volume, il est question de GAÏA, la terre nourricière et des dangers qui la menacent si nous ne prenons pas les choix qui s'imposent.
Al vit le jour le vingt-deux octobre 1979. Le jour même, à un siècle près, où Thomas Edison inventa l'ampoule électrique. La conclusion s'imposait d'elle-même : Al ne pouvait être qu'une lumière ! Hélas, l'histoire s'amuse souvent à contredire les croyances, et Al ne fit pas exception. Sa mère refusa toujours de se rendre à l'évidence et continua de reporter tous ses espoirs sur ce fils sans père. Il allait relever le niveau de la famille, masquer par sa brillance le manque de culture et d'éducation des générations qui l'avaient précédé. Afin de compliquer encore les choses, Al eut la bonne idée de naître à vingt-deux heures dix, très précisément. Pour la plupart des parents, cela n'aurait été qu'une coïncidence pouvant prêter à sourire, mais pour une femme aussi superstitieuse que la mère d'Al, c'était un signe. Un signe de quoi ? Ça, il lui faudrait encore le découvrir. (...)
Mon réveil sonne et ma tête tourne encore. Je sais qu'en me risquant à refermer les yeux rien qu'un très court instant, c'est à midi que je prendrais mon poste. Je sais aussi que s'en suivrait un petit tour dans le bureau de sainte Catherine où je récolterais un blâme. En vérité, Catherine n'a rien d'une sainte. Elle est tatouée du cou jusqu'aux orteils et fréquente les bars lesbiens où elle se saoule la gueule et ramasse ses conquêtes juste en tendant les bras. C'est en tout cas ce qu'elle prétend tous les lundis matin. Je n'ai jamais tellement aimé toute la proximité qu'elle met parfois avec ses employés. Ni sa capacité à se muter en véritable garce quand le travail effectué ne lui plaît pas assez. Elle me donne souvent l'impression de filer la béquée d'une main et talocher de l'autre. Enfin, je me lève de mon plume en replaçant comme il se doit la demi-molle dans mon slibard poisseux. Dans la cuisine, la cafetière me supplie de détartrer ses vieux chicots pourris. Plus tard, que je réponds en l'allumant d'un doigt tremblant. Des petites gouttes marrons commencent à s'étaler au fond du récipient tandis que je me décapsule une mousse pour faire passer la gueule de bois. (...)
Tout s'est construit dans un train de banlieue. Elles étaient deux, de ma génération, elles m'ont demandé si j'étais, côté coeur, dégagé de mes respirations et de mes battements artériels d'adolescent. J'ai ignoré leur question et j'ai répliqué qu'il était possible de changer la direction des convenances, je ne suis pas superficiel et il m'advient de pencher mon éducation du bon côté de l'intégrité et de l'humour. Je parle de ces mots disciplinés aménagés au bout de l'encre, avant le profilage du désordre, quand dans la tête et les veines ils ne parviennent pas à se manifester et s'implanter dans l'agitation de mes réflexions. Nous avions deux heures à couler ensemble avant notre arrivée à la gare de l'Est. - À quoi songez-vous me demanda l'une des filles?? - Je pense à nous trois, à cette confrontation future, nous allons bavarder, nous éprouver. Nous allons nous écouter sans intérêt, bavasser, ne rien dire, nous allons dissimuler cette méprisante vulgarité qui n'osera pas avouer que les histoires des autres ne nous concernent pas. Que nous restera-t-il demain, un sourire, un désappointement, des regrets pour rien ? (...)
Le CIPALA est l'acronyme de Centre Incubateur de Production Alternative Littéraire et Artistique. Il propose des projets littéraires et artistiques pour tous où l'auteur (ou l'artiste) confirmé côtoie le débutant. Une diversité s'intégrant dans une dimension alternative clairement affichée et assumée. Dans ce premier volume, les MOTS se font l'écho d'une IMAGE. 10 photos, 360 textes.
Vaste sujet, guère engageant par définition, mais qui, en y réfléchissant bien, peut être la porte ouverte à pas mal d'évasions littéraires ou artistiques. Nombre d'auteurs de talent se sont penchés sur l'ennui et ont prononcé à son encontre une opinion tranchée. Ainsi... Au moins la moitié des péchés du monde sont causés par l'ennui. (Bertrand Russell) L'ennui est pour moi une sorte d'insuffisance, de disproportion ou d'absence de la réalité. (Alberto Moravia) La vie n'est-elle pas cent fois trop courte pour qu'on s'y ennuie. (Nietzsche) L'ennui est peut-être un privilège. Les imbéciles ne se sentent pas s'ennuyer. (Edmond et Jule de Goncourt) Nous avons, en initiant ce recueil collectif, proposé à des auteurs et artistes en herbe, aguerris ou illustres, de décliner ce sentiment à leur manière, par les mots ou l'image, plus ou moins brièvement... 91 propositions nous sont parvenues. Les voici, dans ce recueil, objet de papier hybride et atypique. Certaines font l'éloge de l'ennui, d'autres le rejettent avec force ou ironie. Quel que soit votre état d'esprit vis-à-vis de cet état d'âme, vous devriez donc assurément trouver votre bonheur dans cet ensemble original, disparate et éclectique.
Comme on tente parfois d'assembler les morceaux de bois flotté cueillis à marée basse dans l'estran, j'ai voulu réunir dans cet opus des écrits jusque-là en sommeil dans mes fontes et mes coffres. Si ces textes témoignent d'un chemin et d'une volonté de trente ans, ils sont surtout la preuve et le fruit d'un plaisir intact, que rien ni personne n'est parvenu à altérer. (Alain Emery).