Contes du quotidien, les quatorze histoires réunies dans cet écrin conjuguent reviviscences d'enfance en Nouvelle-Zélande, échappées oniriques, portraits saisissants, émotions brutes et découverte de la mort et de ses avatars. Dans « Prélude », « Félicité », ou encore « Je ne parle pas français », le ressenti prend le pas sur l'action et se mettent à nu d'inquiétants rapports de force au sein même des relations les plus familières. Ce recueil a assis la réputation de Katherine Mansfield comme la plus grande virtuose de la nouvelle moderniste.
« Que pouvez-vous faire, si vous avez trente ans, et qu'en tournant l'angle de votre propre rue, vous vous sentez envahie, soudain, par une sensation de félicité, d'absolue félicité ? Comme si vous veniez tout à coup d'avaler un morceau brillant de ce tardif soleil d'après- midi, qui continuerait à brûler dans votre poitrine, envoyant de petites fusées d'étincelles dans chaque parcelle de votre être, dans chaque doigt et chaque orteil ?... » K. M.
Musique : Sonate pour violoncelle seul, opus 28, d'Eugène Ysaÿe, exécuté par Ole-Eirik Ree, Naxos
Un recueil exceptionnel de nouvelles inédites, publiées à titre posthume.
Vingt-quatre nouvelles et deux brefs romans composent ce recueil, dont beaucoup de textes sont restés inédits jusqu'alors. Les nouvelles, écrites entre la fin des années 1930 et 1980 offrent un vaste échantillon des différentes tonalités narratives et thématiques de Silvina Ocampo. On y retrouve ses obsessions fécondes, toujours insondables, inquiétantes : le mystère des maisons et des jardins, les cruautés et les artifices de l'enfance, la prédestination d'un nom, les amours fantasmées... Défiant les frontières entre le quotidien et l'exceptionnel, éprise de la magie imperceptible de chaque jour, Silvina Ocampo instille dans le récit une dose de vraisemblance mais elle ne renonce jamais aux situations qui frôlent le fantastique, tout aussi cohérentes et plausibles que le monde dit réel.
C'est avec une grande liberté narrative que Silvina Ocampo tisse une matrice poétique aux dialogues singuliers.
À la tombée du jour, nous attendions la nuit avec passion, car la nuit était une chambre, un lit, un commun accord des dieux. Elle était moi. Nos baisers n'en finissaient pas jusqu'à l'aube, quand ils se transformaient en étreintes et en chants d'oiseaux qui ne se réveillaient pas. Ils étaient moi. Nous sortions alors de notre cloître de feuilles et retournions à la vie réelle. Ne devions-nous pas échapper à l'opprobre de la réalité. S.O.
La présente édition rassemble pour la première fois en un seul livre l'ensemble des nouvelles écrites par Clarice Lispector au cours de sa vie, grâce au travail de son biographe Benjamin Moser qui a effectué de longues recherches au Brésil pour restituer leur chronologie et retrouver des textes demeurés jusque-là inédits.
On y retrouve donc les nouvelles des recueils suivants publiés par les éditions des femmes-Antoinette Fouque : La Belle et la Bête suivi de Passion des corps, traduit par Claude Farny et Sylvie Durastanti (1984) ; Liens de famille (1989) et Corps séparés (1993), traduits par Jacques et Teresa Thiériot (1989) ; des nouvelles figurant dans La Découverte du monde, recueil de chroniques traduites par Jacques et Teresa Thiériot (1995) ; Où étais-tu pendant la nuit, traduit par Geneviève Leibrich et Nicole Biros (1985). À cela, s'ajoutent dix nouvelles inédites traduites par Claudia Poncioni et Didier Lamaison.
« Dans ces quatre-vingt-cinq histoires, Clarice Lispector révèle, avant tout, l'écrivain elle-même. Des promesses de l'adolescence, en passant par l'assurance de la maturité, à la désagrégation d'une artiste tandis qu'elle approche de la mort - et qu'elle la convoque -, nous découvrons la figure, plus grande que la somme de chacune de ses oeuvres, qui est objet d'adoration au Brésil. [...] De la première histoire, publiée alors qu'elle avait dix-neuf ans, à la dernière, découverte sous forme de fragments disparates après sa mort, nous suivons une vie entière d'expérimentation artistique au travers d'un large éventail de styles et d'expériences. [...] Sa littérature est un art qui nous fait désirer connaître la femme ; elle est une femme qui nous fait désirer connaître son art. Le présent ouvrage offre une vision des deux à la fois : un portrait inoubliable, dans et par son art, de cette grande figure, dans toute sa tragique majesté. » B.M
"Ses yeux d'eau", recueil de 15 nouvelles dont la première - hommage de l'autrice à sa mère - donne son titre au livre, raconte les destins de femmes, d'enfants et d'hommes des favelas, tous d'origine afro-brésilienne, qui affrontent courageusement la misère, la violence ou le vide de leur quotidien dans un désir vital de s'en sortir sans toutefois toujours y parvenir.
L'écriture sensible et puissamment évocatrice de Conceição Evaristo nous plonge dans une expérience de lecture dont on ne sort pas indemne. Dans une langue passant du registre poétique à l'argot, à la fois charnelle et lyrique, l'autrice nous fait vivre au plus près de ses personnages, surtout des femmes et des enfants. Ils sont émouvants dans leur nudité, leur sexualité et leur beauté mais aussi dans les souffrances et la fragilité que leur impose leur condition sociale, déterminée par leur sexe et la couleur de leur peau. On croise tour à tour Ana Davenga, beauté solaire, victime collatérale de l'arrestation de son caïd de mari ; Duzu-Carence, vieille sans-abri qui se remémore sa vie de petite fille contrainte à la prostitution; Maria, employée modèle dont la vie bascule le jour où elle rencontre fortuitement son ex-compagnon ; Natalina, qui a choisi de garder l'enfant né d'un viol dont elle s'est vengé en tuant son agresseur ; Salinda, poursuivie par son mari qui découvre sa liaison avec une femme ; Luamanda, amoureuse éternelle au sexe meurtri ; Cida, qui décide de prendre le temps de vivre ; Zaíta, petite fille tuée par une balle perdue ; Di-Ordure, enfant sans-abri, fils d'une prostituée assassinée, mort par manque de soins ; Lumbiá, petit vendeur de fleurs écrasé par une voiture alors qu'il s'enfuit après avoir volé un petit Jésus dans une boutique de Noël ; Kimbá, bel homme noir embarqué dans une relation bisexuelle avec deux blancs ; Ardoca, pauvre cheminot qui se suicide sur son lieu de travail et dont le cadavre sera dépouillé; enfin, une nouvelle polyphonique pour dire une histoire collective, celle du devoir « de ne pas mourir ». Le recueil se clôt sur une ode à la maternité à travers le personnage d'Ayoluwa, petite fille qui grandit dans le ventre de sa mère, redonnant ainsi espoir à toute une communauté de femmes.
« Les mots me devancent et me dépassent, ils me tentent et me modifient, et si je n'y prends garde, ce sera trop tard : les choses seront dites sans que je les aie dites. » C.L.
Treize contes composent ce recueil, publié pour la première fois en 1964, qui disent chacun à leur façon, la difficulté d'être, la douleur de l'amour, la rencontre du mal, le bonheur et l'étrangeté du quotidien. Dans ces récits, qui tous portent en eux le mystère d'un drame intérieur et cruel, Clarice Lispector renoue avec cette voix qu'on lui connaît, qui a fait d'elle l'un des plus grands écrivains brésiliens contemporains. Car la simplicité de son ton, la rigueur de son phrasé, le refus du lyrisme ou de l'épanchement ne doivent pas masquer l'ampleur de sa démarche : dire, dans une langue épurée, dépouillée, tragique, ce qui fonde les actes, les paroles, les sentiments ; atteindre ce qui est peut-être la forme la plus pure et la plus intense de l'attention : l'inquiétude.
« Les personnages de La Salle d'armes, comme bien d'autres créatures romanesques, sont littéralement submergés sous le poids des engagements que je me suis fixés : je dois écrire, entendre des histoires pour que l'existence des êtres humains, généralement conflictuelle et sordide, devienne viable. [...] L'épicentre du langage de ces nouvelles est toujours le lieu d'une crise. Sous une telle étiquette, leurs personnages singuliers et énigmatiques, liés à l'action, disent qui ils sont, qui nous sommes finalement. [...] Sous l'impact de tels effets, ces récits transmettent l'idée que l'interdit, l'illicite, est la matrice essentielle de leur raison d'être. Et chaque fois qu'ils expriment la tragédie du désir et de l'audace qui ronge l'esprit, le verbe et l'énigme impriment aux héros le courage de vivre, même dans des conditions contraignantes. » N.P.
Griselda Gambaro ne supporte pas : que les forts oppriment les faibles, les hommes les femmes, les adultes les enfants, les riches les pauvres, les préjugés les élans, les tabous les désirs. Cledy entre dans un orphelinat à treize ans. Ses parents ont-ils été tués dans un accident de voiture ou l'ont-ils abandonnée? On ne le saura jamais... Autour d'elle, dans cet univers concentrationnaire, se jouent des séductions, des sévices, des viols. Elle sera vendue à une famille qui cherche à marier son fils... Tout est vu, dit, à partir de ce qu'éprouve Cledy enfant, adolescente, femme de plus en plus réduite, opprimée. La poésie violente, la réalité élargie jusqu'au symbole, nous font encore plus durement sentir combien cette entière sujétion est insupportable, mortelle.
La Dame au petit chien promène son ennui et son chien sur la digue d'une station balnéaire de la mer Noire. Un homme solitaire la remarque, l'aime, mais ne peut triompher plus tard de toutes les barrières qui se dressent sur le chemin de leur bonheur.? De toutes les nouvelles écrites par Tchekhov, La Dame au petit chien est l'une des plus célèbres.
Dans La fiancée, une jeune femme promise à un homme qu'elle n'aime pas, s'éprend d'un autre et décide, avec l'aide de ce dernier, de fuir sa famille pour étudier à Saint-Pétersbourg, sans toutefois avouer son amour à l'homme qu'elle aime. Le temps passe, elle le revoit après ses examens et se rend compte que tout a changé ; et lorsqu'elle reçoit un télégramme lui annonçant sa mort, elle découvre qu'elle est libre, que plus rien ne la retient.
Selon Tchekhov « une nouvelle qui n'a pas de femmes, c'est une machine sans vapeur. » L'héroïne par excellence est pour lui la femme incomprise, qui rêve d'une autre vie...
Iakhov, fabricant de cercueils et violoniste occasionnel, éprouve une réelle aversion pour le jeune flutiste juif Rothschild. Marfa, sa femme, évoque les rares instants de bonheur auprès de leur petite fille morte des années auparavant, dont il a oublié jusqu'à l'existence... Seul, il songe à sa vie, gâchée, et tout lui apparaît n'avoir été que perte. La Princesse Véra Gavrilovna a coutume de prendre sa retraite estivale dans un monastère, pour y « soigner son âme ». Elle y est entourée de tous les égards dus à son rang et croit éveiller tendresse et admiration grâce à la générosité dont elle se targue. « Il arrive parfois qu'un rayon de soleil se glisse dans la sombre cellule d'un ermite plongé dans la prière ou qu'un oiseau se pose sur sa fenêtre et se mette à chanter. [...] La princesse avait l'impression qu'elle apportait exactement du dehors la même joie que le rai de lumière ou que l'oiseau. [...] En la regardant, chacun d'eux devait se dire : « Dieu nous a envoyé un ange... » » A. T.