Les nouvelles réunies dans ce recueil sont très diverses. Quelques-unes se réfèrent à la vie quotidienne dans les camps de concentration. Pour Primo Levi, le camp n'est qu'un miroir du monde, et, là comme ailleurs, l'homme, qu'il soit détenu ou tortionnaire, révèle ses différentes facettes. Et d'une expérience qui aurait pu n'être que destructrice, l'auteur tire une leçon de tolérance et d'humour. Dans les autres nouvelles, les sources d'inspiration sont variées, mais Primo Levi pose toujours un regard tendre et interrogateur sur les hommes et l'univers qui les entoure.
Le talent d'Achille pour composer des plats aussi savoureux qu'inattendus n'est plus à prouver aux Italiens qui le placent haut dans le panthéon des auteurs importants du XXe siècle. Celui de Campanile reste encore ignoré des Français qui méritent enfin d'apprécier l'humour sans limites de cet écrivain aussi à l'aise dans les saynètes surréalistes que dans l'analyse psychologique des ridicules de ses contemporains. Car il n'épargne personne et surtout pas lui-même.
Amoureux de l'Italie, prenez de la hauteur et place à sa table : vous y trouverez, en souriant, tout ce qui fait le sel et le poivre d'un peuple qui sait faire une histoire d'un rien et de ses petits riens une épopée. C'est allègrement perfide, c'est finement délirant.
Un plat national !
Texte précédemment paru dans la collection «Folio Bilingue»
Un jeune homme vaguement doué pour la peinture que tout son entourage considère déjà comme le génie de son temps, deux vieilles femmes voisines qui ne vivent qu'en miroir l'une de l'autre ou un ivrogne qui finit sa nuit dans un four...
Ce recueil réunit vingt-quatre nouvelles qui suivent la vie quotidienne, psychologique et spirituelle de Siennois issus de différentes classes sociales. Au centre de ces récits se nichent la difficulté, voire l'impossibilité, des rapports humains et le deuil de la jeunesse. Diurnes, souvent écrasés de soleil, ces récits épousent le vécu des personnages au plus près du mystérieux, et donc inconnaissable, ressort psychologique de leurs actes.
«Montrez à un enfant un chandelier allumé : il ouvrira de grands yeux, agitera les mains, et fera une fête comme s'il voyait une merveille de la nature. Avec le temps, il s'habituera aux grâces de la vie, et il lui faudra quelque chose de rare pour lui donner de l'étonnement et du plaisir. Il n'en était pas de même pour Donna Amalia ; elle restait toujours une novice, et le monde, pour elle, était un théâtre d'Opéra toujours ouvert, avec toutes ses lumières allumées. Par exemple : qu'y a-t-il de plus commun, de plus connu que le soleil et la lune ? Eh bien, devant chaque soleil, devant chaque lune, Donna Amalia s'enthousiasmait, se prenait de curiosité, et elle se tourmentait d'envie comme si elle voyait passer le cortège de la Reine de Saba.» Trois nouvelles oniriques par la grande plume italienne de La Storia.
Nostalgique d'une Sicile baignée de lumière, le narrateur raconte le royaume perdu de son enfance, les vastes demeures aristocratiques aux mille recoins cachés. La même mélancolie heureuse traverse le récit de ce professeur célèbre, jamais remis de son histoire d'amour avec une sirène... À travers des nouvelles où la beauté et la mort s'entrecroisent, l'auteur prépare Le Guépard, son chef-d'oeuvre.
Publié en 1994, le recueil de nouvelles En haut à gauche semble contenir en germe nombre de livres à venir d'Erri De Luca. C'est d'abord l'enfance napolitaine, des pêcheurs taciturnes, une nature découverte avec l'école buissonnière. Puis, souvent d'inspiration autobiographique, de courts récits mettent en scène les années d'initiation ouvrière : le narrateur est né en bourgeoisie, il s'éveille à la solidarité des exploités. Surgissent des souvenirs de lutte, de sauvetages amoureux. Partout, le sacré. Erri De Luca excelle à transmettre la beauté des corps et des objets, la chair du monde et des livres. Chaque expérience devient une source d'enseignement que les mots viennent prolonger.
Dans un entretien de 1984, le poète Giorgio Caproni manifestait son intérêt pour la prose à laquelle il s'était consacré surtout entre la fin des années 1930 et celle des années 1940 : « J'ai toujours gardé la nostalgie des nouvelles - admettait-il - et je crois avoir été l'un des premiers poètes à avoir donné une dimension narrative à ses vers. » Les dix-sept nouvelles de ce recueil ont pour la plupart été publiées dans des journaux et des revues et seule « Au fil des jours », qui donne son titre à ce volume, est parue du vivant de l'auteur chez Rizzoli. Ces textes, traduits pour la première fois en France, offrent un large échantillon du travail de Caproni narrateur, notamment en raison de la variété des sujets abordés : la guerre et l'expérience dans la Résistance, l'après-guerre avec ses promesses et ses désillusions, la mer et les aventuressingulières qu'on y vit... Si différentes qu'elles soient, ces nouvelles ont en commun une certaine vision de l'être humain. En effet, les personnages de Caproni se ressemblent, ils partagent tous une difficulté à trouver leur place dans la société, un malaise existentiel, une rage qui est à l'origine de leur action mais surtout de leur inaction. Mettant en scène des épisodes qui n'ont souvent rien de sensationnel, l'auteur nous plonge dans l'intimité de ses personnages, fait de nous les témoins de leurs doutes, de leurs émotions, de leurs changements d'humeur soudains. Plus que la réalité que nous observons à travers leurs yeux, c'est leur vérité intime qui nous est livrée. Une vérité minutieuse, quotidienne, qui nouslaisse toutefoisl'impression de noustenir au bord d'un abysse
Une cabane dans les arbres, une maison ancienne au coeur des montagnes, une piscine... Une petite fille qui se baigne, un père qui disparaît, un autre qui trouve la paix dans le silence humide d'une cave, un couple qui se déchire ou se retrouve. Et puis, dans la poussière ou dans la grâce des instants volés du quotidien, surgissent des sentiments, des rêves, un désir inconnu, une découverte, qui illuminent, blessent, font grandir.
«L'origine du monde et de la vie et les perspectives de leur fin possible sont des thèmes si importants que pour parvenir à y penser on doit faire semblant de plaisanter.» Dans L'oncle aquatique, il sera question du passage de la vie aquatique à la vie terrestre tout autant que des mystères de l'amour et de ses chausse-trapes ! Éternel sujet d'étonnement et de rêverie pour les créatures - poissons, dinosaures ou mammouths... - de ces récits cosmiques et comiques. Une invitation à découvrir le gai savoir d'un immense auteur italien du XX? siècle.
«Au village, on l'appelait la Louve parce qu'elle n'était jamais rassasiée - de rien. Les femmes se signaient quand elles la voyaient passer, seule comme une mauvaise chienne, avec cette allure incertaine et soupçonneuse de la louve affamée : elle dévorait leurs fils et leurs maris en un clin d'oeil avec ses lèvres rouges, et les entraînait derrière ses jupes rien qu'en les regardant de ces yeux de démon, quand bien même ils auraient été devant l'autel de sainte Agrippine. Heureusement la Louve ne venait jamais à l'église, ni à Pâques, ni à Noël, ni pour entendre la messe, ni pour se confesser - le père Ange de Sainte-Marie de Jésus, un vrai serviteur de Dieu, avait perdu son âme pour elle.» Dans les paysages brûlants d'une Sicile rongée par la malaria, Giovanni Verga dépeint magistralement les combats et les tourments de ceux qu'il appellera «les vaincus de la vie». Quatre nouvelles par l'auteur des Malavoglia, grand classique de la littérature italienne.
Une confirmation du talent et de l'originalité du plus kafkaïen des écrivains italiens se retrouve dans Nouvelles inquiètes. Le Monde Dans ces nouvelles d'abord parues dans la presse, Dino Buzzati, l'auteur du Désert des Tartares et du K, renoue avec l'art du fantastique dont il est un maître incontesté, mêlant l'étrange et l'absurde avec brio.
C'est de là que pour nous naît l'inquiétude de ces Nouvelles inquiètes : s'apercevoir que le monde n'est pas exactement ce que nous pensions qu'il était, que le rêve a une puissance insoupçonnée, que la frontière que nous considérions infranchissable entre la vie et la mort est poreuse, que le diable existe mais qu'il n'est pas celui que l'on croit, que les hommes que nous donne à voir Buzzati sont bien nos semblables. Qu'on y prenne garde : l'inquiétude n'est pas la peur, encore moins l'horreur ; elle est quelque chose d'infimement (et d'infiniment) dérangeant mais qui n'empêche pas le sourire.
Delphine Gachet
Ce volume, paru pour la première fois aux éditions L'Alphée/villa Médicis en 1986, est composé d'un choix de douze « récits-souvenirs » tirés du volume Riccordi-Raconti publié par Mondadori en 1956. Ces textes en prose donnent corps à l'ambition même de Saba, qui souhaitait écrire une autobiographie à demi rêvée, ou ce qu'il appelait un « portrait d'inconnu ». Un premier groupe de récits est placé sous le signe de Trieste : la ville est le décor ou l'arrière-fond du monde merveilleux que l'auteur s'est obstiné à y voir ; un second est dominé par des figures d'écrivains (Leopardi, D'Annunzio, Svevo), par la passion de la littérature dans ce qu'elle a de quotidien et de fabuleux à la fois.
« La lumière de tous les récits (sans parler du ton), écrit Gérard Macé, est la même : celle d'une rêverie où se détachent les silhouettes d'un jeune homme et d'un vieillard, qui ne cessent de s'affronter, de se faire souffrir, et d'implorer un mutuel pardon : ils se nourrissent de Saba lui-même, dont la grande inquiétude est peut-être d'avoir à devenir la figure paternelle ou tutélaire qui le hante. »
Comment un pécheur endurci pourrait-il être adoré comme un saint après sa mort ? Par quel prodige, en donnant un grand banquet à base de poules, une belle marquise fidèle à son mari parvient-elle à réprimer l'amour du roi de France ? Pourquoi un moine, pourtant surpris en plein ébat avec sa belle par son abbé, est-il pardonné par ce dernier ? Audacieux, licencieux et plein d'esprit, les héros du Décaméron célèbrent la joie de vivre. Un des premiers chefs-d'oeuvre de la prose littéraire italienne.
L'oeuvre de Buzzati est un perpétuel sortilège, un merveilleux exercice de prestidigitation littéraire. André Clavel Un dragon qui terrorise un village de montagnards, un grand chef d'orchestre aux prises avec un groupe terroriste, une mystérieuse peste qui décime des automobiles...
Dans ces vingt-quatre nouvelles, Dino Buzzati mêle l'étrange au quotidien, l'humour à l'angoisse et, avec la subtile causticité dont il a le secret, nous offre une peinture délicieusement acerbe de la nature humaine. On trouvera dans ce volume toute la panoplie des rêveries, spéculations, obsessions et autres chimères qui ont hanté l'existence du génial auteur du Désert des Tartares et d'Un amour et qui donnent à son oeuvre son caractère si particulier.
Les îles d'Antonio Tabucchi sont des paysages qui glissent vers la tentation métaphysique, ses baleines bleues sont des sirènes qui évoquent un lointain appartenant à l'Être et non au Temps et à l'Espace, ses gestes de chasse et ses naufragés ont comme toile de fond les champs magnétiques et les analogies puissantes et mystérieuses des mots.
Dans ces récits de voyages et de naufrages, de chasse à la baleine et d'histoire d'amour contrarié, on retrouve le style poétique de Tabucchi et son penchant pour le rêve et le merveilleux. Si l'on pense à Melville et à Conrad, c'est sans doute du côté du Zibaldone de Giacomo Leopardi que résonne le plus clair écho.
Dans les collines du Piémont, les hivers sont rudes et les étés brûlants. Les enfants y grandissent librement au milieu de vignes. Ils découvrent l'amitié et l'amour, mais aussi la solitude et la mort. Dans ces quelques nouvelles lumineuses, Pavese nous guide à travers les paysages de sa jeunesse, lieux et moments magiques qui ont profondément marqué toute son oeuvre.
Les hommes et la poussière regroupe l'intégralité des nouvelles d'Elio Vittorini des années 1930 et 1940 - toutes inédites en langue française - écrites au moment où Vittorini est au plus fort de son activité et de son rayonnement, et publie ses oeuvres les plus importantes. Ce livre nous font découvrir un autre Vittorini, non plus le romancier mais l'auteur de nouvelles brèves et énigmatiques, à l'écriture essentielle et d'une musicalité rare.
Ce volume commence au début des années trente, où l'on voit Vittorini expérimenter diverses directions, dans un style plutôt classique et légèrement influencé par le surréalisme, dévoilant son intérêt particulier pour l'enfance, et nous amène jusqu'à la recherche d'un langage beaucoup plus « moderniste ». Son aboutissement est le petit recueil de « nouvelles » mis en avant dans la première partie du livre. Ces récits, écrits en concomitance ou immédiatement après Conversation en Sicile, témoignent de la même mise au point d'un langage symbolique et prophétique capable d'évoquer chez le lecteur la présence d'une communauté humaine manquante et désirée. Ce geste consistait à « dire sans déclarer », et Vittorini l'avait du reste lui-même imaginé pour soustraire ses textes à la censure. Mais dans ces nouvelles du début des années quarante, naissent aussi les motifs du désert qui figure la solitude humaine engendrée par le fascisme sous toutes ses formes, de la radio qui relie les hommes aux « villes du monde », ou encore de la « bête » qui signifie la peur et son envers - le désir d'action, de transformation. On y voit se forger les images d'une « autobiographie en temps de guerre » et la trame d'une catastrophe amoureuse. Mais le symbole politique qui traverse les années quarante est celui de la ville, qui rassemble chez Vittorini les motifs d'un mythe moderne et d'une recherche d'universalité. Les « villes du monde » (expression qui donnera son titre au futur grand roman inachevé de Vittorini) sont au début des années quarante cet espace utopique que quelques personnages rêvent de loin, pour devenir dans l'après-guerre l'emblème d'un espace politique à construire. Bien que Vittorini n'abandonne pas tout symbolisme, c'est une autre écriture que l'on voit ici, qui nous rappelle aussi qu'il fut l'un des initiateurs du néoréalisme italien. En filigrane, c'est aussi une histoire politique de l'Italie du 20e siècle et de ses intellectuels, dont Vittorini est un exemple à la fois exceptionnel et exemplaire, qui apparaît dans ce volume.
Ici, l'imagination sert l'improbable, et le sens de la vie se fait insaisissable, comme le temps qui passe. Mais avec un charme indéniable, presque envoûtant. Le Figaro Dans ses nouvelles, dès la première phrase, Dino Buzzati ménage l'art du suspense et invite à le suivre, à découvrir des situations, des personnages forcément moins ordinaires qu'ils n'y paraissent a priori. Autant d'appels à la lecture...
Tirées de différents volumes publiés en Italie du vivant de l'auteur, ces nouvelles couvrent une période de plus de vingt-cinq ans, de 1942 à 1968. On retrouvera dans les premières l'Afrique, que Buzzati connut durant la Seconde Guerre mondiale comme correspondant de guerre et envoyé spécial. Les textes plus tardifs sont d'une tonalité très différente : citons L'autre Venise , qui dévoile une Venise inhabituelle que seul révèle le crépuscule. Mais le lecteur reconnaîtra aussi des thèmes qui ont hanté Buzzati tout au long de sa vie, de son oeuvre - le mystère, la mort et la figure de l'écrivain au travail - et qui nous livrent quelque chose de l'homme et de l'auteur.
« Hypocondries, insomnies, impatiences et tourments sont les muses boiteuses de ces brèves pages. J'aurais voulu les intituler Extravagances, non tant en raison de leur caractère, mais parce que nombre d'entre elles me paraissent vaguer dans un curieux extérieur qui leur est propre et qui ne possède pas d'intérieur, comme des éclats à la dérive ayant survécu à un tout qui n'a jamais existé ».
On retrouve dans ce recueil de courtes nouvelles, dans ces fragments de prose inspirée, un « bruit de fond » qui traverse comme un vaisseau toute l'oeuvre d'Antonio Tabucchi : la sensation de naviguer dans un espace intime, confidentiel, dont la géométrie demeure inconnue. Entre mythe et histoire, anges et monstres, le temps perd sa consistance linéaire, le souvenir et le rêve se confondent, la présence et l'absence abandonnent les personnages à leur évanescence, et la vie se réinvente sans cesse, à l'abri de toute réalité.
Nouvelles extraites de Nuit de fête et autres récits
À la fin des années 40, Antonio Pellizzari, directeur de la Scala, démissionne pour changer radicalement de vie : il transforme sa somptueuse villa en orphelinat, tâche à laquelle il se dévoue avec une apparente passion. Ce changement apparaît pour le moins inexplicable au narrateur qui connaît bien la nature égoïste et rusée d'un homme exclusivement dédié à ses propres plaisirs.Pellizzari justifie sa «conversion» par la rencontre, aussi touchante qu'invraisemblable, d'un enfant malade au cours d'un voyage en Italie - l'enfant mourra peu de temps après. Larmes et arguments du «père des orphelins» n'arrachent pourtant pas la conviction de son interlocuteur, qui ne voit dans le récit qu'un étrange mélange de douleur réelle et d'hypocrisie.Ce n'est qu'au moment de quitter la villa que le narrateur voit se découvrir à lui la vérité par un tour bizarre : il découvre sur le bureau de son ami des boutons de manchette identiques à ceux qu'on lui a volés quelques mois plus tôt...
« Les douze récits qui composent ce volume forment un tout, écrit Pittoni, relié par une constante vision introspective qui a son origine dans le rapport entre la vie intérieure et les événements, en tant qu'affrontement (ou drame) pacifié ; exprimé dans l'imagination par des images et des symboles. [...] je dirais, si on me le permet, qu'il s'agit d'une formation géologique d'origine volcanique. » Ses réflexions sont nourries par cette vision introspective et elle se place d'emblée sous la protection de Nietzsche : « C'est la même terre, te dis-je, la même terre ! Ce sont mes herbes fragiles, mes humbles fleurs des champs, mes amers chênes rouvres, et les arbres immenses de Nietzsche, forts, bien enracinés, capricieux, qui donnent un sens aux horizons. » On découvre ainsi tout au long de ces proses une femme inspirante et d'un grand courage.
Sept nouvelles situées à Trieste, qui mettent en scène l'âme fragmentaire de cette ville à travers des personnages paradoxaux, héroïques en raison même de leur obscurité.