Incantatoire, le terme « réforme » oriente et sature discours et représentations politiques actuels, à l'opposé du Moyen Âge qui semble avoir fait un usage extrêmement limité de la forme longue du terme prévalant à l'époque : la reformatio. L'histoire du Moyen Âge occidental est pourtant tout entière narrée selon une trame « réformiste » : rois, papes ou évêques plus ou moins « réformateurs », réformes carolingienne, clunisienne, grégorienne, cabochienne, etc. sont autant de formules qui ont connu, ou connaissent encore, un vif succès, sans que le mot « réforme » ne soit toujours clairement défini et presque jamais historicisé. Que bon nombre de « réformateurs » médiévaux se soient définis comme des conservatores, des conservateurs, devrait pourtant nous interroger, d'une part, sur l'imaginaire politique que nous projetons sur leurs expériences institutionnelles, et, d'autre part, sur la direction et le sens que ces derniers entendaient originellement donner à leur entreprise.Régressive, la démarche qui sous-tend cet ouvrage collectif vise ainsi à retracer l'histoire d'un terme aujourd'hui à succès - la réforme - et à identifier un vocabulaire « réformateur » proprement médiéval. Sans verser dans l'écueil du nominalisme et en laissant sagement de côté la « réforme » comme phénomène historique, les contributions qu'il rassemble resteront plus résolument au ras des mots, et, partant, au plus près des représentations politiques médiévales, tout en interrogeant les usages (et les mésusages) de ce paradigme par les médiévistes.
La Mappa mundi d'Albi (ms. 29 de l'actuelle médiathèque Pierre-Amalric d'Albi), constitue l'un des exemplaires les plus anciens de représentation du monde en Occident. La cartographie antique n'est en effet connue que par des descriptions textuelles et des copies plus tardives. Cette carte présente une forme rare, en fer à cheval ; elle est orientée vers l'est et figure les trois parties du monde médiéval serrées autour de la mer Méditerranée : l'Asie en haut, l'Europe à gauche, l'Afrique à droite, et le détroit de Gibraltar largement ouvert en bas de la page. Le tracé des terres, à l'encre brune, se distingue des mers peintes dans une couleur verdâtre, de même que les fleuves. Des noms de lieux en latin permettent de reconnaître les éléments géographiques représentés : noms de provinces romaines, de cours d'eau, de villes et des îles principales de la mer Méditerranée. Le tout forme une image schématique de l'ensemble du monde tel qu'il pouvait être connu à la fin de l'Antiquité et au début du Moyen Âge en Europe occidentale.
Or, la Mappa mundi ne se présente pas seule : elle est conservée dans un manuscrit de parchemin, constituant un recueil de vingt-deux textes, copiés et reliés ensemble vers la fin du VIIIe siècle. Depuis l'époque de sa création, le manuscrit fait partie du fonds de la bibliothèque du chapitre de la cathédrale d'Albi (transféré à la bibliothèque municipale à l'époque contemporaine). Modeste localité située dans une campagne prospère, Albi devint une cité et un évêché au début du Ve siècle ; dès le VIIe siècle, un scriptorium et une bibliothèque en font un centre intellectuel et culturel important.
Bien que connus des spécialistes et souvent cités, la Mappa mundi d'Albi et le manuscrit dans lequel elle se trouve n'ont jamais fait l'objet d'une recherche approfondie. Lorsqu'en octobre 2015, ce document cartographique exceptionnel a été inscrit au registre Mémoire du monde de l'UNESCO, l'événement a été marqué par la création d'un groupe de recherche et d'un séminaire dont sont issus les articles de ce volume. Ils proposent d'aborder l'étude du manuscrit dans son environnement médiéval, ouvrant des pistes pour des recherches futures et soulignant des points de méthode. Il s'agit tout d'abord d'une interrogation sur le contexte historique et intellectuel du manuscrit et les preuves avancées pour sa datation. Il est question de la persistance des modèles cartographiques antiques, des possibilités matérielles de leur transmission et de leur réception à Albi, et du lien entre la mappemonde et les textes qui l'accompagnent. La comparaison avec d'autres mappemondes et d'autres ouvrages géographiques du haut Moyen Âge permet de mieux comprendre les usages de cette image du monde dans le contexte monastique du chapitre d'Albi et plus largement, de l'essor intellectuel de l'Occident médiéval à l'aube de la Renaissance carolingienne.
On trouvera dans ce volume quinze articles issus du colloque international « Les échanges culturels au Moyen Âge : du dialogue à la construction des cultures », tenu les 18 et 19 novembre 2017 au musée Yamato-Bunkakan de Nara, ancienne capitale du Japon, à l'initiative du réseau de médiévistes Ménestrel. À l'issue d'un long travail en commun, il restitue l'expérience d'une rencontre sur le mode polyphonique, mettant en résonance les cultures passées et présentes, entrelaçant thèmes historiques et voix historiennes des extrémités de l'Eurasie.
Les cultures médiévales y sont mises en regard par deux perspectives principales, déterminées par l'échelle des distances. D'une part une histoire d'échanges et d'interactions plus ou moins proches, prolongée par des formes de connaissance mutuelle qui avec l'éloignement géographique tendent vers l'imaginaire. D'autre part, entre les extrémités du monde privées de contacts directs, une approche comparée qui met au jour d'intrigantes similitudes et différences.
Réunissant et entrecroisant des thématiques très diverses - guerre, langues, emblématique, religions, sciences, collections d'art et de livres, voyages et connaissance du monde... -, ce volume ouvre de nouvelles pistes en histoire politique et sociale comme en histoire de l'art ou des textes. Franchissant allègrement les limites disciplinaires, il appelle surtout à ouvrir largement le dialogue entre les traditions de la pensée historiographique.
Ont collaboré à cet ouvrage : Jacques Berlioz, Philippe Buc, Isabelle Draelants, Christine Ducourtieux, Egawa Atsushi, Serena Ferente, Furukawa Shoichi, Alban Gautier, Benoît Grévin, Laurent Hablot, Horikoshi Koichi, Igawa Kenji, Kobayashi Yoshiko, Kuroiwa Taku, Anne Rochebouet, Sato Hitomi, Marc Smith, Tanabe Megumi, Tsukamoto Maromitsu, Ambre Vilain, Hanno Wijsman, Yamanaka Yuriko.
Les listes constituent une forme d'écriture très présente dans les textes du Moyen Âge, quels que soient leur nature et leur genre. Cette forme syntaxique, graphique et sémantique singulière a été l'objet d'une enquête collective menée dans le cadre d'un programme interdisciplinaire de recherche intitulé « Pouvoir des listes au Moyen Âge » (Polima), qui a bénéficié du soutien de l'ANR. Trois volumes collectifs rassemblent les études de cas issus des ateliers organisés dans le cadre de ce programme. Ils explorent les usages sociaux de cette forme d'écriture dotée de pouvoirs pragmatiques, poétiques et cognitifs.Ce troisième volume rassemble les actes de deux rencontres scientifiques organisées à Madrid (Casa de Velazquez, 5-8 juillet 2017) et Paris (Institut de Recherche et d'Histoire des Textes, 9-10 janvier 2018). Consacré à l'articulation entre, d'une part, la production et l'usage des listes et, d'autre part, la spatialité et la temporalité de la société médiévale, il ferme ce faisant la boucle ouverte au début du programme Polima, parti d'une hypothèse centrale de Jack Goody qui considère à la fois la liste comme paradigme de la raison graphique, comme espace graphique multidirectionnel et bordé, enfin comme mode de décontextualisation/recontextualisation - puisque les données écrites deviennent utilisables ailleurs et/ou plus tard.Ce volume montre ainsi comment la liste non seulement s'inscrit dans le temps et l'espace médiévaux mais aussi et surtout produit de la temporalité et de la spatialité. Les listes ne sont en effet pas simplement produites chacune en un lieu et un moment spécifiques qui en déterminent la nature et la forme, et elles ne mobilisent pas seulement non plus des savoirs spatiaux et temporels qui leur préexistent, mais elles font partie des instruments par lesquels la société médiévale maîtrise les effets de distance spatiale et temporelle en donnant corps à et en actualisant, par l'écrit ou l'image, ses représentations spatiales et temporelles.
À l'image du roi de France et de bien des princes de la fin du Moyen Âge auxquels ils étaient liés, les ducs et duchesses de Bourbon ont porté un goût marqué aux livres. Ils s'attachèrent à les rassembler dans leurs résidences. C'est à Moulins, dans le château construit par Louis II à partir de 1375, que fut aménagée leur principale « librairie », même si des ouvrages ont été conservés dans d'autres résidences, comme l'hôtel de Bourbon à Paris ou le château de Chantelle au duché de Bourbonnais. Après Louis II, les ducs et les duchesses l'enrichirent considérablement. Avec la bibliothèque conservée par les Montpensier au château d'Aigueperse que Charles de Montpensier, quand il devient duc de Bourbon en 1505, apporte avec lui, c'est plus de 500 volumes que possédaient les Bourbons au début du XVIe siècle. L'étude de cet ensemble, jamais menée jusqu'alors, permet de sortir de l'ombre une tradition bibliophilique, qui ne négligea pas à la fin de la période les imprimés. Elle a été menée à partir des inventaires qui nous sont parvenus pour les fonds de Moulins (1523) et d'Aigueperse (1474 et 1507), et des ouvrages conservés. Elle fait ressortir le rôle actif des duchesses dans la constitution de la bibliothèque. Si les livres à tonalité morale et religieuse dominent l'ensemble des commandes, dons et acquisitions, les ouvrages à tonalité historique et politique occupent une place de choix. Les ½uvres sont majoritairement en français. Les textes relevant de la littérature médiévale et antique sont également présents, mais leur proportion est moins élevée à Moulins qu'à Aigueperse. Enfin, la part des livres de droit, importante au temps de Louis II, s'est réduite par la suite. À la fin du XVe siècle, la bibliothèque des Bourbons est une bibliothèque curiale et aristocratique. Comme pour les Bourgogne et les Anjou, la librairie a été pensée comme un élément constitutif de l'identité princière. Si les livres disaient assurément l'honneur des ducs et duchesses de Bourbon, ils ont aussi grandement participé à la définition de leur pouvoir.
Les autorités et les penseurs chrétiens du Moyen Age ont, en règle générale, tenu un discours extrêmement négatif à l'égard de ceux qu'ils appelaient les païens, qu'il s'agisse de figures polythéistes du passé ou d'individus professant au présent une autre religion : stupides, brutaux, sans foi ni loi, les païens sont ordinairement donnés pour damnés.
Pourtant, dans l'Europe du Nord entre la fin du VIe et le début du XIIe siècle, une poignée de personnages ont été reconnus comme de "bons païens" par des auteurs chrétiens : certains sont regardés comme fondateurs, vertueux, voire exemplaires, et il arrive même qu'on laisse entendre que l'un ou l'autre d'eux a pu accéder au salut. Ainsi le poème anglo-saxon Beowulf met en scène des personnages héroïques et positifs, laissant planer le doute sur leur sort ultime, enfer ou paradis. De fait, selon les contextes politiques, sociaux, et culturels, les réponses à ce double problème de la vertu et du salut des païens ont été très variables : ainsi, si certaines sociétés ont rapporté sans trop de réticences l'histoire héroïque de leurs ancêtres païens, d'autres ont été amenées à refouler l'essentiel d'un passé jugé incompatible avec le nouveau contexte religieux.
L'enquête progresse de façon à la fois géographique et chronologique, explorant tour à tour l'Irlande, les marges septentrionales du royaume des Francs, l'Angleterre, le pays de Galles, la Scandinavie et le monde slave occidental. Dans toutes ces régions, la question des bons païens permet d'éclairer la manière dont, au prix d'accommodements et de bricolages théologiques, les sociétés nouvellement converties ont appris à parler d'elles-mêmes à travers le miroir de l'Autre païen.
Ce volume est le second d'une série d'ouvrages portant sur "Statuts, écritures et pratiques sociales dans les sociétés de la Méditerranée occidentale à la fin du Moyen Âge (XIIe-XVe siècle)", visant à étudier les statuts communaux dans une optique d'histoire sociale, non pas comme une source "normative" mais comme une source de la pratique, de leur matérialité et de leur forme d'écriture aux pratiques sociales en passant par les conditions de leur production et de conservation, leur inscription dans un paysage documentaire communal, leur structure et leur contenu.
Cet ouvrage, plus spécifiquement, se donne pour but de replacer la matière statutaire de l'Italie (Sienne, Ferrare, Gênes, Rimini, Milan, Orvieto, Pérouse, Todi, Pise, Lucques, la Sicile et Candie vénitienne) et du Midi de la France (Agen, Marseille, Avignon, Rodez et Comtat Venaissin) au sein d'un ensemble de documents produits par les autorités communales, par d'autres institutions présentes dans la commune ou par une autorité supérieure (seigneur laïc ou ecclésiastique, prince, roi ou pape) exerçant son dominium. Il s'agit donc d'éclairer le statut dans son paysage documentaire pour mesurer les circulations documentaires en repérant et en analysant tous les points de contact entre les statuts et les autres documents.
Du niveau le plus haut ou le plus large (comtal, provincial ou royal) au plus restreint (groupements professionnels) en passant par l'échelon communal, les différentes strates normatives se superposent et se complètent mais peuvent également entrer en concurrence, nous dévoiler des tensions entre les divers niveaux de réglementation, chacun de ceux-ci espérant marquer son emprise, dominer un espace ou un secteur d'activité. Statuer peut, en ce sens, apparaître comme un enjeu social de toute première importance.
La prédation est une réalité incontournable des sociétés du haut Moyen Age. Que l'on pense au sac de Rome par les Wisigoths en 410, au récit du vase de Soissons, aux déprédations vikings des IXe et Xe siècles, ou encore aux razzias incessantes de la guerre féodale, l'histoire de ce temps est traversée de pillages, de captures, de prélèvements de tributs effectués par la force. Associées pendant longtemps à une conception négative du Moyen Age, ces pratiques ont peu intéressé les chercheurs.
Tout au plus s'y est-on parfois penché de manière biaisée, par exemple en étudiant les conséquences des déprédations vikings, hongroises ou sarrasines sur l'Occident chrétien. Cela revenait implicitement à enfermer certaines sociétés, comme les Scandinaves, dans leur dimension prédatrice, alors que l'Occident chrétien ne pouvait être pensé, selon le contexte, que dans le rôle de victime ou de conquérant.
Considérée depuis quelques décennies dans une autre perspective, la prédation est désormais envisagée comme un phénomène économique, politique, social et culturel. Abordant les questions aussi diverses que les formes de partage du butin, la place de la prédation dans la circulation des richesses, l'insertion des captifs de guerre dans les économies locales ou dans les circuits du commerce d'esclaves, l'importance de la prédation dans le fonctionnement du pouvoir, ou encore la manière dont ces sociétés légitiment la pratique prédatrice, cet ouvrage apporte un éclairage nouveau sur cette pratique.
Les cours ont été, de longue date, l'un des terrains d'enquête favoris des écoles historiques, tant elles constituent un cadre privilégié pour l'étude des sociétés du Moyen Âge. Propices aux échanges, elles sont le lieu où peuvent s'exprimer, se résoudre ou s'exaspérer contestations et tensions, mais aussi un espace de distinction et un lieu de mise en scène d'où émergent et rayonnent des modèles d'organisation et de consommation.
Fruit des 43e rencontres du Réseau des médiévistes belges de langue française et du 52e congrès de la Société des historiens médiévistes de l'Enseignement supérieur public, ce volume envisage la cour non seulement comme un espace politique et un moyen de gouvernement, mais également comme un lieu de production et de consommation matérielle et culturelle, un creuset de réseaux de solidarités et de dépendances, une société particulière, régie par des lois et des usages, et enfin un espace physique d'autant plus complexe que les cours sont itinérantes. Autant de chantiers abordés en tirant profit des nouvelles méthodes et approches, comme l'analyse de réseaux, dans une perspective d'histoire comparative, en dépassant les divisions géographiques traditionnelles entre Orient et Occident. Cet ouvrage entend ainsi favoriser l'émergence de nouveaux modèles explicatifs de la nature et du développement des sociétés curiales médiévales.
Les sociétés médiévales accordent une grande importance à la culture de l'obéissance, au respect de la tradition et au principe hiérarchique. Mais elles sont aussi régulièrement secouées par toutes sortes de rébellions, de dissidences ou de révoltes, voire par de véritables révolutions.
Ces différentes figures de la contestation ont constitué un domaine de recherche majeur dans les années 1960-1970, porté par les vents de l'époque, avant d'être délaissés ou traités de façon plus parcellaire. A l'heure où les nouvelles recherches sur l'hérésie revisitent les rapports entre désobéissance et rébellion, où l'histoire intellectuelle réexamine la destinée de figures contestataires et où les grandes révoltes paysannes, urbaines ou nobiliaires suscitent un net regain d'intérêt, il convenait de rouvrir le dossier, sans nécessairement évoquer l'anniversaire de la Jacquerie paysanne de 1358, ni l'actualité brûlante du mouvement des gilets jaunes.
C'est ce qu'a entrepris le XLIXe Congrès de la Société des historiens médiévistes de l'Enseignement supérieur public, réuni à Rennes en 2018. Les études rassemblées dans ce volume explorent ainsi tour à tour la manière dont les sociétés latines, byzantines ou musulmanes du Moyen Age ont dit et défini les contestations, les motifs variés qui animaient dissidents ou révoltés, et les formes que prit la remise en cause de l'ordre établi, avant de s'interroger sur la fin des contestations et leurs effets par-delà leur dénouement souvent tragique et leur mémoire dissonante.
Définir toujours plus finement les contours des sociétés médiévales et les hiérarchies qui les traversent, mettre en lumière leurs stratégies économiques, scripturaires et politiques en valorisant l'agency des individus, tels sont les champs embrassés par François Menant ces quarante dernières années. Le crédit, les conjonctures de crise et les réponses qu'y apportent les sociétés urbaines et rurales, leur litteracy et leur communication politique sont autant de thèmes sur lesquels cet ouvrage a l'ambition d'offrir un panorama actualisé.
Couvrant un large arc chronologique, du haut Moyen Âge à la Renaissance, dans un espace européen généralement orienté autour de la Méditerranée, ce livre collectif a également vocation à retracer les vastes réseaux scientifiques internationaux tissés par François Menant au cours de sa carrière : anciens élèves de l'Ecole normale supérieure de Paris, maîtres de conférence, professeurs des universités, venus de France, d'Europe ou des Amériques offrent ainsi un instantané de la recherche en histoire économique et sociale actuelle. De l'individu au groupe, de la figure de l'entrepreneur médiéval aux élites rurales, de François Menant à ses élèves et à ses collègues, tel est le chemin que permettra de parcourir cette étude.
Les quatorze communications réunies ici, auxquelles s'ajoutent les témoignages de ses collègues et amis du CNRS à Villejuif, rendent hommage à l'apport scientifique de Nicole Pons sur le sujet qui a été au centre de toute sa carrière: le premier humanisme français. Elles montrent comment son ½uvre peut servir de modèle. La quête exigeante des manuscrits fait sortir de l'ombre des intellectuels liés par l'amitié et ouverts sur les auteurs italiens. Ces hommes, parfois illustres mais souvent anonymes, sont aussi des polémistes, qui ont mené de grands combats. Ils ne se sont pas contentés de vouloir résoudre le Grand Schisme ou de réformer le royaume en proie aux guerres civiles du temps de Charles VI. Ils se sont engagés de toute leur force contre les Anglais, pour rétablir l'Union avec les Grecs, pour asseoir le pouvoir légitime de Charles VII, qu'il s'agisse de sa filiation ou de ses droits... Par un jeu de miroir qui les renvoie aux auteurs antiques et surtout à Cicéron, ils croient à la vertu de leur plume pour dire le Vrai et pour changer le monde. C'est dire la belle continuité de leur mission que les terribles massacres de 1418 n'ont pas interrompue, et que ce colloque sait rendre en décrivant le foisonnement de leur pensée du début du XIVe à la fin du XVe siècle. Un style et une démarche qui n'étaient pas pour déplaire à Nicole Pons.
Les auteurs:
Caria Bozzolo, Dario Cecchetti, Franck Collard, Kathleen Daly, Claude Gauuard, Jean-Philippe Genet, Nathalie Gorochou, Isabelle Guyot-Bachy, Anne D. Hedeman, LucieJolliuet, Helène Millet, Jean-Marie Moeylin, Mariyold Anne Norbye, Ezio Ornato, Clémence Reuest, Camille Rouxpetel, Bene'dicte Sère.
De Jean de Berry, l'histoire a retenu l'image d'un prince mécène et bibliophile, ardent défenseur de la couronne au temps de Charles V et de Charles VI. Doté d'une principauté au centre du royaume, tenue en apanage, il a développé une administration dont les contours ont déjà été reconnus. Sa chancellerie, en revanche, a peu retenu l'attention. C'est autour des pratiques de l'écrit documentaire, actes en tête, que s'organise la présente publication. Celle-ci se veut une contribution à une meilleure connaissance de l'acte princier des XIVe et XVe siècles, un domaine qui, s'il a été illustré par divers historiens et diplomatistes, ne l'a été jusqu'à maintenant que de façon discontinue et incomplète. Par l'extension géographique et la variété de ses pouvoirs, par sa proximité avec la personne royale (il a été successivement fils, frère, oncle de roi), par la durée de son activité (une soixantaine d'années, de 1356 à 1416), Jean de Berry a légué un corpus central pour l'étude de l'acte princier. Un acte princier qui devient, à l'époque, une pièce importante de la production diplomatique et, par la captation de traits royaux, un outil efficace de la genèse de l'État moderne et de l'apprentissage de la sujétion. Organisation, recrutement, fonctionnement de la chancellerie, gestion de la mémoire des actes, traits internes et externes des productions, manifestations du pouvoir dans les titulatures et les sceaux, méthodes d'édition... sont scrutés dans les contributions de ce volume, non seulement pour Berry, mais aussi, de façon délibérément comparative, pour plusieurs de ses contemporains (princes anglais et navarrais, ducs de Bourbon, d'Anjou et de Bretagne).
Cet ouvrage propose une série d'études fondées sur des travaux de jeunes chercheurs éclairant la façon dont l'essor de l'écrit documentaire au cours d'un long XIIIe siècle a transformé en profondeur les pratiques administratives des sociétés médiévales occidentales. De la Sainte-Trinité de Caen au Mont-Cassin, de Paris au Midi toulousain, ces textes interrogent la façon dont l'écrit administratif est produit, utilisé, archivé. Écrire, est d'abord une façon d'appréhender le territoire, par l'inventaire des ressources d'une institution, par l'enquête, par l'enregistrement d'actes, renvoyant aux préoccupations propres au contrôle d'un espace éclaté, ou dans l'affirmation d'une personnalité institutionnelle. Les formes prises par ces documents administratifs et leur place dans les processus de gouvernement dépendent des hommes qui en gouvernent la genèse, de leur conception à leur rédaction, que ces dynamiques soient collectives, comme dans l'administration du comte de Toulouse, ou individuelles, comme dans la pratique toute personnelle de l'artisan Jean Teisseire. L'objet-document ainsi produit résulte d'une stratification de pratiques évoluant dans le temps, que seule une étude codicologique minutieuse et rigoureuse peut restituer, comme dans le cas du livre-outil de Saint-Martin de Pontoise. Enfin, la dimension archivistique de l'écrit apporte un recul sur la constitution de mémoires documentaires indissociables de certaines transformations sociales de la fin du Moyen Âge. L'étude des cartulaires de Notre-Dame de Paris et des regards croisés sur la documentation de la Sainte-Chapelle, par exemple, viennent ainsi compléter notre compréhension des mécanismes d'archivage et de la fonction des archives au sein des institutions.
Les auteurs :
Anne-Laure Alard-Bonhoure, Christophe Boucheron, Gael Chenard, Harmony Dewez, Charlotte Fain, Catherine Letouzey-Réty, Mélanie Morestin-Dubois, Vianney Petit, Gabriel Poisson, Alisée Rosa, Albane Schrimpf-Patey, Lucie Tryoen.
Ce volume est le quatrième d'une série d'ouvrages portant sur "Statuts, écritures et pratiques sociales dans les sociétés de la Méditerranée occidentale à la fin du Moyen Âge (XIIe-XVe siècle)", visant à étudier les statuts communaux dans une optique d'histoire sociale, non pas comme une source "normative" mais comme une source de la pratique, de leur matérialité et de leur forme d'écriture aux pratiques sociales en passant par les conditions de leur production et de conservation, leur inscription dans un paysage documentaire communal, leur structure et leur contenu.
Ce dernier ouvrage s'intéresse aux statuts "vus de l'extérieur" c'est-à-dire au rapport entre le texte statutaire et sa mise en jeu dans des pratiques sociales concrètes, mais aussi à la manière dont les acteurs médiévaux se posent la question de l'usage de la norme, aux divers moments documentaires où ils font référence ou allèguent explicitement les statuts dans leurs pratiques. Il n'est donc question de statuts qu'à travers d'autres documents, qu'ils fassent partie du paysage documentaire communal (délibérations communales, registres de justice, registres de compte, criées, épigraphie, iconographie, etc.) ou qu'ils soient élaborés en marge des écrits de gouvernement (registres notariés, testaments, récits de miracles, procès de canonisation, sources narratives, chroniques, etc.). Le but est de repérer, d'analyser et d'étudier la manière dont les normes statutaires se sont diffusées - ou pas -, ont été appliquées - ou pas - dans les pratiques politiques, économiques et sociales de la commune : comment ont-elles été validées, reproduites, conservées, diffusées ? C'est l'occasion de mesurer la force pratique des statuts, leurs effets dans la vie quotidienne du gouvernement et des acteurs sociaux, de prouver ainsi la pertinence de la confrontation entre divers éléments textuels produits par la commune pour élaborer une histoire des pratiques sociales à partir des pratiques d'écriture dans les sociétés de la Méditerranée occidentale à la fin du Moyen Âge (XIIe-XVe siècle).
Ont collaboré à cet ouvrage :
Dominique Bidot-Germa, Frédéric Boutoulle, Guido Castelnuovo, Edward Dettmam Loss, Antoine Franzini, Benoît Grévin, Michel Hébert, Didier Lett, Francine Michaud, Maria Giuseppina Muzzarelli, Xavier Nadrigny, François Otchakovsky-Laurens, Gian Maria Varanini.
Malgré les progrès constants de l'écrit, les sociétés latines, byzantines ou musulmanes du Moyen Âge restent très largement dominées par l'oral et les sons. La voix tient un rôle primordial au sein d'un paysage sonore dont l'étude a récemment bénéficié d'un regain historiographique et du croisement interdisciplinaire avec l'anthropologie, la musicologie, l'archéologie, l'architecture, l'art ou la littérature.
Le 50e congrès de la Société des historiens médiévistes de l'Enseignement supérieur public a ainsi voulu mieux comprendre la production, les usages, la définition et les contextes d'emploi de la voix, plongée dans des configurations engageant autant la parole, le discours, la déclamation que le chant ou, à l'inverse, le silence ou la voix intériorisée. Les contributions s'intéressent à la présence et aux marques d'oralité dans l'écrit, à la musique et à sa "fabrique", aux paysages sonores, aux cris et émotions, aux rythmes, à la scansion et à la cantillation..., bref à tous les contextes et prétextes qui produisent la voix, l'accompagnent ou la mettent en scène, et à ce qui est reproduit, proféré, clamé ou tu par elle.
Vingt ans après la rencontre de Gottingen, le congrès de Francfort rappelle également l'importance des échanges universitaires et historiographiques franco-allemands dans une ville profondément européenne et au riche passé historique.
Ce deuxième volume du "Moyen Âge dans le texte", issu de journées d'études tenues au Laboratoire de médiévistique occidentale de Paris entre 2013 et 2018, poursuit un travail de réflexion et d'exploration des champs ouverts par la "nouvelle histoire textuelle", développée depuis une trentaine d'années. L'écrit comme une évidente source de l'enquête historique devient lui-même matière pour les historiens qui interrogent sa forme autant que son contenu et étudient les milieux et les contextes de son élaboration et de ses usages. Les discussions croisées avec des chercheurs de France et de l'étranger, spécialistes d'histoire médiévale et de littérature, ont permis de confronter les méthodes et les angles d'approche. Or ce volume entend désormais mener l'enquête "au-delà de l'écrit", dans des domaines de recherche relativement récents, où la grande variété des textes du Moyen Âge n'a encore pas été suffisamment exploitée. Quatre thèmes sont ainsi présentés : la poésie, l'espace, le genre et le commerce.
Les auteurs : Cordelia Beattie, Nathalie Bouloux, Damien Coulon, Isabel Davis, Lisa Demets, Jan Dumolyn, Laurent Feller, Christopher Fletcher, ChristineGadrat-Ouerfelli, Jérôme Hayez, Ingrid Houssaye Michienzi, Aude Mairey, Chloe Morgan, Miriam Muller, Judith Olszowy-Schlanger, Cleo Rager, Clémence Revest, Emmanuelle Vagnon.
L'étude des frontières est contemporaine de la naissance de la discipline historique et de l'émergence des États-nations. Bien que la frontière ne soit pas une notion proprement médiévale, elle est cependant un thème classique des études sur le Moyen Âge. À la fois prégnant et souvent insaisissable, cet objet a été envisagé dans une optique comparatiste, en considérant les limites entre pouvoirs ou entre cultures, les divisions administratives, mais aussi les zones frontalières, de l'Angleterre à l'Empire mongol, de la Saxe aux terres valenciennes ou castillanes et à l'Iran. Sans négliger l'étude des espaces qui délimitent des aires d'exercice de pouvoirs et contribuent à la construction des territoires, les auteurs s'attachent à une histoire sociale, à des échelles variables, du quartier urbain à l'empire.
Ce volume présente les résultats des échanges du 51e congrès de la Société des historiens médiévistes de l'Enseignement supérieur public, tenu virtuellement à Perpignan malgré les restrictions d'accès aux archives et aux bibliothèques. Rassemblant les travaux d'historiens confirmés et de chercheurs plus jeunes, il dresse un panorama des frontières spatiales et des frontières sociales des mondes latin, byzantin et musulman. Ces choix permettent de mettre l'accent sur les modes de construction des frontières à travers des prismes variés : les processus, les outils et les lieux qui rendent visible la frontière, les actions qui la définissent et construisent les territoires.
La synthèse de James Russell Major, qui a eu le mérite de sortir l'histoire des assemblées représentatives en France de la double ornière de l'histoire institutionnelle et du corporatisme pour la réorienter vers l'histoire sociale, n'en concluait pas moins à l'échec des états généraux du XVe siècle. Mais ce diagnostic ne reposait sur aucun fondement, l'étude sociale du groupe des délégués n'étant même pas ébauchée, faute d'une indispensable enquête archivistique. C'est le défi que relève ici Neithard Bulst, en analysant la composition des assemblées de 1468 et de 1484 en se fondant sur un recours rigoureux à la méthode prosopographique. Pour cela, il est remonté à chaque élection, assemblant toutes les sources disponibles, y compris inédites surtout quand elles proviennent des archives départementales ou municipales, scrutant la procédure (elle varie d'un lieu à l'autre : ce n'est qu'en 1484 qu'on commence à lui porter attention), et établissant ainsi pour la première fois une liste fiable des délégués : si grâce au « Journal » de Masselin ceux de 1484 étaient à peu près connus, il n'en allait pas de même pour 1468. Les représentants du Tiers État prennent de ce fait une importance nouvelle. Il analyse ensuite l'enracinement familial, professionnel et social des délégués sans perdre de vue les membres les plus influents de la région où a lieu l'élection ou la désignation (le terme s'avère souvent mieux adapté). Il met ainsi en évidence tous les liens de clientélisme, de patronage, de partenariat ou de protection qui structurent les sociétés locales, donnant ainsi à voir une sorte de « bastard feudalism » à la française. La réunion des états est donc une circonstance exceptionnelle où le roi (en 1468) ou les puissants du moment quand il est mineur (les Beaujeu, la faction Orléans en 1484) rencontrent l'ensemble de la société politique du royaume, un temps fort de la communication politique en une époque où elle occupe une place de plus en plus importante dans la gouvernance de la France : de ce point de vue, tout l'ouvrage questionne le concept de « représentation » dans sa définition médiévale. Une autre impression se dégage de l'étude, la place qu'occupent déjà dans cette structure les officiers royaux, alors que Russell Major ne les voyait s'imposer que dans les assemblées du XVIe siècle. Du coup, le soi-disant échec des états généraux devient très relatif : certes, ils n'ont pas eu d'effets immédiats, mais ce qui devait être dit l'a été, et Louis XI comme les Beaujeu ont su en tenir compte dans leur gouvernance. D'ailleurs, la référence fréquente aux états dans les ordonnances royales révèle leur portée légitimante. Et ce sont les procédures mises en place en 1484 qui ont ensuite été reprises et développées dans les assemblées du XVIe et même du XVIIe siècle.
Pour le droit canon, l'excommunication vise à convaincre le pécheur de revenir dans le giron de l'Église, quelle que soit la gravité de sa faute. Cependant, cette censure canonique a été abondamment utilisée comme mesure de procé-dure, dans les affaires d'endettement notamment. Sa puissance effective à la fin du Moyen Âge en serait réduite, si on en croit les réformateurs qui la critiquent. La réalité est plus complexe. Si le corpus normatif définit toujours l'excommunication comme la mise à l'écart de ceux qui sont rétifs à l'autorité de l'Église, les archives des officialités révèlent à la fois les usages réels de la censure auprès des fidèles ordinaires, pour obtenir d'eux un comportement conforme aux exigences chrétiennes, et la perception de l'excommunication par ces mêmes fidèles. Ceux-ci considèrent l'excommunication comme une atteinte à leur honneur et au lien social. Cependant, celui-ci est dans les faits préservé par les proches de l'excommunié, peu soucieux de respecter strictement la censure. L'idéal reste cependant pour chacun la participation à l'intégralité de la vie paroissiale et en conséquence l'absolution effective. L'excommunication apparaît donc bien comme un révélateur des relations entre l'Église et ses fidèles en cette fin du Moyen Âge.
L'avènement du sultan Barqûq sur le trône du royaume syro-égyptien en 1382 est perçu dans l'historiographie comme l'événement qui distingue l'époque turque de la période circassienne du sultanat mamlouk.
Si rupture il y a eu, elle n'est toutefois pas tant ethnique que politique, marquant l'évolution de la nature du régime. La restauration de la dignité sultanienne et l'élaboration d'un nouveau discours de légitimité vont de pair avec la concentration des ressources fiscales au sein de la Maison du sultan, celle-ci étant confrontée néanmoins, dans le même temps, à la multiplication des conflits opposant les membres de l'élite militaire, les émirs. Au-delà des enjeux symboliques et économiques que se disputent ces officiers du sultanat, la lutte politique s'élabore autour de l'extension d'un capital social fondé sur des réseaux clientélistes. Dans cette compétition politique, les sultans successifs rivalisent avec de puissants émirs pour affirmer leur patronage sur l'élite militaire et s'imposer comme les maîtres du jeu.
Ce livre se saisit de la "dynastie barqûqide" en tant que laboratoire d'observation anthropologique de la conflictualité dans le sultanat mamlouk. Entre exclusion des émirs et intégration dans les réseaux, démonstration de force théâtralisée et violence anomique, la forme des conflits suit l'évolution de la nature du régime pour mener trente ans plus tard, en 1412, à la chute de la dynastie. Louvrage remet ainsi en question la périodisation classique en faisant de l'exécution du fils de Barqûq, le sultan Faraj, la véritable fondation du régime circassien.
Le rapport qu'entretient la culture médiévale avec les Pères de l'Eglise n'est en rien réductible à la vénération d'une autorité ancienne ; il est tout entier dans la mise au présent d'un passé continué. C'est à étudier les modalités textuelles, liturgiques et monumentales de cette présence médiévale de la mémoire patristique, envisagée dans sa dimension sociale et politique, que cet ouvrage collectif, issu d'un programme de recherche international et transdisciplinaire, est consacré.
Il porte sur la mémoire italienne d'Ambroise (340-397), évêque et saint patron de la ville de Milan, reconnu comme l'un des quatre docteurs latins de l'Eglise. Dès lors, le souvenir ambrosien est tiraillé entre deux pôles antagonistes : le premier est la vocation universelle du Père de l'Eglise, le second est son ancrage local qui fonde et justifie l'invention des traditions milanaises et la spécificité de sa liturgie, de son Eglise, mais aussi de son système de valeurs politiques.
Cette enquête sur la disponibilité sociale d'un souvenir et sur ses usages politiques ne se contente pas de faire la chronique, en longue durée, de la manipulation de la mémoire. Elle tente également d'identifier les ancres du souvenir, l'empêchant de dériver trop loin de l'Ambroise «historique» : des textes, des images, des rituels, des monuments. De là la dimension résolument pluridisciplinaire de l'entreprise collective, réunissant historiens, historiens de l'art, archéologues, philologues, mais aussi philosophes, musicologues, théologiens et liturgistes.
Dans la société byzantine, éminemment chrétienne, les évêques jouent un rôle qui dépasse de loin celui qu'on leur assigne aujourd'hui, avant tout celui de pasteur du troupeau. Personnages publics, ils se sont imposés comme une nouvelle catégorie sociale au service de l'État.
Pour écrire l'histoire du corps épiscopal à l'époque mésobyzantine (VIIIe-XIe siècle), l'auteur a dépouillé une très large palette de sources de tous ordres, depuis les récits hagiographiques et les chroniques jusqu'aux sceaux, en passant par les Notitiæ Episcopatuum.
Cette brillante étude réussit à se placer du point de vue des évêques, et notamment des évêques de la base, les plus difficiles à cerner car les sources constantinopolitaines les négligent ; mais l'existence de sources hagiographiques, présentant la vie dans des cités parfois secondaires, y aide grandement. Il s'agit donc ici d'une histoire byzantine vue avant tout de province, ce qui n'est pas fréquent. À l'étude d'un corps social, les évêques, dont nous pouvons suivre la carrière, depuis l'enseignement reçu, sans doute plus largement répandu en province que nous ne l'avions longtemps cru, jusqu'à la mort, s'ajoute la description minutieuse de l'action de l'évêque dans son évêché, au milieu de son territoire, de son clergé et de ses fidèles.
Relais des volontés impériale et patriarcale dans les provinces de l'Empire, l'évêque tente, dans un contexte de compétition avec les autorités locales, d'imposer son propre pouvoir, dans ses aspects spatiaux, sociaux, religieux et symboliques.
L'histoire sociale du Moyen Âge est aujourd'hui en pleine évolution : elle redéfinit ses objets et, construisant des approches originales, délaisse vieux paradigmes et anciennes périodisations, sans rien renier pour autant de l'acquis transmis par les générations précédentes. Ce livre s'empare des thématiques les plus renouvelées depuis les années 1990 - l'espace, l'écriture, la vie économique comprise comme l'une des modalités de la domination sociale. Ces différentes approches témoignent du dynamisme d'une discipline qui se place délibérément à la croisée des sciences de l'homme et de celles de la société, n'hésitant pas, pour enrichir ses analyses, à mobiliser les concepts de la sociologie et de l'économie. Des sciences plus classiques et plus techniques, comme la paléographie et la diplomatique, sont de la même façon convoquées pour saisir les raisons de l'inscription des choses et des faits dans des listes ou dans des récits. Au coeur de ces problématiques se retrouvent les notions de territoire, seigneurie, paroisse mais également des sujets qui rénovent l'histoire sociale, telle l'anthroponymie. L'histoire économique, quant à elle, dépassant les débats qui ont structuré son historiographie dans la seconde moitié du XXe siècle, cherche à définir les notions-clés de crise ou de commercialisation et s'interroge sur le fonctionnement concret de la société paysanne. Conçu comme un hommage à Monique Bourin età son oeuvre d'historienne, ce livre atteste de la richesse et de la fécondité de son enseignement ainsi que de son talent à transformer un champ d'études en guidant et fédérant les travaux de très nombreux chercheurs.