Exilée en Norvège pour échapper aux massacres qui ont suivi la Commune de Paris, Babette est devenue la servante de Martina et Philippa, deux soeurs austères vouées au culte de leur père pasteur. Un jour, elle gagne dix mille francs-or à la loterie et leur demande comme une faveur de la laisser préparer un souper fin à la française. Potage à la tortue, blinis Demidoff, cailles en sarcophages, Clos-Vougeot 1846 en carafes de cristal, ce sera un festin.
Malgré leur serment solennel de « purifier leur langue de toute concupiscence », les convives de l'aride communauté nordique de Berlewaag céderont peu à peu aux délices de cette chair luxueuse venue du Sud. Et ainsi, « de vieilles gens taciturnes reçurent le don des langues ; des oreilles sourdes depuis des années s'ouvrirent pour les écouter. » Babette, elle, aura consacré toute sa fortune et déployé tous ses talents dans ce geste généreux de grande artiste.
Stéphane Audran, qui fut l'inoubliable Babette du film de Gabriel Axel, nous initie, avec Karen Blixen, à ce don premier de l'oralité.