" Il existe une ville de Pétersbourg, ou Saint-Pétersbourg, ou encore Piter (ce qui revient au même). " Pétersbourg, le roman d'Andreï Biely, qui commence avec cette phrase, est une des grandes sources d'inspiration du Récit de Saint-Pétersbourg de Boris Pilniak - une autre étant l'Antéchrist Pierre et Alexis, de Merejkovski. Pétersbourg, ville mythique, thème majeur de la littérature russe ! Boris Pilniak écrivit cette nouvelle en 1921. Elle fut publiée à Berlin, où il se trouvait alors, en même temps que L'Année nue et Le Mélampyre, deux autres oeuvres majeures de cette période. C'est un collage d'éléments à première vue disparates. " La révolution, disait Pilniak, crée un nouvel art littéraire. Dans le récit, elle contraint à disloquer la fable, à écrire selon le principe des changements de plan. " Nous changerons donc de lieux et d'époques : Russie du début du xviiie siècle, Chine ancienne, Chine révolutionnaire du début du xxe siècle ; nous changerons de héros : Pierre le Grand, un Chinois, la statue du Commandeur, le révolutionnaire Ivan Ivanovitch Ivanov, son frère, Russe blanc émigré, une certaine Lise, etc. ; nous changerons même de langue (russe archaïque, ou encore contaminé par le chinois). Pilniak " sentait " l'ancienne Russie dans la nouvelle. Le côté " chronique historique " lui permet de mener une charge violente contre le présent : sa cruauté, le caractère mortifère du pouvoir (dont il sera finalement victime). Mais sa passion pour l'histoire le conduit au-delà de l'histoire, jusqu'à en faire surgir son contenu mythologique - qui est de tout temps, donc aussi du nôtre. Pilniak avait accueilli favorablement la révolution : il fut arrêté et fusillé en 1937.
Né en 1894, sur les bords de la Volga, Boris Pilniak accueille d'abord avec ferveur la révolution. Puis, dans les années trente, il est amené à haïr l'atmosphère conformiste et oppressive qui s'installe en Russie soviétique. Accusé, en 1937, d'espionnage au profit du Japon, il est arrêté et disparaît. Il sera fusillé, semble-t-il, quelques années plus tard dans l'Oural.
De Boris Pilniak, L'Age d'Homme a publié ses Récits anglais, Une femme russe en Chine, Les Chemins effacés, Ivan Moskva et Ivan et Maria.